Des coachs en renfort pour aider les cadres du réseau
Le ministère paiera plus de 6 millions $ en trois ans pour leurs services
Héloïse Archambault
Les contrats de coaching se multiplient dans le réseau de la santé pour aider les gestionnaires à améliorer leurs compétences. Plus d’un million de dollars ont été dépensés cette année.
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Le Journal a répertorié 24 contrats de coaching donnés de gré à gré dans le réseau de la santé québécois en 2021, pour un total de 1 445 466 $, selon le site d’appels d’offres SÉAO. On y retrouve toutes sortes de types de coaching (voir encadré).
Au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est, cinq contrats de 50 000 $ (pour trois ans) ont été octroyés en 2021. Une des coachs, Mylène Blais, fait allusion à une libellule sur son site internet.
« Je souhaite vous inspirer à opérer les changements nécessaires pour atteindre votre potentiel, telle une libellule. Sa légèreté peut nous inspirer à être plus flexibles et à nous adapter à toutes situations », lit-on.
Voilà cinq ans que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) débloque un budget pour du coaching. Au départ, le programme avait été implanté pour soutenir les gestionnaires dans le cadre de la fusion du réseau, qui avait entraîné l’abolition de 1300 postes de cadres.
Plus de 6 millions $
Entre 2020 et 2023, le budget provincial de coaching est de 6,2 millions $. Par courriel, le MSSS écrit que le programme permet « d’aider à l’atteinte des objectifs de gestion ainsi que des objectifs cliniques et administratifs ».
« On se retrouve avec des gestionnaires qui ont très peu d’expérience et qui ne peuvent pas être soutenus par leurs collègues parce qu’ils sont débordés », réagit Chantal Marchand, présidente-directrice générale de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS).
« Le coaching est une façon de valider des apprentissages et de s’assurer qu’ils réussissent. »
Au CISSS de la Montérégie-Est, les cadres ont accès à une banque de 12 coachs candidats, puisqu’« une des conditions de succès au programme de coaching est l’adéquation entre le coach et le “coaché” », écrit la porte-parole Marianne Paquette.
Formation importante
Selon un professeur spécialisé dans les méthodes de gestion, le coaching est une bonne façon d’aider un gestionnaire.
« Ça tend à avoir des retombées positives sur l’organisation, dit Pierre-Luc Fournier, de l’Université de Sherbrooke. Souvent, ça a de meilleures retombées que de simples activités de formation. »
« Gérer des équipes, ce n’est pas tout le monde qui a ça de manière innée », dit-il.
Or, ce dernier avoue qu’il y a lieu de se pencher sur les contrats accordés pour en évaluer la pertinence. Selon le MSSS, les coachs doivent avoir suivi une formation certifiée.
3 exemples de contrats de coaching
CISSS DU NORD-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL
Contrat de 48 000 $ (pour 6 mois) à Bell Nordic inc. pour « donner du coaching à la relève des cadres ».
« Les conseillers de Bell Nordic Conseil sont des Libérateurs de génies ! » lit-on sur le web.
BAS-SAINT-LAURENT
Contrat de 71 250 $ au groupe Edgenda pour former 17 coachs à l’interne, qui seront à leur tour des formateurs.
« Nos animateurs, facilitateurs, coachs [...] agissent comme des allumeurs de créations collectives qui imprègnent l’organisation, générant des résultats durables », lit-on sur le site.
CISSS DE L’EST-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL
Contrat de 98 990 $ (10 mois) à Lise Chagnon pour du coaching des « nouveaux gestionnaires en prévision de la visite d’Agrément Canada » (certification du réseau).
Des gestionnaires à bout de souffle, selon le syndicat
La réforme dans le réseau de la santé a eu un impact très négatif sur le travail des cadres, qui sont à bout de souffle, dénonce le syndicat.
« La charge de travail a tellement augmenté », constate Chantal Marchand, présidente-directrice générale de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS). « La pression est énorme. »
La réforme implantée par l’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a eu un impact majeur dans le réseau, en 2015.
Selon l’AGESSS, qui représente les gestionnaires intermédiaires (premier niveau), près de 2000 postes de cadres ont été abolis.
Aujourd’hui, les gestionnaires gèrent de plus grosses équipes dans plusieurs installations, souvent à des dizaines (voire des centaines) de kilomètres de distance.
Pas plus payant
Depuis la pandémie, les responsabilités ont augmenté, croit l’AGESSS. De plus, l’écart salarial avec les employés est souvent minime, puisque leurs heures supplémentaires ne sont pas rémunérées.
« Une chance qu’ils ne quittent pas le bateau parce que le système va s’écrouler, croit Mme Marchand. Il y a des limites au travail à distance. [...] Un gestionnaire de proximité doit être vu par son équipe. »
Selon l’AGESSS, les postes abolis en 2015 devraient être recréés. D’ailleurs, M. Barrette a récemment laissé entendre qu’il regrettait ces coupes.
« Une chose que je constate aujourd’hui, c’est qu’on a sans aucun doute coupé trop de cadres intermédiaires et de cadres supérieurs », a-t-il dit.
Forte pression
Selon un professeur spécialisé dans les méthodes de gestion, la pénurie de cadres met une forte pression sur ceux en place.
« Il y a un gros manque à gagner. Historiquement, les gens qui devenaient gestionnaires étaient des cliniciens. Ce sont des champs de compétence très différents. Beaucoup sont embauchés et ont peu d’expérience », dit Pierre-Luc Fournier, professeur à l’Université de Sherbrooke.
« Les bons gestionnaires, ils sont peu nombreux, même au privé ! » dit-il.