D’immenses serpents sont en train d’envahir une île des Caraïbes
Anne-Sophie Poiré
Pas une, pas deux, mais bien trois espèces de serpents constricteurs, dont l’une pouvant atteindre 10 mètres de long, ont envahi Porto Rico dans les dernières années. La situation est préoccupante, selon les autorités, alors que ces reptiles trônent au sommet de la chaîne alimentaire de l'île des Caraïbes.
Des souris, des rats, une variété d'oiseaux, des lézards, des iguanes et même un chat domestique: les boas et les pythons qui envahissent Porto Rico ont un grand appétit. Et à mesure qu’ils se répandent, ils commencent à apparaitre dans les arrière-cours, les poulaillers et les voitures.
Les citoyens et les autorités locales tirent la sonnette d’alarme.
Le boa constricteur, originaire d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, est désormais répandu dans l'ouest de l'île. Un second constricteur, le python royal, commence aussi à se multiplier.
Le python réticulé quant à lui, le plus long serpent au monde pouvant mesurer jusqu’à 10 mètres, a élu domicile dans les montagnes du centre. Dans sa région d'origine, l'Asie du Sud et du Sud-Est, certains spécimens ont déjà avalé des humains entiers.
«C'est très, très grave», a déclaré au média Vox le biologiste Alberto R. Puente-Rolón, qui dirige l’équipe de recherche de l'Université de Porto Rico chargée d’étudier leur propagation.
Comment sont-ils arrivés là?
Là d'où ils viennent, ces reptiles doivent faire face à d'autres serpents ou à de grands félins, ce qui a pour effet de limiter leur zone d’habitation.
À Porto Rico, en revanche, les constricteurs ont très peu de concurrence.
Dans ces conditions, il est possible qu'ils développent des comportements pouvant les aider à prospérer dans toutes sortes d'habitats de l’île. Ce qu’ils sont en train de faire, s’inquiètent les spécialistes.
Des milliers de ces boas et pythons envahissants sont détenus au centre d'animaux exotiques Cambalache. L'endroit en reçoit quotidiennement. Beaucoup proviennent de la nature, mais d'autres sont confisqués à des éleveurs qui les vendent illégalement.
Comme toutes les espèces non indigènes, ils ont été introduits à Porto Rico par les êtres humains. Ils y sont vendus depuis des décennies par des marchands d'animaux, bien qu'un permis soit nécessaire pour les posséder.
Il arrive que ces serpents de compagnie s'échappent ou soient relâchés dans la forêt par leurs propriétaires lorsqu'ils deviennent trop gros et difficiles à soigner. Ils commenceraint également à se reproduire dans la nature.
Une autre hypothèse, plus controversée, circule dans la région.
Dans les années 1990, un zoo situé près de la réserve naturelle de Cabo Rojo sur la côte sud-ouest de l’île a été cambriolé. Au moment des faits, des bébés boas se seraient échappés d’une cage à reptiles endommagée, raconte Alberto R. Puente-Rolón.
Dangers pour l’écosystème
Au cours des quatre derniers mois, une équipe de biologistes de la faune a capturé plus de 150 boas constricteurs à Cabo Rojo. Ils y seraient environ 13 par 10 000 mètres carrés, selon les estimations de M. Puente-Rolón.
Ce nombre peut paraitre modeste, mais la situation est plutôt «extraordinaire», souligne l’expert.
L'habitat de cette zone y est en effet extrême. Chaud et sec, avec une forêt clairsemée, la réserve laisse peu d’endroits aux serpents pour se cacher, eux qui préfèrent les jungles humides remplies d'eau douce.
Les boas constricteurs seraient si abondants, donc, qu'ils se répandraient même dans des milieux inhospitaliers où ils menacent l’écosystème et dévorent les animaux domestiques.
Les viscères de plus de 2000 de ces serpents ont été examinés par les chercheurs de l’Université de Porto Rico dans les dernières années. Leur constat? La situation est très préoccupante pour les animaux indigènes et domestiques de la région.
«Nous avons un grave problème et une grave menace pour les espèces d'oiseaux ici», a précisé à Vox le biologiste Puente-Rolón.
Cabo Rojo est le site d'escale le plus important pour les espèces migratrices et les oiseaux de rivage dans les Caraïbes orientales. Ces oiseaux aident notamment à y contrôler le nombre d'insectes et d'autres petits animaux qu'ils consomment.
Les serpents constituent également une menace en dehors de la réserve naturelle. Des dizaines d’espèces y sont endémiques, c'est-à-dire qu'elles ne se trouvent nulle part ailleurs sur Terre.
Le rarissime perroquet de Porto Rico est fait partie.
Sa disparition aurait un impact immense sur l’écosystème de l’île, selon les scientifiques, alors que de nombreux arbres en dépendent pour disséminer leurs graines. S’en suivrait ainsi une destruction des forêts indigènes.
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D'autres régions tropicales ont fait l'expérience des ravages causés par les serpents envahissants. Dans le sud de la Floride, les scientifiques ont, par exemple, établi un lien entre la prolifération des pythons birmans et l’important déclin de certains mammifères, comme les lapins et les renards.