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Environnement

Désobéissance civile: la fin justifie les moyens quand on parle de la crise climatique

Photomontage Marilyne Houde
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Andrea Lubeck et Anne-Sophie Poiré

2022-12-08T12:00:00Z
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Que faire quand les gouvernements stagnent pour mettre en œuvre des solutions à la crise climatique? Quand l’industrie des combustibles continue de prospérer? L'ultime option, pour les militants: la désobéissance civile. 

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La désobéissance civile, c’est le fait de transgresser une loi, généralement de manière pacifique et non-violente, pour des motifs politiques ou idéologiques. L’objectif est de sensibiliser à une cause, de faire pression sur les personnes au pouvoir pour qu’elles prennent action. Manifestation, occupation d’un lieu, boycott; voilà quelques-unes des tactiques utilisées par les militants écologistes pour faire parler de la crise climatique. 

Un autre exemple de ce type d’action directe est l’un des plus récents coups d’éclat de l’association environnementale Just Stop Oil: deux militantes ont lancé de la soupe aux tomates sur Les Tournesols de Vincent van Gogh avant de se coller la main au mur de la National Gallery de Londres. C’était le premier d’une série de tableaux à être aspergés, tant dans des musées européens qu’au Canada. 

AFP
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Les images ont rapidement fait le tour du monde, braquant les projecteurs sur les revendications du groupe, ce qui, de l’aveu du porte-parole de Just Stop Oil, était l’objectif de l’action. 

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«Notre action a été vue par 50, 60, 70 millions de personnes et si seulement 10% d’entre eux ont parlé de la crise climatique après avoir vu ça, c’est quand même 5 millions de personnes de plus qui parlent du fait qu’on n’a pas besoin de plus de pétrole», a expliqué Alex de Koning, en entrevue au Courrier international

Ça déplaît, mais ça marche 

Même si ces actions déplaisent, elles fonctionnent. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mentionne dans son plus récent rapport que la désobéissance civile réussit à faire pression sur les gouvernements pour que ceux-ci adoptent et respectent des lois environnementales. 

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Il ne faut cependant pas oublier que les actions de désobéissance civile seules n’ont pas un effet direct sur les décideurs; il faut plutôt les considérer dans leur globalité, nuance la professeure titulaire au département de sciences politiques de l’Université de Montréal, Pascale Dufour. 

«C’est le cumul des actions directes qui fait qu’on peut parler d’une protestation plus généralisée et qui va avoir des impacts plus globaux que simplement une action sortie de son contexte. Si ça fait partie d’un mouvement plus large, [la désobéissance civile] peut amener une transformation majeure», dit-elle. 

AFP
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Or, pour l’experte, la question n’est pas de savoir si les coups d’éclat fonctionnent ou non, mais plutôt de comprendre pourquoi les militants s’y résolvent.  

«Généralement, c’est parce qu’il y a un blocage institutionnel, explique-t-elle. Ce n’est pas gratuit. Ça arrive parce qu’on se trouve dans une situation politique X qui amène un blocage et ça prend des militants qui font des actions directes, mais aussi plein d’autres choses, pour arriver à une transformation.» 

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Un incontournable des mouvements sociaux 

Les actions directes dans le mouvement écologiste ne datent pas d’hier, rappelle Pascale Dufour. L’actuel ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, avait escaladé la tour du CN en 2001 pour dénoncer l’inaction climatique, alors qu’il était membre de Greenpeace. 

«Ç’a toujours été un moyen de faire beaucoup de bruit avec peu de moyens. Ça force le débat et ramène à l’avant-plan des enjeux qui sont sous-traités par les acteurs politiques, avec les maigres ressources qu’ont bien souvent les organisations», fait valoir l’experte.  

Pour elle, l’action directe est un incontournable des mouvements sociaux, ne serait-ce que pour se faire entendre et relayer de l’information dans les médias.  

Mais le caractère radical de certaines actions pose le risque que l’on parle plus de l’action comme telle que de l’enjeu, note Pascale Dufour. C’est ce qui est arrivé en 2012, durant les manifestations étudiantes contre la hausse des frais de scolarité: les médias ont surtout couvert les échauffourées avec la police, plutôt que l’enjeu de l’accessibilité des études. 

Une étude du Center for Climate Change Communication, associé à l’Université George Mason, en Virginie, a néanmoins révélé que la moitié des Américains alarmés par la crise climatique sont susceptibles de soutenir les militants qui mènent des actions directes.  

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«Tous les militants ne sont pas forcément d’accord sur quelle est la meilleure stratégie» pour ramener l’enjeu de la crise climatique à l’avant-plan, tempère toutefois Pascale Dufour. 

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Un regain des actions 

Le militantisme a perdu des plumes avec la pandémie de COVID-19, relate la professeure Dufour.  

On a pu le constater récemment: si près d’un demi-million de manifestants ont défilé dans les rues de Montréal à l’occasion du Jour de la Terre en 2019, ils n’étaient plus que quelques centaines le 22 avril dernier. 

«En revanche, les activistes passent aux actions plus radicales, dit-elle. De leur point de vue, on ne peut pas attendre que la fin du monde arrive. Le recours à la désobéissance civile est de plus en plus fréquent depuis les trois ou quatre dernières années.»  

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Les dernières semaines ont ainsi été marquées par de nombreux coups d’éclat de militants écologistes dans les musées européens, entre autres. Ici, le groupe Les Dégonfleurs s’est attaqué aux pneus de véhicules utilitaires sport à Québec et le Collectif Antigone a occupé le terminal pétrolier Valero, d’Enbridge, à Montréal-Est, en octobre dernier.

Sur le terrain, les activistes constatent aussi une montée des actions directes.

«Une chose qui me donne espoir, c’est qu’à chaque action comme celle du 19 octobre, la mobilisation citoyenne augmente», remarque Jacob Pirro, militant écologiste membre du Collectif Antigone. Il est l’un de ceux ayant grimpé une tour de chargement du terminal.  

«Ces actions, c’est la façon de se motiver à agir, poursuit-il. Les pétrolières doivent être satisfaites chaque fois qu’elles entendent que les activistes perdent espoir. Je préfère ne pas leur donner cette satisfaction.»  

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