Droits des femmes: rien n’est jamais acquis
Josée Legault
Risquer de perdre le droit à l’avortement. En 2022. Dans un vaste et puissant pays occidental. Avec la montée de la droite, soutenue entre autres par des millions de fondamentalistes chrétiens, on le craignait depuis des années.
Sous l’influence toxique de la nomination par l’ex-président Donald Trump d’un tiers des juges à la Cour suprême des États-Unis, on l’avait pourtant vu venir. Mais on n’osait pas y croire. Surtout, on ne voulait pas y croire.
Mais voilà que le pire risque d’arriver. Selon le journal Politico, d’ici juin, la Cour suprême pourrait annuler l’arrêt Rœ contre Wade – le jugement historique qui, en 1973, avait légalisé l’avortement aux États-Unis.
Selon des documents obtenus par Politico, une telle catastrophe sociale reposerait sur un argument tout simplement délirant. Soit que le droit à l’avortement ne serait pas protégé par la Constitution américaine.
Si la Cour suprême en venait à une telle conclusion, les femmes américaines redeviendraient soumises aux décisions arbitraires de chacun des États de permettre ou d’interdire le droit à l’avortement.
Ce serait là, n’ayons pas peur des mots, une catastrophe monumentale. Une régression sociale sans nom. Comme avant 1973, le pouvoir décisionnel des Américaines de poursuivre ou non une grossesse serait anéanti. Ce serait un cauchemar digne de La servante écarlate de Margaret Atwood.
Abomination
Pour la droite et l’extrême droite dites « sociales » – et leurs compagnons de route fondamentalistes –, la victoire serait totale. Et qui sait, par la suite, quel effet de contagion une telle abomination pourrait avoir au-delà des frontières américaines.
Le constat est inéluctable. Pour les droits des femmes à l’égalité et à la dignité, rien n’est jamais vraiment acquis. La seule option restante, si la Cour suprême américaine devait commettre cette ignominie, serait de reprendre le combat. Un combat que l’on croyait pourtant gagné.
Des manifestations ont d’ailleurs débuté aux États-Unis. Il en faudra encore des mers et des mers. Pour le président Jœ Biden, nul doute que ce sera un moment déterminant. Il semble bien l’avoir compris.
Pendant que les républicains jubilent à l’idée de priver les femmes du contrôle de leur corps, Jœ Biden dit croire au contraire « que le droit des femmes à choisir est fondamental ».
En vue des élections de mi-mandat, en novembre, il appelle également les Américains à « choisir des candidats favorables » au libre choix des femmes.
La lutte devra reprendre
Qu’on ne s’y trompe surtout pas. Si la Cour suprême devait abolir le droit à l’avortement aux États-Unis, la lutte pour le rétablir devra aussi nécessairement traverser les frontières.
Parce que l’enjeu est gravissime, les Américaines auraient alors grand besoin de la solidarité de millions d’autres femmes et d’hommes de par le monde.
Cette solidarité sera de mise aussi parce qu’un effet de contagion est possible ailleurs en Occident. Principalement à travers les multiples canaux politiques et médiatiques d’une droite pure et dure en ascension.
Et possiblement même jusqu’au Parti conservateur du Canada (PCC). Sa base, rappelons-le, regorge encore de fondamentalistes religieux opposés au droit des femmes à l’avortement.
Sortant enfin de son mutisme, la cheffe parlementaire du PCC, Candice Bergen, déclarait hier que les conservateurs n’entendaient pas eux-mêmes rouvrir le débat sur l’avortement. Soit.
Mais combien de temps cela durera-t-il vraiment si la Cour suprême américaine venait à renverser Rœ c. Wade ? Bien malins les devins.