Diminuez vos attentes envers Lane Hutson
Kevin Dubé
Même s’ils sont excités de voir les chiffres de Lane Hutson cette saison, les amateurs du Canadien de Montréal doivent diminuer leurs attentes et faire preuve de patience avec le jeune et talentueux espoir, préviennent deux recruteurs qui l’ont épié à de nombreuses reprises l’an dernier et cette saison.
Le choix de deuxième ronde du Canadien au dernier repêchage a connu une saison historique dans la NCAA. Ses 48 points en 38 matchs lui permettent présentement de venir au troisième rang pour la meilleure production en une saison par un défenseur de moins de 19 ans dans l’histoire de la NCAA. Le 18 mars, il marquait le but de la victoire en prolongation pour permettre aux Terriers de l'Université de Boston de remporter le championnat de la division Hockey East de la NCAA.
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Dans un marché passionné comme celui de Montréal, tout le monde, littéralement, a son opinion sur le jeune défenseur, et des comparaisons avec certains des meilleurs défenseurs offensifs dans la LNH, les Cale Makar, Quinn Hughes ou Adam Fox, ont été tirées. Makar (21 points), Hughes (29 points) et Fox (40 points) ont tous été moins productifs à 18 ans dans la NCAA que Hutson.
Mais les placer tous dans la même conversation est un jeu dangereux, estime le premier recruteur à qui nous avons parlé, qu’on appellera «recruteur numéro un».
«Lane Hutson n'est pas Cale Makar. L’une des raisons pour lesquelles Makar est spécial, c’est son coup de patin et Hutson, ce n’est pas un patineur du même niveau. En partant, tu ne peux pas mettre les deux dans la même catégorie. Il faut lui donner, c’est un bon manieur de bâton. Il est dynamique, mais j’ai encore de gros doutes puisque c’est un petit défenseur qui joue petit. Je n’enlève rien à sa vision du jeu et à son talent, cependant», mentionne-t-il, ajoutant que la formation pour laquelle il travaille l’avait «beaucoup plus loin qu'où il est sorti» sur leur liste en 2022 et que d’autres ne l’avaient tout simplement pas retenu dans leur classement final.
Un rythme différent
Le deuxième dépisteur, qu’on présentera sous le nom de «recruteur numéro deux», abonde en ce sens.
«Hutson connaît une saison incroyable, il a les chiffres d’un défenseur dominant. C’est rare de voir ça, à son âge. Mais j’ai aussi hâte de constater certaines choses avec lui. Le rythme est bien différent chez les pros. Il aura besoin de jouer des trois matchs en quatre soirs et des quatre matchs en six soirs. Avec son gabarit, il s’agira d’un gros défi.
«Ça devient fatigant mentalement, mais aussi physiquement, quand tu dépasses le plateau des 60 matchs. Il y a une grande différence entre un calendrier de 40 ou 45 matchs et un autre de 70 à 82.»
Patience et développement
Certes, les chiffres qu’il a présentés à sa première année dans la NCAA sont exceptionnels, et notre premier intervenant le rappelle: ses doutes n’ont rien à voir avec son talent offensif pur, mais plutôt avec le fait qu'il n’est pas le patineur le plus explosif pour un défenseur de sa taille. On fait par la suite remarquer au recruteur no 1 que Quinn Hughes ne s’en tire pas trop mal dans la LNH malgré un gabarit de 5 pi, 10 po et 180 lb.
«Tu me parles encore d’un patineur exceptionnel. En ce moment, avec sa taille et son coup de patin, Hutson va se faire brasser d’un bord et de l’autre chez les professionnels. Rendu en haut, tu n’as plus de grille et quand tu mesures 5 pi 9 ou 5 pi 10, tu reçois des coups de coude au visage sans arrêt. Les risques de blessure sont plus grands.
«Au collège et dans le junior, les joueurs ne savent pas comment appliquer de l’échec avant. Dans la LNH, c’est une autre paire de manches et Hutson va faire partie du plan de match des autres équipes s’il n’améliore pas sa vitesse.»
Quelle projection?
Certains affirment depuis plusieurs mois déjà que le CH a trouvé son futur général offensif en Hutson, ce qui serait, avouons-le, un véritable coup de maître, considérant le rang où il a été sélectionné (62e au total).
Le recruteur no 1, qui travaille pour une équipe de l’Ouest, estime qu'il est difficile d’établir une projection dans son cas, en ce moment.
«S’il veut s’établir dans la LNH, il va falloir que ce soit un spécialiste de l’avantage numérique. Ça va être sa chaise. Pour ça, il faut que son patin s’améliore, tout comme sa force physique. J’ai aussi vu des comparaisons avec Samuel Girard, mais il n’a pas l’équilibre de Sam, qui est lui aussi un patineur exceptionnel. Hutson, son patin est moyen, son équilibre est moyen et il ne patine pas très bien de reculons.»
Considérant les habiletés indéniables, mais les nombreuses lacunes, ce dernier espère que l’organisation et ses partisans seront prêts à être patients avec le porte-couleurs des Terriers de l’Université de Boston.
«Il va falloir qu’il passe beaucoup de temps dans la Ligue américaine de hockey. Ça va être très important dans son développement, un passage obligé. C’est vraiment là qu’on va voir si ce qu’il fait dans les rangs universitaires peut fonctionner chez les professionnels.»
Hutson et les Terriers affronteront les Gophers du Minnesota en demi-finale du Frozen Four, jeudi à 17 h, au Amalie Arena de Tampa Bay.