Elle «change des vies» en parlant de sexe sur les réseaux sociaux
Félix Pedneault
Ses 83 000 abonnés sur Tiktok, des vidéos vues des centaines de milliers de fois et une boîte de messagerie pleine à craquer ont convaincu Anne-Marie Ménard d’une chose: au Québec, on manque cruellement d’éducation sexuelle, et il faudra plus qu’une série Netflix sur le sujet pour briser les tabous au lit.
L’envie de se lancer sur les réseaux sociaux est venue à la professionnelle en sexologie après qu’elle eut fait du bénévolat dans une école secondaire. Avec un organisme, elle faisait de l’éducation sexuelle auprès des élèves. «Pour les jeunes du secondaire, j’étais comme de l’eau dans un désert, raconte Anne-Marie Ménard. C’est ce qui m’a convaincue de faire ma page Instagram.»
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Aujourd’hui, le compte Instagram @aulitavecannemarie, lancé en 2018, rassemble 28 000 abonnés. Des abonnées pour la majorité, puisque le contenu vise les «personnes qui ont des vagins», comme le répète la tiktokeuse, très consciente de la diversité des genres.
C’est après avoir lancé sa page Tiktok en avril dernier, pendant le confinement, qu’Anne-Marie Ménard a vu sa popularité exploser auprès des jeunes. «Je me suis mise à faire des vidéos inspirées des questions qu’on me pose constamment et c’est vite devenu viral», résume la bachelière en sexologie. D’où les 83 000 abonnés, presque trois fois plus que sur son Instagram.
Un succès qui pèse lourd
Anne-Marie Ménard le réitère: si elle a autant de succès, ce n’est pas parce qu’elle fait quelque chose de spécial, c’est plutôt «parce qu’il y a une énorme demande en éducation sexuelle au Québec».
Aussi bien le dire, le lit d’Anne-Marie déborde. Elle est submergée par les demandes de consultations privées, au nombre de 20 à 30 par jour. Et c’est sans compter les 60 à 100 messages privés, souvent des questions ou des inquiétudes de jeunes concernant leur vie sexuelle, qui s’empilent sur son compte Instagram. «C’est bien d’un côté parce que c’est bon pour ma business, admet-elle, mais ça me dérange de voir que les gens ont autant de détresse.»
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C’est le système d’éducation qui est à blâmer pour un si gros manque d’éducation sexuelle, selon Anne-Marie Ménard. «Il y a encore tellement de jeunes qui m’écrivent parce qu’ils ont peur de leur première fois, pourquoi on a encore peur de notre première fois?» s’insurge la tiktokeuse.
Le programme d’éducation sexuelle omet de parler du sexe comme une source de plaisir, selon elle. «On n’aborde même pas le clitoris au secondaire, alors que c’est un organe qui sert uniquement à avoir du plaisir.»
Passer à la vitesse supérieure
Il reste du chemin à faire, mais Anne-Marie Ménard est convaincue qu’elle accélère le changement pour lever les tabous autour du sexe au Québec. «Je sais que je change des vies en ce moment», assure-t-elle.
Il y a des gens dans les commissions scolaires et au gouvernement qui partagent son opinion, assure Anne-Marie Ménard. Et la balle est dans leur camp! D’ici là, elle cherche à se donner plus de moyens pour répondre aux inquiétudes des jeunes. Podcast, Patreon, live Instagram, rien n’est exclu, et Anne-Marie Ménard cherche encore la meilleure approche.