Jemmy Echaquan Dubé quitte son personnage dans «Toute la vie»
Hélène Fleury
L'oeuvre de l'auteure Danielle Trottier nous plonge dans le quotidien de jeunes filles enceintes à l'école Marie-Labrecque. Jemmy Echaquan Dubé, qui interprète Méli, nous parle de ce qui attend son personnage et revient sur l'événement très douloureux du décès de sa petite-cousine, Joyce Echaquan.
La comédienne Jemmy Echaquan Dubé, une Attikamek de Joliette maintenant installée à Montréal, est aussi réalisatrice, féministe et activiste. Rien de moins! Elle confirme cette assertion et s’en dit fière. Elle s’est rendue deux fois à l’ONU pour défendre les droits des Autochtones. Elle a marché aux côtés de Greta Thunberg lors de la grande marche pour le climat à Montréal.
Dans Toute la vie, elle joue Méli, une jeune autochtone sur le point d’accoucher. «Ce qui inquiète le plus Meli, ce n’est pas l’accouchement, mais plutôt ce qui va se passer après, confie Jemmy. Elle se demande ce qu’elle veut réellement pour son bébé. Une chose est sûre, elle désire la sécurité culturelle pour lui, c’est-à-dire qu’il soit élevé dans les traditions de sa communauté.»
Aussi, Méli est heureuse des liens qu’elle a noués avec Christophe (Roy Dupuis). «Christophe l’a beaucoup aidée. Il lui a montré qu’elle peut vivre ses émotions. Ce que Méli a vu dans Christophe, c’est sa douceur, sa façon de parler avec les filles et la qualité de son écoute. Les gens ne sont pas gênés de se confier à lui», raconte la comédienne. Puis elle enchaîne: «Méli a reconnu en Christophe un ami, pas seulement un intervenant. Il lui a parlé de choses personnelles le concernant, ce qui est rare venant d’un psychologue. Ce n’était pas juste une communication entre individus, c’est également un lien de nation à nation.»
UN ACCOUCHEMENT DIFFICILE
«On va assister à l’accouchement de Méli. Je l’ai tourné il y a un petit bout de temps. Ce n’était pas facile à jouer, car je n’ai jamais accouché de ma vie. (rires) C’était un peu compliqué d’aller chercher des émotions que je ne connais pas. Les gens étaient face à moi, c’était gênant. Ç’a été toute une expérience, rendue difficile par les mesures prises à cause de la covid! Il fallait faire vite et faire beaucoup de plans. Ça a pris une bonne partie d’un avant-midi. J’étais fatiguée après cette scène. Ma voix était éreintée tellement j’avais crié! À la fin, je toussais. (rires)»
QUITTER SON PERSONNAGE
«Les tournages pour moi ont pris fin en décembre, annonce Jemmy. Cela m’a fait de la peine que ce soit terminé. La dernière journée où j’ai tourné, je ne savais pas que c’était ma dernière fois sur le plateau. Je n’ai pas pu voir toute l’équipe. L’an passé, il y avait beaucoup de scènes où toutes les filles étaient en train de jaser ensemble dans les chambres ou dans la grande salle. Pas cette année, à cause de la pandémie. Et si on était ensemble, une fois que ça criait “Coupez!”, il fallait se séparer, mettre nos masques, etc. Mon rôle est terminé, et je n’ai pas d’autres projets télé pour l’instant. Je ferai peut-être un film comme assistante-réalisatrice.»
UN DÉCÈS TROUBLANT
Jemmy Echaquan Dubé a été frappée de plein fouet par le décès de la cousine de sa mère, Joyce Echaquan, une Attikamek morte dans des conditions atroces à l’hôpital de Joliette, le 27 septembre dernier. Jemmy accepte de revenir sur ces événements. La jeune femme s’accorde un long silence. Manifestement, elle cherche ses mots. «Il y a tellement de choses à dire, je ne sais par où commencer. Je trouve qu’il n’y a pas assez d’écoute. Une fois qu’on en a parlé dans les médias, le danger, c’est qu’on l’oublie. C’est ce qui arrive tout le temps. J’ai écrit un poème pour qu’on se souvienne de Joyce comme d’une personne vivante, et qu’on rappelle aux gens que ma petite-cousine n’est pas juste une statistique, mais que c’était une maman, une sœur, une amie, une épouse. Il ne faut pas l’oublier.
Toute la vie est diffusée les mardis à 20 h, à Radio-Canada.