Des trolls appuient les «truckers»: devinez lesquels?
Normand Lester
Le premier ministre de l'Ontario parle d'«occupation» et déclare «l’État d’urgence» dans la province. Le chef de la police d’Ottawa a qualifié la situation de «siège». Dans les faits, il s’agit d’un véritable mouvement séditieux.
Ce qui a commencé comme une manifestation de camionneurs contre les vaccins s'est vite transformé en un mouvement international d'extrême droite contre la démocratie. Comment en est-on arrivé là?
Le succès des camionneurs antivax est d’abord attribuable à la stupidité du chef de police et des autorités municipales d'Ottawa à laquelle il faut ajouter l’incapacité de Trudeau à faire respecter la loi. Ses jérémiades et ses froncements de sourcils ont été accueillis par des bras d’honneurs des manifestants qui, défiants, transgressaient en souriant une multitude de lois et de règlements. Réactions? Rien! Il attend quoi, Justin? La Maison-Blanche le presse d’agir. Quand il va se résoudre à le faire, il va devoir recourir à la force. Cela aurait pu être évité s’il avait agi plus tôt. Trudeau et le Canada risquent de payer cher son ineptie.
Mater cette gang de malotrus ne sera pas facile même avec l’OPP, la GRC et, peut-être, en dernier recours, avec l’armée. C’est que les camionneurs séditieux ont une connaissance approfondie des procédures et des tactiques employées par les forces de l’ordre dans ce genre de situation. Les soi-disant Truckers for Liberty, jouissent de l’appui de «Police on Guard», un groupe qui compte dans ses rangs plus de 150 policiers actifs et retraités et 50 anciens militaires qui s'opposent aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie.
La grande majorité de la population canadienne est vaccinée. Les «truckers» sont une minuscule frange d'idiots de droite acclamés par la foule habituelle de politiciens américains dévoyés d’ultra-droite comme Donald Trump.
Un aspect de cette affaire me semble louche. Les camionneurs anti-vax ont reçu des millions de dollars de financement de donateurs internationaux à une échelle sans précédent, selon un expert de l'extrémisme en ligne à l'Institute for Strategic Dialogue, cité par Politico.
Facebook déclare avoir supprimé de son site des dizaines de pages frauduleuses associées à la manifestation d’Ottawa. Mais sur de nombreuses plateformes de médias sociaux, il existe des pages, récemment créées, soutenant les camionneurs avec un nombre étrangement élevé d'abonnés. Elles exhortent les antivax du monde entier à les financer et à reproduire dans leurs villes le même genre de zizanie. Des fidèles de Trump c’est sûr. Mais pas seulement eux.
Je soupçonne que, sans être à l’origine du mouvement, Moscou s’est inséré dans la mouvance pour l’intégrer dans sa guerre de désinformation contre l’Occident.
Les Services secrets russes pourraient s’y être impliqués via l’usine de trolls de Saint-Pétersbourg appelée Internet Research Agency (IRA). La Russie, surtout avec la crise en Ukraine, a intérêt à inonder les médias sociaux de messages favorables aux camionneurs pour semer la discorde dans les pays occidentaux et en particulier ceux de l’OTAN.
L’IRA a été très active en faveur de Donald Trump lors des présidentielles de 2016. Aux élections de 2020, les pages les plus populaires de Facebook à contenu fondamentaliste chrétien ou ciblé sur les noirs américains étaient gérées par des fermes de trolls d'Europe de l'Est.
Selon un rapport interne de Facebook de 2019 publié par le MIT Technology Review, les usines de trolls rejoignaient 140 millions d'utilisateurs américains chaque mois.
Les Russes ont la capacité d’instrumentaliser les médias sociaux pour répandre de la désinformation, promouvoir la division et ainsi influencer l'opinion publique des démocraties occidentales.