Devenue actrice à 48 ans, Carmen Sylvestre se confie sur ses rôles
Carolyn Richard
Amorcer une carrière de comédienne à la fin quarantaine est loin d’être chose courante. Pourtant, Carmen Sylvestre, cette mère de quatre enfants qui dirigeait une garderie tout en étant proche aidante pour sa mère, a fait le saut dans le monde du théâtre à la veille de ses 50 ans. Depuis, on la voit partout. Elle nous a entre autres émus récemment en jouant Gisèle Michaud dans STAT.
Carmen, depuis quelques années, on vous a vue dans plusieurs séries, dont STAT récemment, où vous avez incarné la touchante Gisèle Michaud. Avez-vous aimé cette expérience?
Mon personnage de Gisèle, c’est vraiment un beau cadeau de la vie. Je n’ai même pas passé d’audition pour avoir ce rôle, on me l’a offert. Je n’en revenais pas! STAT, c’est un
plateau important. Alors, c’est très impressionnant. J’ai eu la chance de vivre de très belles scènes avec, entre autres, Suzanne Clément, Geneviève Schmidt, Stéphane Rousseau et même Rémy Girard, avec qui j’avais déjà joué dans Les Bougon. J’ai adoré mon expérience!
Mais votre carrière d’actrice a pris son envol sur le tard...
Oui, c’est à 48 ans que j’ai décidé d’aller suivre des cours de théâtre.
Et pourquoi avez-vous décidé ça à la fin de la quarantaine? Ça n’avait rien à voir avec votre métier...
Non. J’ai eu une garderie pendant des années, le théâtre, c’était très loin de moi. Et, pour être franche, je ne pouvais même pas m’imaginer en faire une carrière. À l’époque, j’avais ma garderie et mes quatre enfants, trois filles et un garçon, et je m’occupais de ma mère, car j’étais son aidante naturelle. En fait, ma sœur m’avait demandé de prendre maman à la maison pendant un mois, et j’ai accepté. Finalement, le mois a duré sept ans! (rires)
Vos enfants, votre mari, votre mère, votre maison, votre garderie, tout ça n’était pas assez, alors vous avez ajouté des cours de théâtre!
Je souhaitais suivre un cours de quelque chose pour avoir une activité juste pour moi. Du temps à moi, dans le fond. Je cherchais parmi les cours de ma municipalité. Rien n’attirait mon attention jusqu’à ce que je voie qu’il y avait des cours d’art dramatique. Ça m’interpellait. Et en 1994, par un soir de tempête, je suis partie suivre mon premier cours de théâtre et j’ai eu la piqûre! C’est devenu une grande passion.
Saviez-vous que vous aviez un talent pour le jeu?
Vraiment pas. Et je n’avais pas non plus l’ambition d’en faire une carrière. J’aimais ça et je voulais m’amuser, tout simplement. À travers mes cours de théâtre, j’ai découvert l’œuvre de Michel Tremblay car, évidemment, avec une garderie, je connaissais surtout des livres pour enfants!
Aviez-vous exploré le théâtre étant plus jeune?
Selon une de mes cousines, il paraît que très jeune, je donnais de petits spectacles et que, à la fin, je saluais mon public. Moi, je n’ai aucun souvenir de ça. Même qu’enfant, la télévision est entrée chez nous alors que j’avais sept ans. À l’époque, l’arrivée de la télévision dans les familles, c’était tout un événement. En fait, même si aucune émission ne jouait, on regardait la télé quand même! Je viens d’une autre époque. Quand je suis née, on n’avait même pas l’électricité. Bon, non pas parce que je date tant que ça, c’est seulement parce qu’on vivait loin des poteaux électriques!
Venez-vous d’une grande famille?
Oui, je suis le bébé d’une fratrie de 11 enfants; j’ai eu six sœurs et quatre frères. Aujourd’hui, sept sont décédés, et j’ai aussi perdu mon mari en 2016. J’ai vécu des années de deuil difficiles, mais ça va mieux. Petit fait cocasse: j’ai marié mon mari et deux de mes sœurs ont marié deux des frères de mon mari. Alors, pendant longtemps, on formait trois couples de trois sœurs et trois frères. On peut dire que c’est resté dans la famille! (rires)
Et avec le théâtre et des rôles ici et là, aviez-vous le soutien de votre famille?
Oui, ils m’ont toujours encouragée. Mais mes enfants, qui étaient alors des ados, préféraient s’asseoir dans le fond de la salle et non en avant. (rires) Ma mère, par contre, n’aimait pas trop ma nouvelle vocation. Plusieurs parlaient de ça comme étant mon hobby, alors que c’était vraiment devenu important pour moi. À 55 ans, je suis même allée suivre des cours de création littéraire à l’UQAM et j’ai aussi suivi des cours de voix, de danse et de diction, car je roulais trop les «R». La madame roule encore ses «R», mais de façon beaucoup plus discrète maintenant. (rires) Je me souviens d’une de mes filles qui était venue me voir jouer au théâtre un soir...
Elle m’avait dit: «Maman, ce soir, j’ai oublié que tu étais ma mère.» Ça m’avait fait chaud au cœur, c’était un beau compliment.
Diriez-vous que votre carrière a vraiment décollé avec Les détestables?
Oui, vraiment. L’émission m’a fait connaître du grand public. Et à l’époque, j’ai aussi fait une publicité pour le 6/49 de Loto-Québec dans laquelle je disais à mon mari: «Raccroche!» (rires) Cette publicité a joué sans cesse. Et les rôles n’ont jamais cessé depuis. Je crois que ça se sent que j’aime ce que je fais. Je sais qu’habituellement les actrices de mon âge ne travaillent pas beaucoup, je me sens donc vraiment privilégiée.
Quelle expérience professionnelle aimeriez-vous vivre un jour?
J’aime tellement faire rire les gens que me relancer dans l’écriture de monologues serait agréable. J’ai arrêté d’écrire depuis le décès de mon mari. Mais sincèrement, j’aimerais tellement être dirigée un jour par la grande Denise Filiatrault!
Alors, je vous souhaite d’entendre un jour Denise Filiatrault vous dire: «Enchaîne, Carmen, enchaîne!»
(Rires) Ah! merci! Je me le souhaite aussi!
STAT est diffusée du lundi au jeudi à 19 h, à Radio-Canada, et est offerte sur Tou.tv