Des cyclistes ne sont pas tombés en bas de leur vélo en lisant le rapport dévastateur sur Cyclisme Canada
Sans être surpris, de nombreux athlètes ont approuvé les conclusions peu élogieuses de l’enquête indépendante


Jean-François Racine
De nombreux athlètes ont approuvé les conclusions peu élogieuses de l’enquête indépendante sur Cyclisme Canada, mais plusieurs sont aussi méfiants quant au futur de l’organisme sportif.
Les cyclistes actuels ou retraités ne sont pas tombés en bas de leur vélo en lisant le portrait dévastateur de Cyclisme Canada, où règnent depuis longtemps de la discrimination, une «culture du silence» et une perception de toxicité.
Si l’enquêtrice Jessica Kearsey met en lumière un besoin pressant de changement de culture, surtout au niveau de la haute direction, les cyclistes se demandent quand et comment des gestes concrets seront posés.
«Cela ne me surprend pas du tout. En fait, j’envisage d’intenter une action en justice contre Cyclisme Canada pour les dommages causés et les revenus perdus tout au long de ma carrière de cycliste. J’ai essayé pendant de nombreuses années d’améliorer les conditions de tous les cyclistes au Canada par les moyens à ma disposition, mais en vain», explique James Piccoli, qui veut éviter un tel drame à d’autres.

Des changements réclamés
En 2021, les meilleurs cyclistes sur route canadiens avaient écrit une lettre à l’intention de Cyclisme Canada afin de dénoncer le manque de cohésion de la fédération nationale.
Trois ans après, le rapport Kearsey reprend pratiquement toutes les critiques souvent formulées par Hugo Houle et les autres.
«Je ne pourrais pas mieux dire que tout ce qui est expliqué dans le rapport. On ressent tout ce qui est mentionné. Il y a une personne qui cultive ce climat depuis des années même si le rapport ne cite pas de noms. J’espère vraiment qu’il y aura des changements», a commenté Houle après la 11e étape du Tour de France.
De son côté, Guillaume Boivin est également en accord avec le contenu du rapport.
«Ça ne semble pas très sain de travailler à Cyclisme Canada. Une organisation dysfonctionnelle, ça n’aide pas à une performance optimale. Tout le monde doit s’améliorer. Il y a beaucoup de messages lancés.»
Et si le rapport dénonce une certaine «culture du silence», des athlètes ne veulent plus en parler.
«Je ne veux plus rien savoir du cyclisme. J’ai donné des années de ma vie et je suis sorti amoché. Ce sport ne mérite plus mon temps», a confié l’un d’eux.
Des départs
«Si ça fait progresser les choses, ce sera déjà un bon gain. Ça ne roule jamais bien, une chaîne débarquée», a ajouté un autre dirigeant qui a quitté le milieu.
Si 43% des participants de l’enquête ont indiqué qu’ils ne pensaient pas pouvoir soulever des plaintes sans crainte de représailles, le besoin d’anonymat persiste. «On verra s’il y aura des démissions», a mentionné une ex-cycliste.
En réaction au rapport, Cyclisme Canada a publié un communiqué qui comprend des détails de son plan d’action.
«Nous avons progressé ces dernières années pour améliorer la gouvernance à tous les niveaux et nous sommes conscients qu’il y a encore du travail à faire», peut-on lire.
Le Journal a formulé une demande d’entrevue, mais Cyclisme Canada a réclamé les «sujets de discussion» à l’avance, précisant qu’il était possible que les réponses se fassent par écrit.
À la demande du Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport, l’enquêtrice Jessica Kearsey, de Deloitte Canada, a mené depuis octobre 2023 une évaluation du milieu sportif de Cyclisme Canada.
Le rapport de 62 pages a été publié par Sport Sans Abus le 10 juillet 2024 après neuf mois de travail.