Derrière le sourire (forcé) de Pierre Poilievre


Josée Legault
Que se passe-t-il derrière le sourire de toute évidence forcé de Pierre Poilievre? Incapable de s’adapter à la tempête Trump, le chef conservateur est pris de court par la remontée fulgurante des libéraux sous Mark Carney.
Jusqu’ici, alors que les électeurs s’inquiètent pour leur avenir, il persiste avec son plan de match originel. Soit de dépeindre les dix ans au pouvoir du PLC comme la pire catastrophe ayant frappé le Canada depuis sa fondation.
Même l’arrivée d’un nouveau chef libéral plus populaire qui, jusqu’au vote du 28 avril, est aussi premier ministre du pays, ne semble pas l’ébranler dans sa certitude d’avoir raison.
D’où les reportages sur des dissensions internes majeures dans les troupes conservatrices quant au manque d’adaptation de leur chef et une campagne carrément «dysfonctionnelle».
La raison? Les libéraux dominent les sondages en Ontario, là où le prochain gouvernement sera choisi, et au Québec, là où il sera décidé s’il sera majoritaire ou minoritaire.
Et si le PLC ressuscite, c’est grâce à une part croissante du vote néo-démocrate et bloquiste qui, se cherchant un chef capable de transiger avec Trump, migre vers lui.
Que Trump ait une attitude plus positive après un seul appel avec Mark Carney – qu’il a qualifié de premier ministre du Canada et non pas de gouverneur du 51e État américain comme pour Justin Trudeau – ne fera rien non plus pour renflouer les appuis aux conservateurs.
Un président imprévisible et erratique
Imprévisible et erratique, qui sait cependant ce que le président dira ou fera d’ici la fin de la campagne? Quoi qu’on fasse, cela nous ramène néanmoins à la question de l’urne: quel chef serait le plus en mesure de protéger la souveraineté du Canada face à la Maison-Blanche?
Jusqu’à maintenant, en réponse à cette question, Pierre Poilievre ne fait pas le poids. Son vrai problème, il est là, en fait, depuis le retour de Trump.
Au lieu de se serrer les coudes avec l’«équipe Canada» que Justin Trudeau tentait de bâtir, le chef conservateur, dans son ultrapartisanerie légendaire, donnait raison aux déclarations farfelues de Trump sur la frontière et le fentanyl.
Pour un homme visant le poste de premier ministre, c’était déjà une grave erreur de jugement.
Image de mini-Trump
Une autre faiblesse de M. Poilievre est son image bien ancrée de «mini-Trump». Dans son ton abrasif, sa diabolisation apocalyptique des adversaires, son recours répété à l’insulte et sa hargne contre les médias.
La semaine dernière, Kory Teneycke, ex-directeur des communications de Stephen Harper et directeur de campagne de Doug Ford, en faisait le même constat publiquement. Or, Teneycke n’est pas un méchant woke radical, mais un vrai compagnon de route de la droite canadienne.
Évidemment, rien n’est encore joué. Qui sait même ce que les débats des chefs produiront comme effet dans l’opinion publique?
D’ici peu, M. Poilievre verra-t-il la lumière au bout de son bunker en s’adaptant à la nouvelle donne politique? Toujours seul sur l’estrade, finira-t-il aussi par se rappeler qu’il a un caucus et des candidats?
Pour le moment, le pire handicap de Pierre Poilievre est qu’il est en voie de prouver qu’il n’est pas un chef rassembleur et, ce faisant, qu’il n’est pas prêt à gouverner le Canada en temps de crise.
Cette impression peut certes se renverser. Cela exigerait néanmoins de lui une agilité intellectuelle et stratégique dont il n’a pas su faire montre jusqu’ici.