Publicité
L'article provient de 24 heures

L’impossible départ: quand fuir l’Ukraine n’est pas une option

Une dame photographiée dans le village de Velyka Dymerka, à l’est de Kyïv.
Une dame photographiée dans le village de Velyka Dymerka, à l’est de Kyïv. AFP
Partager

Mathieu Carbasse et Genevieve Abran

2022-03-10T11:30:00Z
Partager

Des centaines de milliers d’Ukrainiens tentent par tous les moyens de fuir la guerre. D'autres, en revanche, refusent d’abandonner leur pays, leur famille ou leur maison. D’autres encore ne peuvent plier bagage pour des questions de sécurité. De quoi attiser l’inquiétude de nombreuses familles ici, au Québec. 

• À lire aussi: Les Québécois ouvrent leurs bras aux réfugiés ukrainiens

• À lire aussi: Comment aider les Ukrainiens? Voici 7 manières concrètes de se rendre utile

«Tout le monde parle des réfugiés, c’est très bien. Mais aujourd’hui, les gens qui sont physiquement sur le territoire de l’Ukraine n’en sont pas encore à cette étape. Ils sont à l’étape de survie.» 

Anna*, 31 ans, réside au Québec depuis 5 ans avec son mari et son fils. Toute sa famille vit encore en Ukraine, dans la région de Kyïv. Alors quand elle parle d’eux, l’émotion se fait vive.  

«Sur place, la situation est juste terrible. Les gens sont terrifiés pour leur vie, pour la vie de leurs enfants. La matinée commence, tout le monde s’appelle pour savoir si ça va. “ Tu es en vie?” C’est un autre contexte là-bas, un autre monde.» 

• À lire aussi: Une Ukrainienne nous raconte son quotidien dans un bunker à Kyïv

Publicité

Pas question donc d’envisager de quitter le pays à court terme tant la situation demeure dangereuse. Pour l’instant, le plus important pour la famille d’Anna est de rester en vie.  

«Je parle souvent à mes parents, avec ma sœur, avec mes cousines, mes cousins, mes grands-parents, mes oncles et mes tantes et chaque fois que je leur parle, j’entends les sirènes. J’entends les bombardements. Même si les gens veulent partir, il n’y a rien de sécuritaire», confie-t-elle.  

«On parle de corridor humanitaire... mais est-ce qu’il y a encore quelqu’un qui fait encore confiance à Poutine et toute sa gang? Vont-ils tirer sur des civils? Les gens préfèrent pour certains rester cachés en Ukraine dans des abris, dans des bunkers, dans les sous-sols. Ma nièce de 4 ans, on ne va pas risquer de la faire sortir du pays.» 

• À lire aussi: C’est quoi, au juste, un couloir humanitaire? On vous explique

Plus d’infrastructures   

Pour les proches de Maria Zaborovska, une femme d’origine ukrainienne qui vit à Montréal depuis cinq ans, impossible également de quitter leur pays en guerre. Les infrastructures bombardées ne le permettent tout simplement plus.  

Maria Zaborovska
Maria Zaborovska Photo Geneviève Abran

«Lors de la première semaine, [mes proches] étaient certains que ça allait arrêter alors ils ont décidé de rester, parce que ce sont leurs maisons qu’ils ont bâties toute leur vie. Maintenant, ils ne peuvent plus partir parce qu’il n’y a plus de routes, plus de ponts. Ils prennent essentiellement des décisions au jour le jour, heure par heure», explique-t-elle, citant également l’exemple d'une amie qui réside à proximité de Kyïv avec son nouveau-né et qui n’a pas la possibilité de quitter le pays.  

Publicité

De dures décisions pour les femmes  

C’est parfois aussi l’être cher qui fait que partir n’est pas une option. C’est le cas par exemple de plusieurs membres de la famille d’Olena Pokhvalii, qui a immigré au Canada il y a dix ans. Même si leur réflexion est toujours en cours, aucun ne planifie actuellement quitter l’Ukraine pour se rendre au Québec. 

«Pour les femmes, c’est une dure décision à prendre: partir seule ou avec les enfants et laisser leur mari ou rester», résume la femme de 38 ans.  

Un immeuble d'habitation lourdement endommagé à Kharkiv.
Un immeuble d'habitation lourdement endommagé à Kharkiv. AFP

Olena cite en exemple sa cousine, enceinte de 28 semaines, qui songe pourtant à quitter l’Ukraine... mais qui hésite parce qu’elle ne veut pas se séparer de son mari. Heureusement, cette dernière réside désormais à Lviv, une ville près de la frontière avec la Pologne, après avoir fui Kyïv et les premiers bombardements. 

«Forcés» de rester  

Les proches de Margaryta Misko qui se trouvent encore en Ukraine resteront malgré eux sur le territoire. «C’est par choix forcé, explique la jeune femme de 19 ans. La plupart des familles que je connais ne veulent pas quitter le pays puisque les femmes ne veulent pas quitter leurs maris, qui sont obligés de rester dans le pays.» 

D’autres aussi restent en Ukraine parce que leur corps ne leur permet pas — littéralement — de s’enfuir. Les grands-parents de Margaryta sont de ceux-là. «Mes grands-parents ne seront pas en capacité de quitter l’Ukraine à cause de la longue route qui les attend», déplore celle qui est née là-bas avant de venir au Canada à un jeune âge.  

*Anna a demandé que son nom ne soit pas divulgué pour des raisons liées à sa sécurité et celle de ses proches. 

Publicité
Publicité