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L'article provient de TVA Nouvelles
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«Pandora Papers»: des dirigeants rejettent les accusations sur leurs milliards offshores

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Thomas URBAIN | AFP

2021-10-04T19:19:08Z
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Plusieurs pays et dirigeants ont rejeté, lundi, les révélations d’une vaste enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) accusant plusieurs centaines de responsables politiques et leurs proches d’avoir dissimulé des avoirs dans des sociétés offshores, notamment à des fins d’évasion fiscale. 

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Publiée dimanche, cette enquête, à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s’intitule «Pandora Papers», référence à la légende de la boîte de Pandore. Elle s’appuie sur quelque 11,9 millions de documents provenant de 14 sociétés de services financiers et a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshores.   

  • Écoutez le chroniqueur de politique internationale Loïc Tassé avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:   

Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshores – c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse – et a acheté, par leur biais, 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.

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En Jordanie, le Palais royal a déclaré, lundi, que ces «informations de presse sont inexactes, déformées et exagérées» et qu’elles constituent une «menace pour la sécurité du monarque et celle de sa famille».

Mis en cause également, le Kremlin a rejeté, lundi, des «allégations infondées». Selon l’ICIJ, Svetlana Krivonogikh, une femme présentée par des médias russes comme une ex-maîtresse du président Vladimir Poutine, a acquis, en 2003, un appartement pour quatre millions de dollars à Monaco via des comptes offshores. D’autres proches du président sont également cités.

Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine
Le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine Photo d'archives, AFP

Le premier ministre ivoirien Patrick Achi, qui contrôlait une société aux Bahamas jusqu’à au moins 2006 selon l’enquête, a démenti, lundi, toute «action illicite».

Dimanche déjà, le premier ministre tchèque, Andrej Babis, s’était défendu d’avoir placé 22 millions de dollars dans des sociétés-écrans pour financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété à Mougins dans le sud de la France.

«Je n’ai jamais rien fait d’illégal ou de mal», a-t-il tweeté, «mais cela ne les empêche pas d’essayer de me dénigrer et d’influencer les élections législatives tchèques», prévues vendredi et samedi prochain.  

  • Écoutez l’entrevue de la fiscaliste Brigitte Alepin au micro de Geneviève Pettersen à QUB radio   

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Le président équatorien, Guillermo Lasso, a, lui, logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud, selon l’ICIJ, qui épingle également les présidents du Chili et de République dominicaine.

«Tous mes revenus ont été déclarés et j’ai payé les impôts correspondants en Équateur, faisant de moi l’un des principaux contribuables dans le pays à titre personnel», a assuré dans un communiqué M. Lasso, un ancien banquier. «Tous les investissements réalisés en Équateur et à l’étranger se sont toujours faits dans le cadre de la loi».

Le président congolais Denis Sassou Nguesso a détenu, pendant près de vingt ans, une société offshore dans les Îles Vierges britanniques, tandis que le président gabonais Ali Bongo y a contrôlé, à la fin des années 2000, deux sociétés offshores, selon le quotidien français Le Monde, partenaire de l’ICIJ.

Écoutez l'entrevue de l'auteur Alain Deneault au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB Radio: 

Au total, des liens ont été établis par l’ICIJ entre des actifs offshores et 336 dirigeants et responsables politiques de premier plan qui ont créé près de 1000 sociétés, dont plus des deux tiers aux Îles Vierges britanniques.

Environ deux millions des 11,9 millions de documents proviennent du cabinet d’avocats panaméen Alcogal (Aleman, Cordero, Galindo & Lee) qui, selon l’ICIJ, a joué «un rôle majeur dans l’évasion des taxes» et est impliqué dans la création de comptes pour dissimuler l’argent de plus de 160 personnalités.

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«Alcogal rejette ces spéculations, inexactitudes et mensonges», selon un communiqué.

«Cela démontre que les gens qui pourraient mettre fin au secret de l’offshore, en finir avec ce qui s’y passe, en tirent eux-mêmes profit», a commenté, dimanche, dans une vidéo, le directeur de l’ICIJ, Gerard Ryle. «On parle de milliers de milliards de dollars.»

Pour Maira Martini, chercheuse de l’ONG Transparency International, cette enquête apporte une nouvelle «preuve claire que l’industrie offshore fait le jeu de la corruption et de la criminalité financière tout en faisant obstruction à la justice». «Ce modèle économique» basé sur le secret financier «ne peut plus continuer».

Shakira et Dominique Strauss-Kahn  

Parmi les personnalités citées figurent également la chanteuse colombienne Shakira, la mannequin allemande Claudia Schiffer et la légende indienne du cricket Sachin Tendulkar.

Shakira.
Shakira. AFP

Apparaissent aussi les noms de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, pour l’achat d’un bien immobilier à Londres, du premier ministre libanais Najib Mikati et de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn.

Écoutez la chronique de Michel Girard au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB Radio: 

L’ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d’honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d’impôts, selon l’enquête.

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Au total, selon Le Monde, 600 Français apparaissent dans l’enquête, dont «un conspirationniste d’extrême droite» qui a recouru à une société aux Seychelles «pour vendre livres et pilules miracles».

Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais pour les dirigeants, l’ICIJ dresse un parallèle entre le discours anti-corruption de certains et leurs placements dans des paradis fiscaux.

Le président kényan Uhuru Kenyatta a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption et à obliger les officiels Kényans à la transparence quant à leur patrimoine.

Uhuru Kenyatta
Uhuru Kenyatta AFP

 Sans répondre aux accusations, M. Kenyatta a salué une enquête qui«va contribuer à améliorer la transparence financière». 

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a fondé son image sur la lutte contre la corruption, a selon l'ICIJ mis en place à partir de 2012 un réseau d'entreprises offshore qui a servi notamment à acheter trois propriétés cossues à Londres.

Un moyen, selon l'administration présidentielle ukrainienne, de se «protéger» contre les «actions agressives» du régime de l'ex-président pro-russe Viktor Ianoukovitch.

Entité indépendante, l'ICIJ compte des journalistes d'investigation dans plus de 100 pays et territoires, avec quelque 100 médias partenaires. Elle s'est fait connaître en 2016 avec les Panama Papers, enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d'un cabinet d'avocats panaméen.

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