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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Catherine Mavrikakis dénonce les petits aménagements avec la mort dans son nouveau roman

Catherine Mavrikakis est née d'une mère française et d'un père grec, à Chicago. Elle habite à Montréal.
Catherine Mavrikakis est née d'une mère française et d'un père grec, à Chicago. Elle habite à Montréal. Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal / Agence QMI
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

4 mai à 3h30
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Avec son nouveau roman féroce, terriblement lucide, direct, la grande écrivaine Catherine Mavrikakis pose des questions sur la vanité de la création, l’orgueil démesuré des gens et les douloureuses questions qui touchent la fin de vie. Sur les hauteurs du mont Thoreau raconte l’histoire de quatre sœurs qui accompagnent la plus jeune, atteinte de cancer, dans une clinique spécialement conçue pour adoucir les derniers jours des patients en faisant une immersion dans la création artistique. Mais tout n’est pas prévisible.

Catherine Mavrikakis a publié «Sur les hauteurs du mont Thoreau» aux Éditions Héliotrope.
Catherine Mavrikakis a publié «Sur les hauteurs du mont Thoreau» aux Éditions Héliotrope. © Éditions Héliotrope

Dans le domaine paradisiaque de la docteure Clarissa Gardner, qui offre une vue spectaculaire sur l’océan Atlantique, toute une équipe attentionnée de soignants et d’artistes reconnus s’occupe d’aider les malades et leurs proches à créer une grande œuvre collective avant de mourir.

En chemin vers la clinique, les sœurs Leroy, Rose, Léonie, Alexandra et Merline, ne prennent pas le temps d’admirer le paysage qui mène à Thoreau Heights. Elles savent que les jours de Rose, atteinte de cancer, sont comptés. Toute leur énergie et toute leur attention sont centrées sur elle.

Une «montagne magique»...

Sur la «montagne magique» de la clinique Gardner, les dirigeants se vantent de pouvoir triompher du deuil et de la mort grâce à leurs travaux avant-gardistes. Mais les sœurs Leroy vont apprendre à leurs dépens que la fin de vie n’est pas si prévisible qu’on voulait bien leur faire croire. Et que ce lieu n’est pas si «fabuleux», en fait.

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Catherine Mavrikakis est sans pitié dans ce roman qui soulève de nombreuses questions. «C’est l’histoire de quatre sœurs. Elles sont sur la route vers le Maine, mais c’est un Maine imaginaire», raconte-t-elle en entrevue.

«Elles s’en vont au mont Thoreau où il y a une clinique où une femme aide les gens en fin de vie. La plus jeune des quatre sœurs est en train de mourir d’un cancer donc on va lui donner l’aide médicale à mourir, au bord de l’eau, dans un lieu extraordinaire.»

Une œuvre artistique...

«Avant de mourir, toute la famille fait une œuvre de création, une œuvre de création finale. C’est un roman sur la fin de vie, comment penser la fin de vie, qu’est-ce que c’est, les médecins qui administrent la mort. Mais c’est aussi un texte qui se moque un peu de tout. Et il va y avoir une surprise...»

Elle avait envie de mettre en doute des choses sur l’aide médicale à mourir. «Je n’ai pas besoin de prendre position parce que je suis une romancière. Je peux dire une chose et son contraire... Les personnages disent des choses différentes. J’avais envie de réfléchir sur ce que c’était la mort, dans ce contexte.»

Elle parle des dérapages possibles et de l’économie de la mort. «Je pense aussi, et je le crois vraiment, parce que je l’ai expérimenté avec mon père, que les hôpitaux raisonnent très souvent en termes d’argent.»

Exploiter les gens

Catherine Mavrikakis a trouvé lourd de parler de ce sujet difficile, mais ajoute qu’elle se moque beaucoup de la Dr Gardner, cette femme médecin qui exploite les gens et veut faire beaucoup d’argent sur le compte des gens en fin de vie.

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«Elle est en train de profiter un peu des gens. Je me moque aussi des artistes qui croient que l’art peut sauver des gens, comment une œuvre peut être plus grande que la vie. Je me moque un peu de tout ça, quand même. Il y a quelque chose très drôle dans mon roman, quand même. Ce n’est pas angoissant: il y a des passages très drôles.»

Un paysage imaginaire

L’écrivaine avait aussi envie de faire quelque chose de très champêtre, en même temps. «Comme si la nature pouvait nous réconcilier dans la mort, ce qui est peut-être aussi vrai, quand même. Il y a une beauté dans la nature qui nous console.»

Elle ne voulait pas qu’on puisse reconnaître des lieux. «Ce que j’aimais, c’était que c’était proche de l’eau. Je voulais parler de la beauté du paysage. Je ne voulais pas que ce soit trop réaliste.

Sur les hauteurs du mont Thoreau

Catherine Mavrikakis

Éditions Héliotrope

344 pages

  • Catherine Mavrikakis est née d’une mère française et d’un père grec, à Chicago.
  • Elle vit à Montréal depuis toujours.
  • Elle est notamment l’autrice de L’absente de tous bouquets, de La ballade d’Ali Baba, de Les derniers jours de Smokey Nelson et de Le ciel de Bay City.
  • Son œuvre est traduite en plusieurs langues et a été maintes fois récompensée.

«Clarisse montrait des aptitudes remarquables pour offrir une hospitalité aux tragédies personnelles ou familiales et elle possédait un talent sans pareil pour faire surgir un sentiment vrai ou faux d’harmonie, lors d’un dénouement à la fois pénible et bénéfique. Elle donnait aux membres d’une même tribu la possibilité de se créer un récit commun qui venait renouer les liens et souder solidement les uns aux autres les fragments malheureux de nombreuses histoires ratées. Là résidait le but de la création collaborative: rapiécer les lambeaux sanguinolents de moments traumatiques pour en faire une œuvre cohérente, bien structurée et surtout réparatrice.»
- Catherine Mavrikakis, Sur les hauteurs du mont Thoreau, Éditions Héliotrope
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