«Deux "p’tits culs" de la rue Nadeau à Laval»
Louis-André Larivière
En route vers Montréal, mercredi, jour de sa nomination et veille de sa toute première conférence de presse comme entraîneur-chef des Canadiens, Martin St-Louis a parlé à son ancien entraîneur-chef, John Tortorella.
Il a aussi discuté avec un de ses meilleurs amis, qui, avant de personnifier un frère d’armes au front dans la Ligue nationale de hockey, la Ligue américaine, à l’Université du Vermont, puis au niveau amateur, rêvait au Tricolore avec lui dans un quartier de la rive nord.
Ci-dessus, écoutez un extrait de l'entrevue avec Éric Perrin.
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«Deux p’tits culs de la rue Nadeau à Laval qui rêvaient de jouer pour le Canadien», résume Éric Perrin, lors d’un généreux entretien téléphonique avec le TVASports.ca depuis Daytona Beach, en Floride, jeudi matin.
«On a commencé à jouer à 10 ans ensemble. Une chose qui n’a pas changé, c’est son caractère. Sa passion pour la game. C’est ce qui l’a aidé à atteindre tout ce qu’il a accompli, et franchir tous les obstacles.»
Moins bavard que son compagnon dans le vestiaire, Perrin dit que sa détermination et sa persévérance étaient contagieuses.
«Ça m’a aidé. Pas que je n’avais pas de chien, mais il parlait pour moi. Lui, c’est un leader. Il tenait les autres joueurs responsables. Moi j’aimais mon rôle sur la glace. Dans la chambre, c’était le plus expressif. J’adorais ça.
«Il n’allait jamais y avoir personne qui fait sa propre chose. T’avais pas le choix d’être in avec Martin. Il a toujours eu ça.»
La nouvelle de l’embauche en a surpris plusieurs, mais pas les intimes de St-Louis. Comme Vincent Lecavalier, Perrin était au fait que Kent Hughes faisait de l’œil à son ami d’enfance.
«On s’était parlé qu’il pouvait y avoir une ouverture, mais Martin a fait très attention, explique-t-il. Il m’avait parlé (mercredi) après-midi en s’en allant à Montréal. Il m’a annoncé que c’était fait. J’ai dit ‘Mart, c’est incroyable. D’un autre côté, tu le mérites. Tu sais ce que tu fais. Ça fait six ans que tu te prépares pour ça'.»
Aucune expérience, mais...
Évidemment, plusieurs analystes et gérants d’estrade ne ratent pas l’occasion de rappeler que St-Louis, qui a toujours trimé dur pour mériter ses épaulières pendant son parcours de joueur, n’a aucune expérience comme instructeur dans la LNH. Avec 37 matchs à faire, il ne pourra changer à lui seul la trajectoire du navire, qui a déjà percuté l’iceberg et franchi le point de non-retour qu’est l’exclusion des séries.
«Je n’ai pas eu la même réaction que tout ce monde à Montréal, car je connais mieux Martin. Oui, il est dans le gros portrait avec aucune expérience de coaching et que c’est différent d’être joueur.
«Je comprends, mais Martin était dans le coaching au cours des dernières années. Il n’avait pas la pression qu’il ressent maintenant. Mais quand même, tout le monde doit passer au travers.
«Être un assistant, ce n’est pas pareil qu’être entraîneur-chef. Martin a confiance en soi. Il est préparé, organisé, il a une vision, une philosophie, assure Perrin. Il a un talent naturel pour rassembler les joueurs et de bâtir une relation avec eux.
«Il était un leader quand il jouait. C’est ça l’évolution du coaching : il faut être capable de rejoindre chaque joueur. Avant, il n’y avait que la manière ‘je suis le coach, tu m’écoutes’. Aujourd’hui, la nouvelle génération n’est plus comme ça.»
Perrin est d’avis que St-Louis a fait ses devoirs et que son intelligence, voire sa passion, compensent pour son manque d’expérience derrière le banc d’un club de la LNH.
«Ils lui ont demandé ‘es-tu prêt à faire le saut?’ et il a répondu ‘ça fait six ans je me prépare pour ça’. Il regarde tous les matchs de la LNH. Il a été avec ‘Torts’ dans le milieu. Ça ne se perd pas.
«Il était bien conscient de l’importance du rôle et dans sa voix, il était très confiant. ‘Je suis prêt. That’s it, je m’en vais là-bas’. C’était vraiment le fun, cette conversation. J’en ai eu les jambes molles.»
L’histoire avec la famille Hughes
Comme l’a lui-même soutenu St-Louis pendant la conférence de presse qui confirmait son embauche à la barre du Bleu-blanc-rouge (8-30-7), «c’était une question de temps» avant qu’il ne se déniche un emploi.
Pour la petite histoire, Perrin et St-Louis ont côtoyé le père et le frère du DG du CH, Ryan, à des camps estivaux au cégep de John Abbott, dans l’Ouest-de-l’Île. L’organisateur du camp est devenu un intime de M. Perrin, père.
«Kent, avant d’être l’agent de Vincent, on a connu sa famille quand on était plus jeune, à Montréal. Il y a toujours eu une forme de relation, mais Martin, ç’a toujours été comme ça: il a rencontré tellement de monde. À un certain point, le monde dans le hockey connaissait Martin et ses forces.
«Il y a tellement de gens qui savent pourquoi il est bon pour ce job. Quand j’ai vu Kent débarquer avec les Canadiens, je me suis dit ‘c’est sûr que ce sera une bonne relation’.»
Lorsque le Lightning a atteint la finale de la Coupe Stanley en 2004, la première conquête de son histoire, Perrin raconte que St-Louis «gardait les gars lousses» dans le vestiaire. Plusieurs joueurs géraient mal leur angoisse dans cette série sans lendemain contre les Flames de Calgary.
«Il leur disait ‘hey, relaxez!’. Il était très expressif. Je me souviens que ce qu’il disait donnait confiance. J’ai adoré regarder ce qu’il faisait. Son approche et sa préparation étaient professionnelles.
«Il était un gars sur une mission. Pour moi, ce n’était pas une surprise, car je l’ai vu jouer toute ma vie. Je ne l’avais jamais vu intense à ce point-là. Il a appliqué tout son bagage pour le plus gros 'show' au monde. Il était le noyau de l’équipe.
«S’il y avait un gars dans le milieu du peloton, c’était lui.»
Le joueur rêvé pour Tortorella
Lorsqu’il a convaincu Tortorella de lui donner de la glace sur une base régulière, St-Louis a donné raison à son entraîneur de lui confier un rôle grandissant.
«Martin était un rêve pour ‘Torts’, mais Tortorella ne va pas l’admettre, lance-t-il en s’esclaffant. Chaque coach veut un joueur qui va embarquer dans sa philosophie d’équipe. Martin était l’idéal, car la même passion l’habitait, ainsi que le principe de tenir les gars responsables pour tout et toujours se donner.
«Martin, quand il ne l’avait pas, il se garrochait et il faisait quatre choses.»
Selon Perrin, Tortorella appréciait aussi la loyauté de St-Louis, qui ne cherchait pas à remettre en question la stratégie de l’entraîneur, contrairement à d’autres porte-couleurs des «Bolts».
«Martin, c’était son joueur. Il a fait exactement ce qu’il lui demandait. Chaque gars qui venait le voir pour parler contre le coach, il lui disait de se la fermer et leur répondait «c’est comme ça que l’on va jouer pour gagner et c’est ce qu’il veut de toi, pas t’écoeurer.»
«C’était la même chose pour moi quand je suis arrivé. Je n’étais pas supposé percer la formation, mais une blessure à un joueur m’a permis d’entrer sur le quatrième trio. J’ai joué en moyenne 18 minutes par match. ‘Torts’ te donne ce que tu mérites.
«Des gars comme Vaclav Prospal et Ruslan Fedotenko étaient cloués au banc à tous les matchs. Il me disait ‘go!’. C’est comme ça qu’il gagnait. C’est un style rude et il ne se fait pas beaucoup d’amis. C’est comme ça qu’on a vu avec la transformation de Vincent (Lecavalier). C’est comme ça qu’il est devenu dominant. ‘Torts’ a eu une influence dès qu’il est rentré.
Pas un copier-coller
Si Tortorella savait quels boutons enfoncer pour obtenir le meilleur de ses hommes, il ne faut pas s’attendre à ce que St-Louis préconise aussi un style militaire, croit Perrin.
«Je pense que Martin aura son propre style, laisse-t-il entrevoir. Il a toujours voulu prendre quelque chose de chaque entraîneur. ‘Ça, j’aimais ça. Ça, non'. Comme joueur, pour construire une carrière, on va prendre quelque chose de tout le monde
«Il ne prendra pas tout de Tortorella, il va appliquer sa propre mentalité, mais il va beaucoup appliquer ce qu’il a appris de Torts pour gagner. La plus grosse chose là-dedans reste sa philosophie et comment lui il voit le jeu. Il va transmettre ça à ses joueurs.
«Il faut s’adapter. Tout le monde a une mentalité différente. Certains sont beaucoup plus intenses, d’autres plus relaxes. Parfois, trop relaxes. Il faut maximiser le potentiel de tout le monde. Martin a ces connaissances-là.»
Perrin caresse aussi le rêve de diriger une formation de la LNH. Après un séjour en Finlande, il est impliqué dans le hockey mineur dans la région de Daytona Beach.