Écologie et féminisme doivent aller de pair

Léa Ilardo
BILLET - À l’heure où les questions de transition écologique se fraient un chemin parmi les enjeux prioritaires de la décennie, ne faisons pas de la condition des femmes un angle mort: écologie et féminisme doivent absolument aller de pair.
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Késséça, l’environnement et les femmes dans le même panier?
C'est que la recherche indique que les changements climatiques auront des impacts plus importants sur les femmes que sur les hommes, au point où l'excuse du «on ne savait pas» ne tient plus. Il serait donc important de ne pas oublier la moitié de la population en préparant des plans pour construire un avenir meilleur.
Des tâches qui rendent plus vulnérables
On observe de façon frappante ces iniquités dans les pays du Sud, qui sont les plus touchés par la crise climatique. Dans la plupart des pays, les travailleuses agricoles sont à l'œuvre sur des terrains qui ne leur appartiennent pas (même si elles constituent 50% de la main-d'œuvre), ce qui les rend vulnérables en période de sécheresse. Elles doivent parcourir d'importantes distances pour trouver de l'eau pour leur famille ou nettoyer leur habitat après un ouragan. Leur réalité en recouvre une autre tout aussi frappante: 80% des personnes déplacées à cause des changements climatiques dans le monde sont des femmes.
Au Québec aussi
Ici aussi, le travail lié au soin des personnes est majoritairement exercé par des femmes, souvent de façon non rémunérée: le soutien psychologique après une inondation, l’éducation des enfants qui voient leur environnement s’effriter, le rôle de proche-aidante lors de canicules estivales, et j’en passe.
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Une étude réalisée à la suite des grosses inondations au Saguenay en 1996 a montré que les séquelles physiques et psychologiques étaient plus importantes pour les femmes. Lorsqu’une catastrophe naturelle survient, elles doivent non seulement se rétablir, mais elles doivent aussi continuer à assumer leurs obligations familiales et extérieures. Ces événements sont aussi souvent accompagnés d’un accroissement de la violence envers les femmes.
De plus, encore aujourd’hui au Québec, ces dernières vivent plus souvent dans la pauvreté que les hommes. Il suffit d’une inondation, d’un terrain emporté par l’érosion ou d’une canicule qui oblige à se mettre à l’arrêt: pour les femmes, il sera plus difficile de s'en remettre à cause de leur situation financière.
Une «économie verte» pour qui?
Un simple CTRL+F dans Plan pour une économie verte (PEV), présenté par la CAQ en novembre 2020, permet de remarquer que le mot «femme» n’y apparait pas une seule fois. Le PEV concentre son énergie (et son argent) pour restructurer des secteurs qui produisent plus de gaz à effet de serre, soit des secteurs où les hommes sont surreprésentés. Avec son plan, Québec promet de créer 15 500 nouveaux emplois d’ici 2030. Des emplois pour qui?
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Les changements climatiques ne sont pas neutres sur le plan du genre. Le travail en vase clos des différents ministères révèle les angles morts d’un plan comme le PEV. Il existe un outil pour mesurer l’impact d’une politique sur l’égalité femme/homme: l’analyse différenciée selon les sexes. Depuis 2006, le gouvernement est censé l’utiliser lors de l’élaboration de ses politiques. Pourquoi l’environnement y échapperait-il? Le Secrétariat à la condition féminine aurait dû être à la table lors de la mise sur pied du PEV. Il est encore temps de rectifier le tir et d’intégrer ce type d’analyse dans les actions de lutte et d’adaptation aux changements climatiques.
Sources: Programme des Nations unies pour le développement, UQAM, IRIS