Échanger Lafrenière au CH? «C’est le premier endroit où ils regarderaient!»
Louis-André Larivière
La légende des Rangers de New York Ron Duguay a vu neiger sur Broadway. Le célèbre attaquant à la tignasse frisée personnifiait l’un des joueurs les plus populaires auprès des partisans new-yorkais dans les années 1970 et 1980 sur la glace du Madison Square Garden.
Lui-même un ancien choix de premier tour du club, en 1977, le Franco-Ontarien comprend ce que traverse Alexis Lafrenière. L’ex-vedette de la LNH a déjà été dans les mauvaises grâces de son instructeur en chef, et ce malgré une saison de 40 buts réussie à 24 ans.
Ci-dessus, visionnez l'entretien qu'a accordé l'ex-vedette Ron Duguay au journaliste Louis-André Larivière.
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Le printemps prochain marquera d’ailleurs le 40e anniversaire de l’échange impopulaire - les partisans des Rangers en parlent encore - qui a envoyé Duguay de la Grosse Pomme à la ville de l’automobile.
D’ici là, il sera intéressant de voir si Lafrenière se mettra en marche pour dissiper les doutes dans Manhattan ou si les portes se fermeront comme celles d’un wagon du métro de New York. Stand clear of the closing doors.
Temps de glace en baisse
Depuis le dernier but de l’Eustachois, le 7 décembre, sa moyenne d’utilisation a diminué à 13 min 43s avant le match de jeudi soir à Montréal. Il s’agissait alors de la troisième plus faible moyenne des siens parmi les patineurs ayant disputé 10 matchs et plus durant cette période.
Seulement deux ans après que les Rangers en aient fait le premier choix au total au repêchage, en 2020, Lafrenière semble glisser dans la hiérarchie. Qui plus est, son premier contrat professionnel viendra à échéance à l’été.
Pour Duguay, un changement d’air serait bénéfique tant pour la direction que pour le joueur, dont le potentiel ne se manifeste pas avec constance ou conviction à sa troisième saison professionnelle.
«Je l’ai regardé pendant deux ans. Je ne crois pas qu’il pourra être mieux qu’un marqueur de 20 buts, a-t-il expliqué lors d’un généreux entretien avec le TVASports.ca, en début de semaine. Pas parce que je ne l’aime pas, mais parce qu’il manque de vitesse. Je me suis dit que c’est un joueur qu’ils cherchent peut-être à échanger.
«Les Rangers ont une bonne équipe et ils veulent gagner la coupe Stanley d’ici deux ans. Il n’en donne pas assez présentement pour se retrouver sur les deux premiers trios et pour que l’équipe puisse aspirer aux grands honneurs.»
Montréal, la destination idéale?
Historiquement, les organisations n’échangent pas un jeune sélectionné avec le premier choix au total à moins d’un aveu d’échec ou qu’une nouvelle administration décide de changer l’allure de l’effectif qu’elle a hérité.
En ce sens, l’homme qui a prononcé le nom de Lafrenière au micro en 2020 pourrait-il tenter de mettre le grappin sur lui? Pour Duguay, c'est le scénario idéal.
«Les Canadiens de Montréal, s’exclame-t-il. Si les Rangers allaient de l’avant, je crois que c’est le premier endroit où ils regarderaient. (Jeff) Gorton, qui est vice-président, l’a repêché et Martin St-Louis, que j’adore, fait un bon boulot. Il est un entraîneur intelligent.
«Avec les jeunes joueurs à Montréal, je pense qu’il aurait une opportunité, sur les deux premiers trios, de se détendre et se concentrer à jouer. Il semble bien composer avec la pression. S’il allait où que ce soit, les Canadiens avec Martin St-Louis derrière le banc, ce serait une bonne destination si les deux clubs pouvaient conclure un échange équitable.»
Duguay est d’avis qu’un joueur établi et bâti pour les séries pourrait servir d’appât pour ouvrir l’appétit du DG des Rangers, Chris Drury. Ce dernier n’a pas hésité à transiger en vue du bal printanier et cette tendance devrait se poursuivre cette année après une présence en finale de l’Est en 2022.
«L’an dernier, ils ont atteint la finale d’association parce qu’ils ont acquis quatre joueurs différents, rappelle-t-il avec justesse en évoquant les Andrew Copp, Frank Vatrano, Tyler Motte et Justin Braun. Des gars avec de la vitesse et de la hargne.»
Le sympathique Ontarien de 65 ans va même jusqu’à suggérer le nom d’un vétéran du Tricolore pouvant intéresser Drury : «un "gars" comme... Gallagher!».
«C’est le cœur des Canadiens, image-t-il. C’est ça qui manque à New York. Les Rangers sont faciles à affronter. Ils ont de bons joueurs, mais ils ne sont pas "tough". Gallagher, je l’aime moi!»
L’auteur de ces lignes précise que le salaire annuel de 6,5 millions $ qu’empochera Gallagher jusqu’en 2027 compliquerait un tel scénario si un pourcentage n’est pas retenu ou si le CH ne prend pas un imposant salaire en retour.
«Ils n’en auraient besoin que pendant deux ans pour essayer de gagner la coupe. C’est tout!», s’exclame-t-il en acquiesçant un sourire contagieux.
Josh Anderson serait-il plus monnayable? En tous les cas, rien n’indique que Lafrenière est sur le marché au moment d’écrire ces lignes.
Évidemment, la situation pourrait changer en vue des éliminatoires ou lors du prochain encan amateur lorsque des équipes auront moins de contraintes avec leur masse salariale. Le cas échéant, les Rangers exigeraient presque assurément un choix de premier tour ainsi qu’un espoir.
S'il était dans les souliers de Drury, Duguay aurait échangé Lafrenière l’été dernier, quelques semaines après qu’il ait offert du bon hockey en éliminatoires.
«De ce que j’ai vu de lui en séries, il a travaillé fort et il était plus robuste. Je me disais "je ne le vois pas comme un grand joueur (à New York), échangez-le maintenant!".»
À la défense de Gallant
Si l’instructeur en chef Gerard Gallant s’est souvent attiré des critiques pour avoir perdu patience avec de jeunes joueurs, ne serait-ce que pour passer un message, Duguay a tenu à défendre son ancien coéquipier chez les Red Wings de Detroit.
«J’aime Gerard Gallant. C’est une très bonne personne. L’enjeu avec un entraîneur de nos jours, c’est qu’il ressent une immense pression de gagner chaque match. C’est cette rencontre qui pourrait déterminer s’il accèdera ou non aux séries.
«Il dirige pour gagner. À savoir comment il est avec les jeunes joueurs, il a une très bonne compréhension, car il l’a déjà été aussi. Avec Alexis, je crois qu’il a fait du bon travail. Il lui a déjà donné du temps de glace de qualité sur les deux premiers trios.»
Gallant a pris une décision culottée en envoyant l’ancien de l’Océanic de Rimouski sur la passerelle de presse à Tampa, le 29 décembre dernier. La veille de la sentence, il l’a muté sur le quatrième trio à l’entraînement. Les journalistes attitrés à la couverture des Rangers se demandaient s’il fallait lire plus qu’une simple punition entre les lignes. Gallant a rétorqué qu’il «doit être meilleur».
Trois jours plus tard, il l’a inséré sur le troisième trio avec Filip Chytil et Jimmy Vesey, à Sunrise, où il l’a utilisé pendant 11 min 48s - son plus faible chrono de la saison.
Pas un «flop»
Avant d’affronter les Canadiens, jeudi, Laffy présentait une fiche de sept buts et 17 points en 38 matchs.
Pour ce qui est des performances, Duguay remarque que Lafrenière joue avec plus de robustesse depuis l’an dernier, ce que son entraîneur lui demandait. Comme plusieurs observateurs, il ne croit pas que l’ailier est un flop à 21 ans.
En revanche, il est d’avis que les Rangers ont jeté leur dévolu sur le Québécois au tout premier rang de la cuvée en raison d’un cru «plus faible» et qui n’offrait «pas de joueur de concession».
Selon lui, c’est sa vitesse, même améliorée, qui nuit à son rendement à sa troisième campagne et qui l’empêchera d’appartenir à l’élite de la LNH. Sa confiance doit aussi se redresser.
«J’aime le "kid", mais ça n’a pas été facile pour lui de marquer des buts et de produire au niveau que l’on s’attendait de lui. C’est un bon joueur, un bon fabricant de jeux, intelligent, et il est capable de mettre la rondelle dans le filet.
«Ça n’a pas débloqué pour lui, même s’il est encore très jeune.»
Heureusement, les partisans des Rangers ne sont pas durs à l’endroit de Lafrenière.
«Ils voient qu’il travaille pour s’améliorer.»
Nuits endiablées à Manhattan : la deuxième partie de l’entrevue avec Ron Duguay sera publiée dimanche matin sur le TVASports.ca.