Derrière l'éclosion silencieuse d'un espoir du CH en Finlande
Nicolas Cloutier
Note de la rédaction: ce texte a été publié le 3 décembre. Certains faits rapportés pourraient ne plus être d'actualité.
Le nom d’Oliver Kapanen commence à résonner dans certaines franges plus calées de partisans des Canadiens de Montréal. Sans tambour ni trompette, le choix de deuxième tour du CH (64e au total) en 2021 s’affirme cette saison dans l’une des meilleures ligues au monde, la Liiga finlandaise.
Sur Twitter, l’ancien recruteur Grant McCagg, désormais à la tête du site web spécialisé Recrutes.ca, a même qualifié Kapanen d’«espoir le plus sous-estimé» de l’organisation. On peut douter de la légitimité de cette affirmation, mais la côte du jeune homme est indéniablement en hausse.
Le 26 novembre dernier, l’attaquant de Kalpa enregistrait le plus haut temps de jeu sa carrière en Liiga; tout près de 21 minutes de jeu contre l’Assat de Pori. Un fait rare dans un circuit où les entraîneurs ont l’habitude de prioriser les vétérans.
«Je suis un joueur polyvalent qui peut porter plusieurs chapeaux au sein d’une équipe, déclare le principal intéressé au TVASports.ca. C’est ma plus grande qualité. J’ai ainsi la confiance de l’entraîneur. C’est pour ça, je crois, que je reçois autant de minutes.»
L’entraîneur-chef de Kalpa, Tommi Miettinen, explique qu’il a été témoin d’une progression phénoménale de son poulain.
«Il a fait des bonds de géant dans toutes les facettes du jeu, confie l'homme de hockey lors d’un entretien téléphonique. Il est plus fort, plus rapide et il pratique un jeu efficace dans les deux sens de la patinoire.»
S’il est connu que les entraîneurs vont, le plus clair du temps, chanter les louanges de leur joueur, Miettinen ne donnait pas l’impression de livrer cette entrevue pour jouer du violon. Il avoue qu’il était tiède par rapport à Kapanen avant le début de la saison.
«L’an passé, il pouvait jouer une bonne période et je ne savais pas trop ce que j’allais obtenir dans la suivante. Maintenant, c’est un joueur important pour nous. Ça change la donne pour notre équipe, parce que je ne pensais pas vraiment me fier à lui cette saison.»
Kapanen, qui se contentait de 11 minutes et des miettes en 2021-2022, est maintenant employé sur les unités spéciales et parfois contre les meilleurs éléments adverses, lui qui pilote le troisième trio de Kalpa au centre.
«Je l’ai employé sur la première vague de notre avantage numérique pendant 5 ou 6 matchs, mentionne Miettinen. Il a été bon à ce point. Je l’envoie souvent sur la première vague de notre infériorité numérique également.»
LUOSTARINEN 2.0
À sa première année derrière le banc de Kalpa, dans un rôle d’entraîneur adjoint, Miettinen a aussi dirigé Kasperi Kapanen, le cousin d’Oliver. Kasperi, qui évolue avec les Penguins de Pittsburgh actuellement, a notamment inscrit 20 buts avec les Maple Leafs de Toronto en 2018-2019.
Il semble qu’Oliver ait le potentiel de le surpasser dans quelques années.
«Kasperi avait de très bons outils physiques, dont une excellente vitesse. Mais Oliver est un joueur bien plus intelligent à mes yeux. Son QI hockey est bien au-dessus de celui de Kasperi. Il est un joueur plus complet.»
À long terme, Miettinen estime qu’Oliver Kapanen pourrait devenir une version améliorée, plus offensive, d’Eetu Luostarinen, un autre de ses anciens joueurs avec Kalpa. Luostarinen revendique 13 points, dont six buts, en 24 matchs avec les Panthers de la Floride cette saison.
«Luostarinen était aussi un joueur qui s’impliquait dans tous les aspects du jeu. Mais Oliver a peut-être plus de potentiel pour marquer des buts et produire. Oliver a certainement un meilleur tir. Son plafond est plus élevé.»
PATIENCE
Les partisans du Bleu-Blanc-Rouge désireux de voir Kapanen à l’œuvre en chair et en os devront prendre leur mal en patience. Le principal intéressé n’est pas pressé de débarquer en Amérique du Nord, et ce, même si son contrat avec Kalpa vient à échéance au terme de la saison.
«Je pense, en fait, que je vais rester une ou deux saisons de plus en Europe pour m’améliorer, répond le joueur de centre lorsque questionné sur la possibilité de rejoindre le Rocket l’an prochain. Quand je serai prêt, je viendrai à Laval ou Montréal.»
«De nos jours, le jeu de la LNH est du hockey très, très rapide. Ton coup de patin doit être formidable. C'est ce qu'il doit améliorer s'il veut atteindre le plus haut niveau. Peut-être dans deux ans, s'il est prêt», corrobore son entraîneur, Miettinen. «Mais tu sais, ces joueurs talentueux peuvent progresser considérablement en l'espace de six mois, comme Oliver l'a d'ailleurs démontré. Alors on ne sait jamais.»
Un tel plan de développement avait été payant dans le cas d’Artturi Lehkonen, qui avait joué trois saisons en Europe après avoir été repêché par le Tricolore, une dans la Liiga et deux dans la Ligue suédoise. Lehkonen s’était ensuite taillé une place avec le grand club dès son premier camp d’entraînement avec l’équipe, en 2016.
Lorsque le moment sera venu pour Kapanen de mettre les pieds en sol montréalais, il sera familier avec le jeu de Juraj Slafkovsky, qu’il a affronté la saison dernière dans la Liiga.
«C’est un gros bonhomme, il est fort avec la rondelle. Ce n’était pas facile de jouer contre lui!»
LES KAPANEN ET LE HOCKEY
Un cousin qui joue avec les Penguins en Kasperi. Un oncle qui a disputé plus de 800 matchs dans la LNH en Sami. Un père et un grand-père, Kimmo et Hannu, qui ont connu de longues carrières en Europe à la position de gardien de but. Un grand oncle, Jari, qui jouait aussi professionnellement en Finlande à l'attaque.
Oliver était prédestiné à gagner sa vie sur une patinoire. Ses premiers pas, il les a d'ailleurs faits dans les buts, suivant les traces de papa et grand-papa.
«C'est seulement vers 10 ou 11 ans que je suis devenu attaquant. C'était trop ennuyant, rester dans le demi-cercle. Il n'y avait rien de bien excitant là-dedans!», raconte-t-il en riant au bout de la ligne. «Je crois que ça m'a aidé plus tard, par contre, pour savoir comment déjouer les gardiens adverses. Mon père m'a donné des ficelles pour m'aider à tromper leur vigilance.»
En entrevue avec le Journal de Montréal au mois d'août, durant le Champonniat mondial junior, l'entraîneur de la délégation finlandaise, Antti Pennanen, a dit de Kapanen qu'il était le joueur le plus intelligent de la famille.
Mais il y avait un mais : il lui a aussi reproché d'être trop gentil sur la patinoire et de manquer de hargne.
«Je suis d'accord avec Antti, réagit Kapanen lorsque mis au fait de ces commentaires. Je crois que c'est ce que j'ai le plus amélioré dans mon jeu cette année. Il fallait que je déploie plus de puissance dans les situations à un contre un dans les coins.»
Dans la Liiga, Kapanen est une cible facile. Avec son casque RedBull, il est difficile à manquer. Le meilleur pointeur de 20 ans et moins de chaque équipe du circuit finlandais a l'honneur de le porter.
«Oliver est encore jeune, alors ils le mettent à l'épreuve chaque soir, soulignr Miettinen. Ils essayent de lui rendre la vie dure. Mais désormais, il bataille fermement avec les joueurs adverses. J'attendais de voir ce côté de lui, ce niveau de compétition nécessaire pour lutter avec les meilleurs.»
LES POINTS SUR LES «I»
Avec 12 points, dont six buts, en 27 matchs dans la Liiga, Oliver Kapanen figure au deuxième rang du circuit parmi les joueurs de 20 ans et moins.
De tels chiffres ne le mettent pas en valeur lorsqu'il est comparé aux Sean Farrell, Lane Hutson, Owen Beck et Joshua Roy de la relève du Tricolore, mais il faut en prendre et en laisser avec la production d'un jeune joueur en Finlande. À preuve, Juraj Slafkovsky affiche présentement une meilleure moyenne de point par match avec le Tricolore qu'avec le TPS Turku l'an dernier.
La Liiga est une ligue très défensive. Les patinoires sont plus grandes et très peu d'erreurs y sont commises. Dans un match typique de la Liiga, les actions offensives sont beaucoup moins nombreuses qu'en Amérique du Nord.
«En Finlande, on demande à nos jeunes joueurs d'être très bon défensivement et solide dans les deux sens de la patinoire, précise Miettinen. Évidemment, cela aura un impact sur leur temps de jeu. C'est aussi pourquoi la Finlande fait bonne figure lors des tournois internationaux. Nos équipes sont bonnes sur le plan défensif. Cela fait partie de notre identité.»
«Je pense que le meilleur s'en vient en ce sens», prédit pour sa part Kapanen au sujet de sa production.
Sur le plan offensif, les attentes seront plus grandes au prochain Championnat mondial junior. Oliver Kapanen fera alors office de vétéran au sein de cette équipe et risque d'hériter de grandes responsabilités, tant sur la glace que dans le vestiaire.
«Je suis curieux de voir s'il sera élu capitaine, parce que je n'ai pas vu comment il se comporte avec des joueurs de son âge», confie Miettinen au sujet de son jeune attaquant, qui ne prend pas trop de place dans le vestiaire de Kalpa en raison de ses 19 ans.
EN VRAC
- Kapanen a excellé au tournoi des 5 nations en République tchèque au début du mois de novembre, marquant trois en autant de matchs pour la Finlande
- La saison 2021-2022 a été dure pour le jeune attaquant, qui a joué dans trois ligues et quatre équipes différentes. «C'était difficile, reconnaît-il. J'essayais de garder le sourire. Tu ne savais jamais vraiment pour qui, et où tu allais jouer. Mais je suis passé au travers et j'en ressors mieux outillé.»
- L'entraîneur-chef de Kalpa, Tommi Miettinen, avoue qu'il s'inquiète de l'horaire chargé du jeune attaquant, qui a joué au Championnat mondial au mois d'août et y retournera pendant le temps des Fêtes. «Lorsque nous avons commencé la saison, il était au Championnat mondial junior et là, il y sera à nouveau. Ça va être vraiment dur pour son corps. Il sera fatigué à certains moments de la saison, il faut s'y attendre.»