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L'article provient de 24 heures

Enquête en cybercriminalité après des allégations contre la clinique d'avortement l’Alternative à Montréal

Agence QMI
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-07-14T09:00:00Z
2022-07-14T12:05:46Z
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Une clinique gynécologique spécialisée en avortement qui fait face à des allégations de violences obstétricales et gynécologiques sur le web a porté plainte au Service de police de la Ville de Montréal, qui a ouvert une enquête pour cybercriminalité.

Depuis une semaine, la clinique de l’Alternative située dans le quartier Centre-Sud, à Montréal, affirme être victime d’une «campagne de salissage» sur Google. 

Une vague d’avis et de commentaires négatifs faisant état de violences obstétricales et gynécologiques (VOG) qui auraient été subies dans cette clinique a déferlé sur le web. 

Plusieurs personnes ont exprimé y avoir reçu des tests Pap «extrêmement douloureux» et des remarques déplacées de la part du personnel soignant. Certaines pointent «la froideur extrême, la rudesse, le jugement et la violence du personnel». 

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Cybercriminalité

Pour l’administration de la clinique toutefois, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une «campagne de dénigrement». 

«Une enquête du SPVM pour cybercriminalité est en cours pour connaître l'identité de ce groupe ou des individus en lien avec les avis sur Google. Il y a trois enquêteurs sur le dossier», confirme le Dr Jean Guimond, chef du service de planification familiale et d’interruption volontaire de grossesse du CIUSSS du Centre-Sud de Montréal. 

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Le Dr Jean Guimond, chef du service de planification familiale et d’interruption volontaire de grossesse du CIUSSS du Centre-Sud de Montréal.
Le Dr Jean Guimond, chef du service de planification familiale et d’interruption volontaire de grossesse du CIUSSS du Centre-Sud de Montréal.

La situation est «très inquiétante», selon le médecin qui pratique des avortements depuis 45 ans, soit une dizaine d’années avant leur décriminalisation au Canada en 1988. 

Il croit que cette affaire aurait un lien avec la résurgence du mouvement anti-choix au Québec depuis la révocation de Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis le 24 juin, la décision historique de 1973 qui protégeait le droit constitutionnel à l’avortement sur tout le territoire américain. 

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«Il y a eu toute sorte d’événements depuis», confie le Dr Guimond. «Des gens se sont présentés à notre porte pour parler aux femmes même s’ils n’ont pas le droit. Ce sont des cas isolés, mais on n’avait pas vu ça depuis longtemps.» 

Questionnée par le 24 heures, la directrice générale de la Clinique Morgentaler, France Désilets, affirme que des incidents similaires auraient aussi eu lieu dans d’autres cliniques d’avortement dans les dernières semaines. 

Des violences dénoncées sur Instagram

La vague d’avis négatifs contre l'Alternative coïncide avec la publication de témoignages sur le compte Instagram féministe «Un gars dynamique», la semaine dernière. 

Plusieurs personnes ont signalé avoir vécu des VOG lors d’examens ou d’avortements à l'Alternative. 

Le 24 heures a parlé à trois d’entre elles qui dénoncent des tests Pap «spécialement douloureux», des méthodes «brutales» et le «jugement» de certains gynécologues.

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 L’administratrice du compte s’oppose à l’idée que ces témoignages puissent provenir de militants anti-avortement. 

«J’ai une page féministe. Ce sont des personnes qui se sont fait avorter qui m’ont écrit», fait valoir Margot, dont nous taisons le nom de famille pour la protéger d’éventuelles représailles. 

Tout a commencé après la révocation de l’arrêt Roe c. Wade aux États-Unis, raconte-t-elle. 

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«Une personne m’a écrit [...] Elle m’a dit qu’elle cherchait une clinique pour se faire avorter. Elle avait pris un rendez-vous à l’Alternative, mais en voyant certains commentaires sur Google, elle a décidé de l’annuler.» 

Après avoir partagé un de ces avis négatifs sur Instagram, Margot souligne avoir reçu beaucoup de messages qui ciblaient spécifiquement cette clinique, en plus de ceux concernant d’autres établissements de soins de santé. 

Elle a publié quelques-uns de ces témoignages sur sa page, certains anonymement, d’autres à visage découvert. 

À l’Alternative, le Dr Jean Guimond maintient que ces personnes auraient dû passer directement par la clinique. 

«On offre des services médicaux aux femmes depuis 33 ans, ce n’est pas n’importe qui qui peut travailler dans une clinique d’avortement», assure le militant de première ligne pour le droit à l’avortement. «On joue beaucoup avec les émotions, les sentiments, la douleur, le deuil. Si quelqu’un vit un malaise, il peut nous l’exprimer.» 

L’accompagnante à l'interruption de grossesse, Marie-Ève Blanchard, soutient par ailleurs que «l’Alternative est une des cliniques où elle constate le moins de problèmes». 

«Ça fait 33 ans que la clinique accepte que la personne soit accompagnée lors de son avortement. C’est plutôt l’exception à la règle dans le milieu», illustre la cofondatrice des Passeuses, une entreprise féministe en santé reproductive. 

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