Escalade des tensions: les Ukrainiens d’ici sont inquiets
Hugo Duchaine | Journal de Montréal
Des Ukrainiens vivant au Québec sont rongés par l’inquiétude pour leurs proches et frustrés de voir leur pays natal menacé de guerre par la Russie.
« Je ne dors plus, lance le prêtre Volodymyr Kouchnir à la tête de la Cathédrale orthodoxe ukrainienne Sainte-Sophie, à Montréal. Je me réveille au milieu de la nuit et ma première réaction est d’ouvrir mon téléphone pour voir s’il y a la guerre. »
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L’homme de 59 ans a la larme à l’œil lorsqu’il pense au pays qu’il a quitté il y a plus de 20 ans pour servir les croyants ukrainiens ayant immigré au Canada. Il a toujours un frère, une sœur, des neveux et des cousins là-bas, dit-il.
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C’est le « début d’une invasion » qui se joue en Ukraine, a déclaré mardi le président américain, Joe Biden, alors que le monde entier surveille la frontière des deux pays où 150 000 soldats russes ont été déployés.
« Les Ukrainiens sont prêts à se battre et à défendre leur pays. Ils ne vont pas l’abandonner », souffle M. Kouchnir, selon des échos qu’il a de ses proches. Néanmoins, il espère de tout cœur qu’une solution pacifique sera trouvée.
Poutine l’agresseur
« [Vladimir] Poutine c’est un agresseur ! », rage Anna Pchenitsa. La femme de 58 ans travaille comme cuisinière à la Villa Ukrainienne, une résidence pour personnes âgées du quartier Rosemont. Avec ses collègues Nadiya Mykkalyk et Louba Danch, elles se font un sang d’encre pour leurs proches en Ukraine.
Heureusement, ils habitent dans l’ouest du pays, loin de la frontière disputée, mais les trois femmes redoutent l’ambition du président russe. Elles craignent un conflit armé et des morts.
Mme Pchenitsa a quitté l’Ukraine il y a près de 30 ans, peu après la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), en quête d’une vie plus prospère et sécuritaire. Elle ne souhaite pour rien au monde que son pays natal retombe sous le joug des Russes.
Deux pays distincts
« [Les dirigeants russes] n’aiment pas l’Ukraine comme pays. Ils ne reconnaissent pas son histoire, dénonce Svitlana Iurchenko. Mais nous avons notre propre culture, notre langue, nos traditions, qui ne sont pas comme celles en Russie. »
La designer graphique de 32 ans est arrivée au Québec en 2017, et son mari, Maksym Ishchenko, l’a rejointe deux ans plus tard.
Leur famille vit à environ 300 km de la frontière convoitée par Vladimir Poutine, dans le Dnipro. « Cette région serait la prochaine », soutient M. Ishchenko, convaincu que le président russe veut conquérir toute l’Ukraine.
Inquiet et stressé, le couple reste en contact avec ses proches. Son mari et elle saluent les sanctions économiques imposées par les pays occidentaux contre le gouvernement russe et espèrent qu’elles seront assez dures pour le faire reculer.
Pour sa part, Inna Rozumenko, qui est arrivée en juillet dernier à Montréal avec son conjoint, souffre de son impuissance face au conflit qui se dessine en Ukraine.
« Même si on aide la communauté ou donne de l’argent, on n’a pas de contrôle », déplore-t-elle, ajoutant qu’elle s’inquiète pour sa fille, là-bas, récemment mariée et avec un bon emploi.
– Avec Laurent Lavoie