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Distorsions entre le vote populaire et le nombre de sièges: la démocratie québécoise en danger, disent des experts

Gabriel Nadeau-Dubois, Dominique Anglade, François Legault, Paul St-Pierre Plamondon et Éric Duhaime
Gabriel Nadeau-Dubois, Dominique Anglade, François Legault, Paul St-Pierre Plamondon et Éric Duhaime Photomontage Marilyne Houde
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-10-04T21:05:00Z
2022-10-04T21:07:01Z
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Le système électoral est «malade et inéquitable» et le mode de scrutin doit être revu. Non seulement une majorité de citoyens est en faveur, mais il en va du climat social et de la santé de notre démocratie, préviennent des experts.

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«Certains réalisent que leur vote ne compte pas. Ça n’a aucun bon sens sur le plan démocratique et de la représentation! Ça risque de renforcer la conviction que l’on n’est pas représenté, de décourager encore davantage de gens à aller voter et d’empirer le cynisme envers les institutions», déplore Daniel Turp, professeur émérite de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. 

Des distorsions inquiétantes  

Ce qui inquiète l’ancien député péquiste, c’est la disproportion entre le vote populaire et le nombre de sièges remportés par les diverses formations politiques. 

Le 3 octobre dernier, la CAQ n’a eu besoin de l’appui que de 41% de la population pour faire élire une écrasante majorité de députés à l’Assemblée nationale (90 sur 125 sièges). Mais au-delà de la victoire caquiste, c’est la distribution des sièges entre les partis d’opposition qui retient surtout l’attention. 

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Même s’il arrive au quatrième rang du pourcentage du vote avec 14%, le Parti libéral du Québec (PLQ) a fait élire 21 députés, ce qui lui assure le statut d’opposition officielle. 

Ensuite, même si Québec solidaire (QS) et le Parti Québécois (PQ) ont reçu sensiblement le même pourcentage du vote, soit environ 15%, leurs poids au Salon bleu diffèrent grandement. Alors que QS a remporté 11 sièges, le PQ doit se contenter de trois. 

Le déséquilibre ne s’arrête pas là. Le Parti conservateur du Québec (PCQ) est le plus grand perdant de la soirée. Malgré 13% du vote populaire, la formation menée par Éric Duhaime n’est parvenue à gagner aucun siège. 

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«On a une illustration la plus frappante des iniquités du système actuel avec les résultats d’hier. Des partis qui récoltent sensiblement le même pourcentage du vote, mais qui obtiennent une représentation très différente à l’Assemblée nationale. Ça prouve que le système ne marche pas» affirme M. Turp. 

Tous les chefs des partis d’opposition, à l’exemption de la libérale Dominique Anglade, ont d’ailleurs dénoncé cette distorsion et appelé à une réforme du mode de scrutin.

La démocratie en péril

Les derniers résultats électoraux pourraient faire en sorte que plusieurs citoyens ne se sentent pas du tout représentés par le gouvernement majoritaire de la CAQ, redoute Daniel Turp. 

Le déséquilibre actuel pourrait avoir des conséquences graves s'il persistait, avance pour sa part Jean-Pierre Charbonneau, ex-ministre péquiste de la Réforme des institutions démocratiques. 

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Jean-Pierre Charbonneau est le président du Mouvement démocratie nouvelle.
Jean-Pierre Charbonneau est le président du Mouvement démocratie nouvelle. Photo Agence QMI / Toma Iczkovits

«C’est crucial que les citoyens aient la conviction profonde que lorsqu’ils vont voter, ça sert à quelque chose. Mais ce n’est pas le cas actuellement», dénonce celui qui est président du Mouvement démocratie nouvelle, lequel défend la mise en place d’un nouveau mode de scrutin au Québec depuis 1999.

«C’est dangereux pour la démocratie, c’est dangereux pour le climat social, c’est dangereux pour la confiance que les gens doivent pouvoir avoir dans un système démocratique. La base de la démocratie, c’est la confiance des citoyens envers les institutions et les politiciens.»

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Pour restaurer cette confiance, la CAQ doit aller de l’avant avec la réforme du scrutin promise en 2018, même si un tel changement risque de la désavantager, martèle Jean-Pierre Charbonneau. 

«François Legault avait promis de réformer le mode de scrutin en 2018. Tout à coup, quand il a vu que ça l’avantageait, il a tiré la plug et le projet de loi n’a jamais été adopté, dénonce l’ancien élu. Ça fait bien l’affaire des députés, car certains voient qu’ils seraient sacrifiés sur l’autel de la réforme, mais dans les faits, à qui ça appartient, le système électoral? Aux citoyens ou aux députés, qui après deux mandats, touchent une pension?»

Une réforme qui changerait beaucoup de choses

Le modèle proposé en 2018 pour remplacer le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour était le mode de scrutin mixte avec compensation régionale. 

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Au lieu de 125 députés dans 125 circonscriptions, il y aurait eu 80 députés élus dans 80 circonscriptions. Il y aurait ensuite eu 45 sièges régionaux, qui auraient été distribués à des députés choisis par chaque parti, selon la proportion du vote exprimé pour leur parti dans chaque région. Le nombre de députés serait attribué à chaque région en fonction de son poids démographique. 

Les électeurs auraient voté deux fois: une fois pour élire un député de circonscription, comme c’est le cas actuellement, et une deuxième fois pour élire des députés régionaux. 

AFP
AFP

Les résultats des élections d’hier auraient d’ailleurs été bien différents si la CAQ avait tenu parole, selon une simulation faite par Radio-Canada. La formation de François Legault aurait fait élire 75 députés, soit 15 de moins. Le PLQ aurait obtenu cinq sièges de moins, soit 16 plutôt que 21. Québec solidaire aurait faire élire trois députés de plus pour un total de 14. Le Parti Québécois aurait plus que triplé son nombre de députés en passant de trois à dix. Les conservateurs d’Éric Duhaime auraient finalement obtenu dix députés au lieu de zéro. 

Daniel Turp croit qu'il revient maintenant aux citoyens de faire pression sur les partis d’opposition et sur le gouvernement de la CAQ afin de faire de la réforme du scrutin une priorité.

Daniel Turp
Daniel Turp Photo d'archives / Agence QMI

«Il faut des initiatives citoyennes. Il faut faire de cette question un très grand enjeu des quatre prochaines années. Ça devrait comprendre des manifestations et d’autres initiatives à l’Assemblée nationale. Il faut se creuser les méninges pour que le gouvernement et le Parlement se plient à la volonté du peuple», insiste-t-il. 

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