Des femmes se confient sur les impacts de leurs douleurs vaginales sur leur sexualité
Genevieve Abran
Des femmes qui souffrent de douleurs vaginales se confient sur les impacts qu’ont ces maux sur leur vie sexuelle, mais aussi sur leur quotidien et leur couple, et dénoncent la difficulté à obtenir des soins.
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«Je préfère avoir un peu de douleur et sauver mon couple. C’est un choix», lance Nathalie*, qui souffre de douleurs vaginales depuis qu’elle s’est blessée au travail, il y a trois ans.
«Plus j’en discutais avec mon conjoint, plus il devenait stressé pendant les rapports sexuels, parce qu’il avait peur de me blesser et de me faire mal, donc, ça rendait encore plus inconfortable toute la situation. Maintenant, je fais le choix de garder ça [les douleurs vaginales] pour moi», poursuit-elle.
Les douleurs gynécologiques dont elle souffre ont pourtant une incidence directe sur son plaisir sexuel.
«Ça a un impact sur ma capacité à avoir un orgasme, parce que je suis toujours un peu sur le qui-vive à savoir si je vais avoir de la douleur», confie la femme dans la quarantaine.
Ces douleurs, elle ne les ressent pas juste dans sa chambre à coucher. Elle en souffre aussi lorsqu’elle doit marcher sur de longues distances ou s’asseoir pendant une longue période, par exemple.
Repenser sa sexualité
Plutôt que de se résigner à endurer la douleur, Pénélope a choisi d’adapter sa vie sexuelle avec son conjoint.
«On a trouvé d’autres moyens [d’avoir du sexe], mais la pénétration en tant que tel, des fois, ça fait trop mal», confie la femme de 35 ans.
«J’ai un copain très compréhensif, se réconforte-t-elle. Il n'aime pas me voir comme ça. Il ne veut pas me faire mal et il veut que j’aille du plaisir lors de la relation, ça lui fait plus de la peine de me voir comme ça.»
Pénélope et son conjoint n’ont d’ailleurs eu d’autres choix que d’être créatifs.
À peine trois mois après le début de leur relation, les douleurs ont commencé. C’était parfois si intense que Pénélope avait mal dans les jours suivant une relation sexuelle. Après avoir consulté un médecin, elle s’est fait prescrire un médicament qui soulageait la douleur. Elle a toutefois mis fin au traitement, ne souhaitant pas prendre des médicaments sans arrêt.
Même si les douleurs sont depuis revenues, elle assure qu’elle et son conjoint ont toujours «une très belle sexualité». Ils ont toutefois dû faire une croix sur la spontanéité. «Pour moi, une p’tite vite sur le coin de la table, c’est impossible, parce que je vais avoir mal instantanément.»
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Des douleurs plus fréquentes qu’on le pense
Pénélope a souvent l’impression d’être la seule femme aux prises avec une telle souffrance. C’est pourtant loin d’être le cas.
De 8 à 20% des femmes souffrent de douleurs gynécologiques, affirme Isabelle Quintal, ergothérapeute et candidate au doctorat à l’Université de Sherbrooke. Elle mène actuellement des recherches sur la vestibulodynie, une douleur ressentie à l’entrée du vagin.
«Beaucoup de femmes ont ce diagnostic, mais l’accès aux soins est difficile, on ne sait pas encore toujours ce qui va fonctionner», regrette-t-elle.
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Difficile d’être entendue
Amélie, qui a vécu avec des douleurs vaginales pendant plus d’un an, dénonce elle aussi la difficulté de recevoir des soins, mais aussi le manque d’écoute des spécialistes à qui elle a eu affaire. La trentenaire affirme avoir consulté son médecin de famille et deux autres gynécologues hommes avant d’être prise au sérieux par une médecin, une gynécologue femme de son âge.
«C’est important d’en parler un peu plus et de sensibiliser pour avoir un meilleur accès aux soins», insiste-t-elle.
À cause de ce manque d’écoute, elle a souffert pendant des mois, au point où elle ressentait souvent de la douleur en marchant ou en étant simplement assise, regrette-t-elle. Sa vie sexuelle a également écopé.
«Parfois, la pénétration était possible, mais ce n’était pas agréable. Il n’y avait pas vraiment d’alternative, il fallait attendre que ça passe», confie-t-elle, ajoutant que sa libido en a souffert.
Avec son partenaire, elle a toutefois trouvé des alternatives, comme les massages et la stimulation avec les doigts ou la bouche, lorsque c’était possible. «Il fallait être un peu créatifs», lance-t-elle.
Bonne nouvelle: ses douleurs ont disparu lorsqu’elle a finalement pu se faire retirer son stérilet, après de nombreuses négociations avec des médecins qui refusaient de lui enlever. Impossible toutefois de savoir hors de tout doute si son stérilet était la cause de ses douleurs dont elle a souffert.
Pourquoi c’est aussi difficile pour les femmes de trouver de l'aide?
Les femmes se heurtent souvent à un parcours du combattant pour obtenir un diagnostic et se faire traiter convenablement pour des troubles gynécologiques au Québec.
Dans le cas des douleurs vaginales, le fait que de nombreux facteurs peuvent en être la cause complique le diagnostic, explique la Dre Mélanie Morin, chercheuse et directrice du laboratoire de recherche en urogynécologie de l’Université de Sherbrooke.
Les médecins doivent souvent procéder par diagnostic d’exclusion, c’est-à-dire éliminer les pathologies qui pourraient être à la source de la souffrance une à la fois, poursuit-elle.
La difficulté de recevoir un diagnostic n’est toutefois pas propre aux douleurs vaginales, souligne-t-elle. Une étude américaine a démontré qu’une femme doit généralement consulter trois ou quatre médecins pour obtenir un diagnostic et un traitement adéquat lorsqu’elle souffre de problèmes gynécologiques. Et c’est notamment parce que la science ne s’y intéresse pas suffisamment, déplore la Dre Morin.
«Je pense que c’est pour ça que les femmes veulent participer à des projets de recherche, même si c’est de l’inconnu. Il y a tellement d’impacts dans leur vie qu’elles sont prêtes à tenter de nouveaux traitements dans des études cliniques», mentionne la docteure.
Elle regrette d’ailleurs que la physiothérapie ne soit pas plus considérée par les médecins du système public pour soulager les douleurs vaginales.
Le tabou qui perdure autour de la santé sexuelle des femmes – et plus globalement de leur sexualité – peut aussi agir comme un frein à la recherche, souligne l’ergothérapeute Isabelle Quintal.
«Le fait que ce soit tabou n’aide surtout pas, parce que si les femmes n’en parlent pas, on ne s’en occupe pas non plus», conclut-elle.
Si vous souffrez vous aussi de douleurs gynécologiques, plusieurs projets de recherche sont menés par la clinique de la Dre Mélanie Morin à travers le Québec. Il est possible de rejoindre le laboratoire de recherche urogynécologique au labomorin@USherbrooke.ca ou bien au 1-888-463-1835, poste 18439.
*Tous les prénoms des personnes citées dans cet article ont été changés afin de préserver leur anonymat.