Dix «personnages» dans l’histoire des Canadiens
Ian Gauthier
En plus de 110 ans d’histoire, le Canadien de Montréal a vu passer sa juste de part de «personnages», c’est-à-dire des joueurs, ou des entraîneurs qui avaient un caractère particulier et qui ont fait le régal de leurs acolytes, des amateurs et des journalistes lors de leur séjour dans l’organisation.
Que ce soit par leurs manies, leurs excentricités ou leurs réflexions, ces hommes ont marqué les souvenirs de plusieurs et ont contribué à rendre leur sport encore plus divertissant.
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Voici donc, sans ordre particulier, dix «personnages» qui ont marqué l’histoire du Tricolore :
Bernard Geoffrion
L’un des plus dangereux marqueurs de l’histoire de l’équipe, le Montréalais a carrément inventé le lancer-frappé, d’où son célèbre surnom «Boum Boum». Dans les années 1950, alors que le monde du hockey utilisait essentiellement le tir du poignet, Geoffrion, lui, avait tout bonnement décidé d’en mettre une couche de plus. Ça l’a bien servi : il est devenu le deuxième joueur à marquer 50 buts dans une saison de la LNH.
Mais si ce n’était que ça.
Le membre du Temple de la renommée, qui marqué 371 buts avec le CH, était aussi un sacré personnage. Magnétique, il a même été embauché, après sa carrière de hockeyeur, par le célèbre homme d’affaires Ted Turner dans un poste de relations publiques. Avec son regard perçant et sa voix de stentor, il ne passait jamais inaperçu : d’ailleurs, il adorait chanter et ne gênait pas pour se laisser aller dans les fêtes et rassemblements. Il était aussi capable de l’occasionnelle boutade mémorable. Les plus anciens se souviennent sans doute de la fois où le journaliste Michel Normandin l’avait questionné sur la nature d’une de ses blessures.
«J'ai entendu dire, par le docteur, que c'était une surbite», avait répondu Geoffrion.
C’était une bursite.
Alexander Radulov
Le Russe n’a disputé qu’une saison à Montréal, mais il a rapidement été adopté par les partisans. Ses habiletés avaient de quoi le rendre populaire, mais il y avait aussi quelque chose, dans son exubérance, sa spontanéité, qui avait charmé le public.
Radulov, à n’en point douter, est un bon vivant. Un gars qui s’amuse sur la patinoire. Certaines de ses célébrations, après des buts importants, étaient mémorables. Ses coéquipiers en ont également eu pour leur argent.
Max Pacioretty, qui l’a beaucoup côtoyé durant son année à Montréal, a déjà raconté quelques bonnes anecdotes au sujet du Russe, notamment celle où Radulov était venu participer à une fête chez lui, un soir, avant de le rappeler le lendemain parce qu’il ne trouvait plus son dentier.
Quelque part dans cette soirée, dans des circonstances plus qu’obscures, Radulov, un homme particulièrement édenté, avait perdu son dentier. Pacioretty a fait le tour de sa maison pour le retrouver. Sans succès. Ledit dentier reste à ce jour perdu. Deux mois plus tard, «Radu» s’en était acheté un nouveau.
Ce n’est qu’une histoire parmi plusieurs autres!
«Gump» Worsley
Gardien des Canadiens dans les années 1960, Lorne «Gump» Worsley, un anglo-Québécois, avait un style particulier pour l’époque. Souvent sur la patinoire, acrobatique, le diminutif portier fut l’un des derniers à occuper sa position dans la LNH sans porter de masque.
Pour lui, le masque était très inconfortable. Et lorsqu’un journaliste lui a demandé si un jour il finirait par en utiliser un, il avait répondu «mon visage est mon masque».
C’était vraiment une autre époque. Worsley, qui a déjà été assommé en plein match par un violent tir de Bobby Hull, ne se plaignait pas de son sort. «C’est mieux que de se promener avec une boîte à lunch», rappelait-il au sujet de son métier, qui était autrement plus risqué en son temps.
Avant de jouer à Montréal, «Gump» jouait pour les Rangers, durant ce qui n’était pas une grande époque pour l’organisation new-yorkaise. Régulièrement bombardé de plus de 40 tirs par match, «Gump» s’était fait demander quelle équipe lui causait le plus d’ennuis.
«Les Rangers», avait répondu l’ineffable gardien.
Guy Lapointe
«Pointu» est surtout reconnu pour son excellence à la ligne bleue : le membre du Temple de la renommée faisait partie du célèbre «Big Three», en compagnie de Serge Savard et Larry Robinson, à la défense des Canadiens durant leur dynastie des années 1970.
Mais «Pointu», c’était aussi un sacré farceur. La plupart de ses coéquipiers ont, un jour où l'autre, été victimes de l’un de ses tours pendables. Comme clouer au sol les souliers de Ken Dryden. Comme amener son propre sifflet à l’entraînement pour faire enrager Scotty Bowman. Comme cacher la voiture de Mario Tremblay pendant une semaine. Ce ne sont que trois exemples dans une mer de mauvais coups.
Son grand classique, c’est sans doute la fois où il s’était enduit la main de vaseline avant d’aller serrer celle de Pierre Elliott Trudeau. Le premier ministre du Canada avait été quelque peu... surpris. Il a répété le même truc avec Johnny Bench, receveur-étoile des Reds de Cincinnati dans les années 1970.
Ces temps-ci, Lapointe combat un cancer de la langue et de la gorge. Souhaitons-lui toute la force nécessaire pour affronter avec succès cet impitoyable adversaire.
Gino Odjick
Au total, le dur à cuire de Maniwaki n’a joué que 49 matchs dans l’uniforme des Canadiens, mais personne ne l’a oublié. Odjick, aux dires de plusieurs, est un gaillard attachant au grand cœur.
Mais sur la glace, il était... disons intempestif. Il suffit de revoir la séquence où, torse dénudé durant une mêlée générale, il défie l’équipe entière des Blues de St. Louis, et probablement le reste de l’univers aussi.
Mais Gino, un gars spontané doté d’un intéressant sens de la répartie, amusait aussi énormément les journalistes lors de ses points de presse. Un soir, après une défaite en séries, il leur avait déclaré «on n’est pas des quilles, on ne se laissera pas abattre».
Logique imparable.
Odjick est à ce jour une légende des Canucks et à Vancouver, les amateurs l’applaudissent chaudement partout il est présenté. Mais à Montréal, les partisans du CH l’ont aussi beaucoup aimé.
Marcel Bonin
Membre des Canadiens entre 1957 et 1962, Bonin ne mesurait que 5’8’’, mais selon plusieurs, il était à l’époque l’homme le plus fort, livre pour livre, de toute la LNH.
Et il n’avait pas froid aux yeux. Le célèbre «Terrible» Ted Lindsay l’a appris, un soir de 1950, et après avoir provoqué Bonin, il s’est vite retrouvé couché sur la glace, n’ayant plus grand-chose de «terrible» en lui.
Capable de plier des clous de six pouces avec ses doigts, s’amusant à croquer du verre pour divertir ses coéquipiers, Bonin s’est même déjà battu contre un ours, à 16 ans, alors qu’un cirque était de passage à Joliette. Bon, l’ours a eu le dessus en fin de compte, mais ce fut suffisant pour que le hockeyeur soit ensuite surnommé «l’Ours de Joliette».
Et l’ours, ensuite, s’est probablement vanté à ses amis d’avoir été le seul à s’être montré plus fort que l’ancien numéro 18...
Pete Mahovlich
Le jeune frère de Frank a connu une belle carrière dans la LNH et plusieurs estiment qu’il aurait mérité sa place au Temple de la renommée. Pete Mahovlich, un gaillard de 6’5’’, était un très bon joueur de centre qui détient toujours le record de mentions d’aide en une saison avec le CH, alors qu’il en avait cumulé 82 en 1974-75.
Mais le grand Pete était aussi un bon vivant. Fêtard invétéré, un peu trop au goût de l’entraîneur Scotty Bowman, même, Mahovlich avait du front et un certain sens de l’humour.
Il fallait un peu des deux, en tout cas, pour s’installer les deux pieds sur le bureau du maire de Montréal, Jean Drapeau, et de s’allumer un gros cigare pendant les célébrations de la Coupe Stanley remportée par le Tricolore en 1971.
Patrick Roy
Pour le meilleur et pour le pire, Patrick Roy, alias «Casseau» dans ses jeunes années, était tout un personnage. Que ce soit par ses tics, ses sautes d’humeur, sa répartie ou son incroyable instinct de compétiteur, «Saint-Patrick» ne laissait personne indifférent.
Roy avait sa part d’ombre. Ses conflits avec l’entraîneur Mario Tremblay l’ont sorti de Montréal en 1995.
Mais il était aussi capable, à son tour, de l’occasionnelle citation mémorable.
Critiqué dans les médias par Jeremy Roenick durant les années 1990, Roy avait répondu qu’il n’avait pu entendre les propos de l’Américain parce qu’il avait les deux oreilles bouchées par ses bagues de la Coupe Stanley.
P.K. Subban
Dès qu’il a enfilé le chandail des Canadiens, il était assez clair que P.K. était dans une classe à part et pas seulement en raison de ses habiletés de hockeyeur.
Volubile, démonstratif, lui aussi capable de la réplique mémorable, Subban était, jusque dans son style de jeu, un véritable «entertainer».
Les anecdotes de son ex-coéquipier Hal Gill à son sujet sont sans doute les meilleures. Dans un article publié sur «the Player’s Tribune», Gill s’est souvenu du premier printemps de Subban à Montréal, alors que le CH affrontait les Penguins, champions en titre de la Coupe Stanley, au deuxième tour des séries.
Dès le premier match, dès son premier tour sur la patinoire, Subban s’était mis à emmerder nul autre que Sidney Crosby.
«Hey Sid! Je vais te suivre toute la soirée, mon gars. C’est toi contre moi! Toute la soirée. Je t’attends!»
Gill était convaincu que le jeunot allait se faire démolir. Et quatre minutes plus tard, les Canadiens menaient 1-0.
Subban venait de marquer son premier but dans la LNH.
Claude Ruel
Deux choses : l’ex-entraîneur et dépisteur des Canadiens était surnommé «Piton» et l’expression «y’en n’aura pas de facile», incontournable du parler québécois moderne, est son invention.
Claude Ruel l’avait débitée, en 1969, alors qu’on lui demandait si les Canadiens avaient des chances de remporter la Coupe Stanley. C’est resté.
En fait, «Piton» avait le don de déballer des expressions alambiquées qui amusaient ses interlocuteurs. C’est ainsi que les journalistes pouvaient apprendre que «les Flyers sont accumulés au pied du mur», que «la game allait être télévisée de Winnipeg d'une Athlétique à l'autre» et qu’un joueur blessé reprenait «du poil pis de la boîte».
Si son vocabulaire manquait parfois de finition, ses connaissances du hockey, elles, étaient réglées au quart de tour. Passionné de son sport, Ruel, en travaillant plutôt dans l’ombre, a bâti les carrières de plusieurs joueurs des Canadiens. Ils étaient nombreux à lui rendre hommage lorsqu’il est décédé en 2015.