Des urgences doivent fermer faute de personnel
Clara Loiseau | Journal de Montréal
Même si la pandémie s’atténue, le manque criant de personnel dans les hôpitaux fait exploser les temps d’attente et risque de provoquer des fermetures, comme c’est déjà le cas à Gatineau et à Baie-Saint-Paul.
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« La fermeture de l’urgence de Gatineau, c’est l’exemple le plus récent et le plus critique de ce qui peut arriver », déplore le président de l’Association des infirmières et infirmiers d’urgence du Québec, Guillaume Fontaine.
« Il faut être très vigilant », avise-t-il, soulignant que la suspension d’une urgence peut avoir un effet domino en engorgeant d’autres hôpitaux et nuisant à la qualité des soins.
Après plus d’un an de pandémie, les employés de la santé sont brûlés, ce qui en a poussé plusieurs à choisir une retraite anticipée, à partir en congé maladie ou à aller travailler en agence pour avoir de meilleures conditions.
À Gatineau, ce ne sont pas moins de 14 infirmières des urgences qui ont quitté le navire dans les deux dernières semaines, soutient M. Fontaine.
La semaine dernière, l’hôpital de Baie-Saint-Paul, dans la région de Charlevoix, a aussi annoncé que son urgence sera inaccessible durant la nuit, du 28 juin au 11 septembre, à cause d’un manque d’infirmières.
Des dizaines d’heures
Pour le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher, les répercussions du manque de personnel sont catastrophiques pour les citoyens qui doivent parfois patienter des dizaines d’heures afin de voir un médecin, même lorsque les services restent ouverts.
« Aux urgences, les deux tiers des patients en moyenne viennent de la salle d’attente. Actuellement, il faudrait qu’on ait le double d’infirmières et de préposés pour répondre à cette demande. Donc c’est sûr que quand on manque de personnel, c’est cette population qui écope », déplore-t-il.
À Montréal, même si les taux d’occupation restent « habituels », selon le Dr Boucher, l’attente continue de grimper.
Lucie Fortin, une Montréalaise de 26 ans, a patienté 17 heures à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.
« Je suis arrivée à 19 h 30 vendredi, et à 12 h 30 le lendemain, on m’a dit que je devrais encore attendre clairement plus d’une heure. Alors j’ai décidé d’aller à Saint-Hyacinthe [à environ 50 km] parce qu’il y avait moins de monde, mais finalement je dois encore attendre cinq heures minimum », soutient-elle.
Pas qu’en ville
De son côté, la présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ), Judy Morris, s’inquiète aussi de voir que ce ne sont pas seulement les grands centres qui sont touchés.
Pour le Dr Richard Fleet, médecin d’urgence et représentant des urgences rurales à l’AMUQ, les vacances estivales et l’afflux massif de touristes risquent de rendre les choses encore plus difficiles pour les hôpitaux loin des grands centres.
Guillaume Fontaine estime qu’il faut que les conditions de travail deviennent plus attrayantes pour garder les infirmières et éviter qu’une situation comme celle des urgences de Gatineau ne se reproduise.
Taux d’occupation dans les urgences*
Montréal
- Hôpital Maisonneuve-Rosemont : 141 %
- Hôpital général du Lakeshore : 139 %
- Hôpital de Montréal pour enfants : 142 %
- Hôpital Royal Victoria : 142 %
Chaudière-AppalacheS
- Hôpital de Thetford Mines : 140 %
- Hôtel-Dieu de Lévis : 116 %
Lanaudière
- Centre hospitalier régional de Lanaudière (Joliette) : 139 %
- Hôpital Pierre-Le Gardeur (Terrebonne) : 133 %
Laurentides
- Centre de services de Rivière-Rouge : 140 %
- Hôpital de Mont-Laurier : 140 %
Montérégie
- Hôpital du Suroît (Salaberry-de-Valleyfield) : 169 %
- Hôpital Pierre-Boucher (Longueuil) : 143 %
*Données à 11 h samedi
Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux