Des armes à feu du pays de Trump importées en contrebande dans une bibliothèque des Cantons-de-l’Est et saisies chez des leaders notoires de la mafia montréalaise
Leonardo Rizzuto, Raynald Desjardins et Loris Cavaliere ont tous été arrêtés en possession de ces pistolets provenant de la Floride

Eric Thibault, Félix Séguin et Maxime Deland
La majorité des armes à feu saisies par nos forces de l’ordre, au Québec et ailleurs au pays, proviennent des États-Unis de Donald Trump, qui reste bien silencieux sur ce fléau. Le président américain préfère accuser le Canada d’inonder son pays de fentanyl, pour justifier sa guerre commerciale à coups de tarifs. Des documents policiers inédits obtenus par notre Bureau d’enquête et l’Agence QMI viennent mettre des visages sur des bénéficiaires de cette contrebande d’armes alimentée par nos voisins du Sud. Il s’agit de plusieurs gros noms de la mafia montréalaise dont les pistolets prohibés ont été saisis dans leur cuisine, leur salon ou leur bureau.
Plusieurs leaders notoires de la mafia montréalaise se sont fait arrêter en possession d’armes à feu provenant de la Floride et illégalement importées au Québec par des contrebandiers qui passaient leur marchandise dans une bibliothèque des Cantons-de-l’Est, située directement sur la frontière canado-américaine.
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C’est l’étonnante découverte qu’ont fait les policiers de l’Escouade régionale mixte (ERM) de lutte au crime organisé de Montréal, dans des documents judiciaires auxquels notre Bureau d’enquête et l’Agence QMI ont eu accès.

Voici quelques endroits où nos policiers ont retrouvé certains de ces pistolets dont une bonne partie est arrivée en sol canadien en passant par les toilettes de la bibliothèque Haskell, à Stanstead:
- Dans une armoire de la cuisine de Leonardo Rizzuto, que la police considère toujours comme l’un des codirigeants de la mafia italienne, à sa luxueuse résidence du quartier Sainte-Dorothée à Laval;
- À l’intérieur de la doublure d’un sofa dans le salon du caïd lavallois Raynald Desjardins, que les autorités identifient comme un rival du clan Rizzuto puisqu’il a longtemps gravité parmi les proches du défunt parrain Vito Rizzuto;
- Dans un plafond de l’immeuble abritant le bureau de l’avocat Loris Cavaliere, qui fut le consigliere de la mafia avant d’être condamné pour gangstérisme et radié par le Barreau du Québec.


Trafiquants de la Floride et de Montréal
L’origine de ces armes est détaillée dans un rapport policier en lien avec l’une des plus grosses enquêtes policières de la dernière décennie au Québec, l’opération Magot.
L’ERM y précise que le pistolet chargé découvert chez le fils du défunt parrain Vito Rizzuto, en novembre 2015, «fait partie d’une liste de 109 armes à feu achetées aux États-Unis par deux citoyennes américaines de l’État de Floride», puis importées illégalement au Canada et «reliées au trafiquant Alexis Vlachos», peut-on lire dans le rapport de l’ERM.

Vlachos, un trafiquant d’armes montréalais, a été identifié comme le «cerveau» de ce complot, avec la complicité d’une Floridienne de 46 ans, Annette Wexler, qui avait acheté l’arsenal dans la région de Tampa.
Tous deux se sont fait écrouer à la suite d’une enquête où la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a fait équipe avec les agents américains du Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (BATFE).
Passe-droit pour les usagers
Pour arriver à leurs fins, les contrebandiers avaient tiré profit de la particularité géographique unique de la librairie Haskell, dont la porte principale est située à Derby Line, dans l’État du Vermont, tandis que la partie nord du bâtiment se trouve de ce côté-ci de la frontière, à Stanstead.

Une grosse ligne noire correspondant au tracé de la frontière est bien en vue sur le plancher.
D’ailleurs, c’est cette ligne noire que la nouvelle secrétaire à la Sécurité intérieure américaine qui a été choisie par le président Trump, Kristi Noem, s’est récemment amusée à enjamber en affirmant qu’elle se trouvait dans «le 51e État» quand ses pieds étaient du côté canadien, rapportait le quotidien The Boston Globe, le 27 février dernier.

Or, les usagers de la bibliothèque n’ont pas l’obligation de se soumettre au contrôle des douaniers.
Ce passe-droit, qui découle d’une entente entre les deux pays symbolisant l’amitié entre les États-Unis et le Canada, est en vigueur depuis l’ouverture de la bibliothèque en 1904.
Les contrebandiers en ont abusé à au moins deux reprises, au printemps 2011, alors que Vlachos est ressorti de la bibliothèque avec un sac à dos rempli d’armes de poing qu’un complice avait laissé pour lui dans les toilettes, selon la preuve exposée devant un tribunal du Vermont.
D’autres livraisons destinées à Vlachos ont transité ailleurs au Vermont et dans l’État de New York.
Vlachos et Wexler ont chacun été condamnés à quatre ans de pénitencier.
C’est un fait incontestable que la plupart des armes à feu illégales qu’on retrouve au Canada et au Québec arrivent des États-Unis. Voici quelques données qui appuient ce constat:
- Environ 53% des armes illégales saisies au Québec proviennent des États-Unis, affirmait aux médias le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, en janvier dernier, alors que le gouvernement Legault déployait 300 agents de la Sûreté du Québec à la frontière pour prévenir une crise migratoire à la suite de l’élection de Donald Trump.
- L’origine des trois quarts des armes de poing saisies par les policiers en lien avec la guerre des stupéfiants opposant plusieurs gangs de trafiquants aux Hells Angels à travers la province a été retracée chez nos voisins du Sud, d’après la Sûreté du Québec.
- À Toronto, 88% des 717 armes à feu saisies par la police en 2024 provenaient des États-Unis.
- Plus de 85% des armes à feu saisies par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) provenaient du côté américain de la frontière en 2024.
- Le nombre d’armes à feu provenant des États-Unis que les agents de l’ASFC ont saisies l’an dernier était en hausse, passant de 581 en 2022 à 839 en 2024.

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