Elles demandent une loi pour combattre les violences sexuelles à l'école
Anne-Sophie Poiré
«On ne se sent pas en sécurité à l’école», a une fois de plus signalé le collectif de jeunes femmes La voix des jeunes compte, en se réunissant devant les bureaux montréalais du ministère de l’Éducation. Elles réclament l’adoption «urgente» d’une loi pour prévenir et combattre les violences sexuelles au primaire et au secondaire.
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«L’école, c’est supposé être un endroit sécuritaire pour les jeunes. Ça n’a pas de bon sens que [des violences sexuelles] se déroulent alors qu’il n’y a aucune mesure adéquate en place afin de les prévenir et d'intervenir», lance Youveline Gervil, 19 ans, membre du collectif depuis sa création en 2017.
«C’est urgent de mettre en place une loi parce que les violences à caractère sexuel durent depuis toujours», ajoute sa consœur Kenza Chahidi, 19 ans. «Si ça fait cinq ans que le gouvernement ne veut pas écouter le collectif, ça veut dire qu’il y a d’autres victimes qui n’ont pas été écoutées avant nous.»
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Plusieurs scandales sexuels ont éclaté dans les écoles de la province dans les derniers mois.
Il y a deux semaines à peine, un professeur de l’école primaire Adélard-Desrosiers à Montréal-Nord était accusé d’agression sexuelle sur une fillette de 11 ans.
«Aussitôt qu’on en parle dans les médias, les dénonciations augmentent», note par ailleurs la cocoordonnatrice du collectif La voix des jeunes compte, Alexandra Dupuy.
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Protection demandée
Devant les bureaux montréalais du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, les jeunes femmes de 15 à 21 ans souhaitaient marquer le coup pour la dernière journée des travaux à l’Assemblée nationale vendredi, avant le déclenchement des élections cet automne.
Cette veillée était aussi organisée en soutien aux jeunes victimes.
Elles demandent la même protection que les étudiants des cycles supérieurs, qui, depuis 2017, sont appuyés par une loi visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles.
Une loi consacrée aux écoles primaires et secondaires est nécessaire, affirment-elles depuis cinq ans, rappelant que les violences sexuelles sur les jeunes sont la norme et non pas l’exception.
Au Québec, 62% des victimes d’infractions sexuelles enregistrées par les services policiers étaient mineures, selon les données de 2019 de l’Institut national de santé publique du Québec.
Les moins de 18 ans ne représentaient pourtant que près de 20% de la population québécoise.
Et les filles sont de 3 à 5 fois plus nombreuses que les garçons à être victimes d’agression sexuelle.
Une loi qui ne fonctionne pas
Les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires dépendent aujourd’hui de la Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école.
Mais pour le collectif, appliquer ce même protocole aux violences sexuelles, ça ne fonctionne pas. Et ces politiques, qui datent déjà de 10 ans, n’ont jamais donné les résultats escomptés.
«On a eu une situation où une adolescente dans une école secondaire s’est fait violer par un autre élève. L’école a appliqué les mesures en vertu de la Loi [visant à prévenir et à combattre] l’intimidation et [la violence] à l’école. La jeune fille a été obligée d’accepter une lettre d’excuses de son agresseur parce que ça fait partie du protocole lors d’un premier incident documenté par l’école», raconte Alexandra Dupuy.
«C’est inacceptable», lance-t-elle. «Il y a des nuances avec les violences sexuelles qui sont carrément mises de côté.»
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Il faut en faire plus
En novembre 2021, le ministre Roberge déposait le projet de loi 9 – Loi sur le protecteur national de l’élève. Il propose de créer un organisme autonome, externe au réseau scolaire, qui serait responsable d'examiner les plaintes des élèves.
«Le problème avec [le protecteur de l’élève], c’est qu’il n’y a pas de prévention, il n’y a pas d’éducation qui est faite à l’école», fait valoir Kenza Chahidi. «Et on encourage à dénoncer plutôt que d’aider les victimes à passer à travers les violences qu’elles ont vécues.»
La députée de Sherbrooke et porte-parole solidaire en matière d’éducation, Christine Labrie, qui déposait en octobre 2021 le projet de loi 394 visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les écoles primaires et secondaires, est aussi d’avis que «le ministre ne peut pas s’arrêter à la Loi sur le protecteur [national] de l’élève».
Son projet de loi n’a toujours pas été adopté.
«On n’a pas besoin des mêmes ressources pour les violences à caractère sexuel. Ce sont des crimes très intimes. Qu’est-ce qu’on fait quand la victime et l’agresseur sont dans la même classe?» illustre-t-elle.
«Les jeunes nous demandent de les protéger. Ils ont une compréhension très fine de la manière dont les violences sexuelles se manifestent à l’école», poursuit Mme Labrie. «Ils veulent être impliqués dans le processus.»