Dépenses de restaurants, bonis et fonds discrétionnaires: la Ville de Montréal serre la vis
Les règles de dépenses pour les restaurants et l’alcool seront resserrées et les dépenses discrétionnaires et les bonis des cadres seront abolis
Dominique Cambron-Goulet et Annabelle Blais
La Ville de Montréal va grandement resserrer, dès le mois prochain, ses règles de dépenses pour les restaurants et l’alcool, notamment. Les dépenses de fonction discrétionnaires des cadres et les bonis seront aussi abolis.
Cela permettra d’éviter certaines dérives dans les dépenses comme celles révélées par Bureau d’enquête cet automne.
Le directeur général, Serge Lamontagne, en a fait l’annonce à la séance du comité exécutif de mercredi matin.
Ainsi, dès janvier, les cadres de Ville n’auront plus d’enveloppe de «dépenses de fonction» de plusieurs milliers de dollars annuellement.
Cet argent servait essentiellement aux activités de reconnaissance d’employés ou de mobilisation, comme les partys de Noël ou de départ, a souligné M. Lamontagne.
Ces activités ne sont pas appelées à disparaître, puisque des fonds pour celles-ci seront désormais «redistribués par unité en fonction du nombre d’employés». Des comités d’employés pourraient ainsi décider de leur gestion.
Les cadres qui ont obtenu cette enveloppe maintenant abolie jouissaient d’une grande liberté. Cela a donné lieu à des dépenses parfois douteuses. L’ex-présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, avait d’ailleurs justifié son souper d’huître à Paris à 347$ de 2016 par ce fonds discrétionnaire qui lui permettait de reconnaître la «contribution exceptionnelle» d’un employé.
Alors qu’elle était présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), Mme Ollivier avait partagé ce repas avec son ancien partenaire d’affaires, Guy Grenier, pour souligner son anniversaire. Ce dernier était alors collaborateur à l’OCPM depuis deux ans environ.
L’alcool interdit
Les dépenses pour les frais de repas et de réunions seront aussi resserrées.
Plus aucune exception pour le remboursement d’alcool ne sera permise en dehors des activités protocolaires, a annoncé le directeur général.
Le mois dernier, notre Bureau d’enquête révélait que les contribuables montréalais avaient payé pour huit bouteilles de vin servies lors d’un repas de la mairesse Valérie Plante et onze autres invités à Vienne.
Après nos révélations, Mme Plante s’était empressée d’annoncer que le montant serait remboursé.
De plus, toute dépense de frais de réunion, d’accueil et de représentation de plus de 100$ devra faire l’objet d’une approbation au préalable, a souligné le directeur général.
Elles ne pourront plus être payées sur le champ avec la carte de crédit de la Ville et être approuvées par la suite.
Fini les bonis de performances
Le directeur général a aussi annoncé que les cadres de la Ville de Montréal n’auraient plus droit à un boni de performance à partir de 2024.
Celui de 2023, qui leur sera versé au printemps, sera donc leur dernier. Ces bonis représentent une dépense annuelle d’environ 7,8 M$.
La Presse a révélé cet automne que l’administration Plante avait versé cette année un double boni à ses cadres afin de les compenser pour l’année 2020 où ils en avaient été privés.
De plus, il n’y aura plus d’allocation automobile pour les nouveaux cadres. Quant à ceux qui en ont déjà une, il y aura des révisions de la pertinence pour chacune d’entre elles.
La cure minceur ne s’arrête pas là, a prévenu le directeur général. Deux comités continuent de regarder toutes les directives en vue de les «raffiner», a fait savoir M. Lamontagne.
«Acceptabilité des dépenses»
La mairesse Plante n’a pas voulu faire le lien entre les nouvelles sorties dans les médias et la révision des encadrements.
«On était déjà depuis plusieurs mois dans une révision des postes budgétaires. Ça s’inscrit dans une même logique», a-t-elle déclaré en conférence de presse mercredi.
Le président du comité exécutif, Luc Rabouin, a toutefois justifié ces rajustements administratifs par une «acceptabilité des dépenses».
«Au-delà du montant [qu’on peut économiser], c’est l’acceptabilité des dépenses», a-t-il affirmé.
M. Rabouin n’a pas pu chiffrer les économies potentielles pour la Ville. «Il n’y a pas de petites économies», a-t-il dit.
Après le budget de novembre dans lequel les Montréalais ont vu leur les taxes foncières résidentielles augmenter de 4,9 % en moyenne, la mairesse dit avoir voulu démontrer que l’argent est dépensé de façon responsable.
«Nous voulions montrer à quel point l’argent des contribuables montréalais est important et nous voulons bien le dépenser. Aujourd’hui, je voulais montrer encore aux Montréalais que nous regardons chaque ligne du budget», a-t-elle ajouté.
L’opposition, Ensemble Montréal, a salué la fin des bonis de performances aux cadres dans un contexte financier difficile pour la Ville, mais a jugé que Valérie Plante disait une chose et faisait le contraire.
«Alors que la mairesse défendait à l’automne le double boni de 6 M$ versé aux cadres, la voilà aujourd’hui qui annonce qu’elle mettra un terme à cette prime dès l’an prochain. J’invite l’administration à s’expliquer devant ces contradictions», a affirmé le chef de l’opposition, Aref Salem.
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