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Culture

Découvrez pourquoi Chrystine Brouillet garde toujours un livre à portée de main

Karine Levesque / TVA publications
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nathalie slight

2025-04-08T10:00:00Z
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Depuis plus de quatre décennies, Chrystine Brouillet entraîne ses lecteurs dans les fascinantes enquêtes de Maud Graham, un personnage devenu iconique au fil de 22 romans. Avec son dernier ouvrage, Le regard des autres, l’autrice explore le sombre univers de l’exploitation sexuelle, tout en offrant une fois de plus un regard percutant sur notre société.

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Chrystine, lorsque tu as créé l’enquêtrice Maud Graham, en 1987, pensais-tu que ce personnage serait au cœur des intrigues de 22 romans?

Pas du tout! Maud Graham est née de mon exaspération de lire des polars américains et européens décrivant des personnages féminins très caricaturaux: la blonde évaporée, la rousse pulpeuse, la brunette méchante. Je ne me reconnaissais pas du tout dans ces femmes-là. J'ai donc créé le personnage d’une femme ordinaire, qui exerce un métier hors de l'ordinaire.

Et comment expliques-tu le succès de ce personnage?

Maud Graham pourrait être notre voisine, notre cousine, notre amie! Comme nous toutes, elle a des problèmes terre-à-terre, comme le désir d’arrêter de fumer, de se mettre en forme, de perdre du poids. Ces petits détails de la vie quotidienne font que les lecteurs s’identifient à elle.

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(Chrystine réfléchit et ajoute)

Au fil des ans, j’ai reçu plusieurs confidences fort touchantes de la part de mes lecteurs. Par exemple, dans mon roman Une de moins, j’aborde le phénomène des féminicides. Lors des salons du livre, des femmes m’ont confié avoir quitté une relation toxique après avoir lu ce roman. Moi qui écris pour divertir, ça me touche énormément de faire œuvre utile à travers la fiction.

Après plus de 40 ans d’écriture, tu as développé un superbe lien avec tes lecteurs!

Je considère ça comme un beau cadeau de la vie. Un lecteur assidu de Maud Graham habite en Allemagne. Lorsqu’il a participé au Marathon de Québec, il reconnaissait certaines rues, certains restaurants, grâce à mes romans! Jamais je n’aurais pensé que mon écriture puisse servir de cartes postales pour ma ville natale.

Parce que les intrigues sont campées dans de vrais lieux, on a l’impression que Maud Graham existe vraiment!

Souvent, les gens pensent que c'est mon alter ego. Il y a bien sûr un peu de moi dans Maud Graham, mais je serais incapable d'être policière. Je suis bien trop peureuse pour ça. Écrire des intrigues policières derrière un clavier exige bien moins de courage qu’enquêter sur le terrain. Par contre, j’adorerais prendre un thé vert avec elle, si elle existait vraiment. Maud Graham, c’est le genre d’amie que j’aimerais avoir dans ma vie.

Après 22 romans à mettre en scène Maud Graham, ce doit être plus facile d’écrire de nouvelles intrigues!

Non. Au contraire, plus j’avance en âge, plus je cumule de l’expérience, plus le doute s’installe lorsque j’écris, parce que je ne veux pas me répéter, parce que je désire être à la hauteur des attentes de mes lecteurs. Par contre, il y a quelque chose de très confortable à retrouver mon personnage de Maud Graham, car je connais sa personnalité par cœur, son chum, son fils adoptif et tous les gens qui gravitent autour de l’enquêtrice.

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Quelle est ton étincelle de départ, lorsque vient le temps d'entreprendre l’écriture d’un nouveau roman?

Oh, bonne question! Je trouve d’abord l’univers dans lequel je vais plonger Maud Graham. Pour mon dernier roman, Le regard des autres, j’ai choisi de camper l’intrigue dans l’univers des prédateurs sexuels et de leurs victimes. Une fois le sujet choisi, je fais du repérage dans la ville de Québec, je m’informe, je prends beaucoup de photos, question de m’inspirer. Si Maud Graham mange dans un restaurant, soyez certains que ce qu’elle a commandé, j’ai l’ai moi-même testé avec grand plaisir. D’ailleurs, on me demande souvent quel métier j’aurais choisi si je n’avais pas été autrice. J’aurais certainement été propriétaire d’un restaurant, puisque j’adore tout ce qui entoure la cuisine.

Est-ce que la politique aurait pu t’intéresser, puisque tu dénonces des phénomènes sociaux à travers tes romans?

Non, tellement pas! Je critique les politiciens, mais en même temps, j’ai un grand respect pour eux, parce que je ne ferais jamais leur travail. Et puis, je dois avouer que la montée de la droite, le masculinisme, le recul des droits des femmes et des communautés LGBTQ... tout ça m’inquiète énormément. Mais le point positif pour une autrice, c’est que ce sentiment nourrit mon inspiration.

Plusieurs lecteurs ont une vision romantique de l’écriture de roman. On t’imagine très bien dans un café du Vieux-Québec en train d’écrire ton prochain roman en sirotant un verre de vin.

La réalité des auteurs est bien plus terre-à-terre que ça! Je me réveille le matin, je m’installe à l’ordinateur avec mon thé vert et j’écris. De temps à autre, mon chat saute sur mon clavier, mais ça fait partie de ma routine. Entre l’écriture de deux romans, je prends une pause. Mais à un moment donné, je me sens à l'étroit dans ma peau, c’est plus fort que moi, il faut que ça sorte. Les gens de mon entourage pourraient en témoigner: quand je suis vraiment due pour écrire, j’ai la mèche plus courte! (rires) Il y a définitivement quelque chose de thérapeutique dans le geste d’écrire, c’est un besoin viscéral chez moi.

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La plupart des gens plongent dans un bon roman pour décrocher. Toi, que fais-tu pour tirer la plogue?

Je plonge aussi dans un bon roman! (rires) Puisque j’ai une chronique littéraire à Salut Bonjour, je lis de deux à trois livres par semaine. Ce ne sont pas tous des coups de cœur, mais en général, je suis plutôt contente de mes découvertes. Chaque fois que j’entre dans une librairie, je me sens comme une enfant dans un magasin de bonbons. D’ailleurs, j’ai toujours un ou deux livres sur moi.

Pourquoi donc?

Si mon autobus a du retard, si je me pointe trop tôt à un rendez-vous, si je dois attendre chez le médecin, je sors un livre pour passer le temps. Parfois, lorsque je suis rendue à la fin d’un livre, je vais en traîner un deuxième avec moi, de peur de me retrouver les mains vides. Là où la majorité des gens sortent leur cellulaire pour passer le temps, moi, je lis.

Depuis quelques années, la mode est au true crime. Comment expliques-tu l’intérêt des Québécois pour le crime?

L’envie d’avoir peur fait partie de notre ADN, parce que ça nous procure une poussée d’adrénaline. La preuve: chaque fois qu’on présente des livres à des enfants, par exemple un conte de fées, il y a toujours un jeune qui me demande: «Où est le monstre?», «Qui est le méchant?» Le livre nous permet de vivre des émotions intenses, dans la chaleur et la sécurité de notre foyer.

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