Nos vêtements rejettent des tonnes de microplastiques dans les cours d'eau
Élizabeth Ménard
- Des millions de microfibres de plastique se retrouvent dans nos cours d'eau et s'immiscent dans la chaîne alimentaire à cause du lavage de nos vêtements.
- Ces plastiques peuvent relâcher des contaminants potentiellement dangereux pour les animaux et les humains.
- Une solution simple existe, mais tarde à être mise en place: des filtres pour machines à laver domestiques.
Chaque brassée de lavage que vous faites rejette dans l’environnement une quantité importante de microplastiques qui polluent les cours d’eau du Québec et s’immiscent dans la chaine alimentaire. Une solution existe, mais tarde à être mise en place.
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Vous savez, la mousse de sécheuse, ces fibres vestimentaires qui se retrouvent dans le filtre de votre appareil après une brassée? Imaginez-vous: le même phénomène se produit dans votre laveuse, mais elle n’est pas équipée d’un filtre.
«Les tissus sont faits de microfibres, des fibres très minces et petites. Lorsqu’on les lave dans la machine, elles se relâchent naturellement, petit à petit, et sortent avec l’eau de la machine pour se retrouver dans les égouts», explique la chargée de projet en réduction des matières résiduelles du Groupe de recommandations et d'actions pour un meilleur environnement (GRAME), Luisa Novara.
Les tissus synthétiques comme le nylon, le polyester et l’acrylique, présents en grand nombre dans nos garde-robes, sont faits de plastique. Cela signifie que leurs microfibres relâchées dans l’environnement après chaque lavage sont en fait des microplastiques.
Dans le documentaire choc Microplastiques: menace dans le Saint-Laurent, paru la semaine dernière sur la plateforme VRAI, le Bureau d’enquête de Québecor met en lumière l’ampleur du problème.
Des millions de microfibres
Le lavage des vêtements d’un seul ménage génère en moyenne 440 millions de microfibres par année, selon une étude d’Ocean Wise.
À l’échelle du Canada, c’est 6,3 billiards de microfibres par année qui sont rejetées par le lavage de nos vêtements.
Les usines de traitement des eaux usées interceptent 95% de ces microfibres.
Mais le 5% restant, c’est-à-dire, 260 billions de microfibres chaque année au Canada, se retrouve dans les cours d’eau.
Le Saint-Laurent serait d’ailleurs dans le top 10 des cours d’eau les plus pollués par les microplastiques dans le monde, apprend-on dans le documentaire.
Des contaminants inquiétants
Ces microplastiques qui se retrouvent dans les cours d’eau s’immiscent par conséquent dans la chaîne alimentaire.
«Tout ce microplastique est cumulé dans la chaîne alimentaire. C’est dur à dire quels sont les impacts parce que les études sont en cours. Mais on a toutes les raisons de croire que ça a un impact sur notre santé», mentionne Luisa Novara.
Des études ont déjà démontré que l’exposition aux microplastiques affectait négativement la croissance et l’espérance de vie des poissons, notamment.
On sait aussi que le plastique peut relâcher dans l’environnement des contaminants potentiellement dangereux pour la santé comme des retardateurs de flammes (PBDE), par exemple.
«Les PBDE sont persistants. Ils s’accumulent dans le corps des animaux et des gens», explique la professeure associée en chimie analytique de la Ryerson University de Toronto, Roxana Suehring.
«Pour les humains, les effets des PBDE sont cancérigènes. Ils ont aussi des effets sur le système hormonal et causent des maladies chroniques», souligne-t-elle.
Les filtres pour laveuses domestiques
Une solution existe pour intercepter les microfibres à la source: de simples filtres qu’on peut installer sur nos machines à laver.
«C’est vraiment efficace. Ces filtres retiennent de 87% à 100% des microfibres relâchées dans les machines à laver», explique Mme Novara.
Cet été, son organisme a mis sur pied un programme de subventions pour l’acquisition de filtres pour machines à laver domestiques, en partenariat avec des municipalités.
Les villes de McMasterville, Saint-Lambert et la MRC de Rouissillon ont participé et les subventions sont déjà épuisées, mais d’autres partenariats pourraient être annoncés. Les citoyens peuvent en faire la demande à leur ville.
Grâce à cette subvention, les volontaires ont pu acheter un filtre à installer sur leur machine pour seulement 22$ alors qu’il se détaille normalement à près de 200$.
«Le coût, ce n’est pas encore accessible à la population générale», reconnaît la spécialiste.
«Peut-être qu’il serait plus pertinent que les producteurs de machines à laver produisent des machines qui ont ces filtres, comme pour les sécheuses», souligne-t-elle.
En France, toutes les nouvelles machines à laver devront être munies de filtres à microfibres de plastique à compter de 2025.
Au Canada, aucun projet de loi à cet effet n’est à l’étude.
▶ On peut voir la première partie du documentaire ici: https://www.qub.ca/article/microplastiques-1061082506
▶ Il est présenté en intégralité sur la plateforme VRAI: https://www.qub.ca/vrai/microplastiques-menace-dans-le-saint-laurent