Décès de Zacarias Zapata: le Bureau du coroner enquêtera
Agence QMI
Le Bureau du coroner va se pencher sur le décès tragique de la boxeuse mexicaine de 18 ans, Jeanette Zacarias Zapata.
C’est ce qu’a annoncé vendredi la ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, au lendemain de l’annonce de ce triste décès.
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Zapata a succombé à ses blessures, jeudi, après avoir subi un knock-out contre Marie-Pier Houle lors d’un gala du Groupe Yvon Michel (GYM) présenté samedi dernier au stade IGA. Son décès a été confirmé à 15 h 45 à l’hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal, où elle avait été plongée dans un coma artificiel après le combat.
«Nos pensées accompagnent la famille et les proches de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata, a réagi la politicienne par l’entremise de son compte Twitter, vendredi matin. [Le Bureau du coroner] procédera à une investigation sur les causes probables et les circonstances ayant mené au décès de l’athlète.»
Nos pensées accompagnent la famille et les proches de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata. @CoronerQuebec procédera à une investigation sur les causes probables et les circonstances ayant mené au décès de l’athlète.
— Geneviève Guilbault (@GGuilbaultCAQ) September 3, 2021
GYM a par ailleurs indiqué qu’il allait pleinement collaborer à l’enquête.
Une loi archaïque
L’incident a fait fortement réagir le député de Marquette et critique libéral en matière de sports, Enrico Ciccone, qui a réclamé rien de moins qu’une refonte de la loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, adoptée en 1993.
L’ancien hockeyeur, qui s’est battu à plus de 80 reprises pendant des matchs de la Ligue nationale de hockey (LNH), estime en effet que la médecine a fait des progrès énormes et que la loi doit être adaptée en tenant compte des nouvelles connaissances.
«Il faut absolument agir, a-t-il martelé lors d’une entrevue à l’émission "Mario Dunont" sur les ondes de LCN, vendredi. La Régie suit encore les protocoles des années 1990, mais on sait que la science du sport évolue chaque jour et que les données sont maintenant importantes sur les commotions cérébrales.»
«Aujourd’hui, il faut les prendre en considération, et c’est pour cette raison qu’on doit absolument se réunir avec le monde de la boxe, pour tenter de trouver des solutions à court, mais aussi à long terme. Ça ne peut plus continuer comme ça. On voit en moyenne 13 décès par année sur la planète dans le ring.»
Un registre demandé
M. Ciccone n’exclut pas la tenue d’une commission d’enquête, mais il préfère attendre le rapport du coroner avant de se prononcer. Il est par ailleurs revenu sur le projet de loi 196 qu’il a déposé à l’Assemblée nationale en avril 2019 et qui permettrait de mettre en place un registre des commotions cérébrales chez les mineurs.
Zapata avait subi une autre défaite par K.-O. au mois de mai dernier, face à Cynthia Lozano. Elle avait eu besoin d’un moment pour se relever après le combat.
«Quand on voit cette problématique, il faut être capable d’avoir un registre de commotions cérébrales chez les athlètes. Il y en a un dans la NCAA. Ici au Québec, on n’a pas ces informations-là.»
Québec solidaire, de son côté, se questionne sur les risques inhérents à la pratique de ce sport, dont l'objectif est, de par sa nature, de frapper la tête de son adversaire de façon répétitive.
«Je tiens tout d’abord à offrir toutes mes condoléances à la famille de cette jeune femme, a indiqué Andrés Fontecilla, porte-parole de QS en matière de Sécurité publique. C’est absolument troublant et crève-cœur d’apprendre la mort de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata dans le cadre d’un combat organisé à Montréal, tout près de chez nous. Nous recevons positivement l’annonce de l’enquête du coroner pour faire la lumière sur cette mort qui aurait dû être évitée. Ce décès tragique pose la question de fond suivante: peut-on vraiment rendre ce type de combat sécuritaire?»
Sans rappeler un autre triste dénouement
Le décès de la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata, quelques jours après avoir subi un knock-out pendant son combat contre la Québécoise Marie-Pier Houle, a ravivé des souvenirs d’une certaine soirée en juin 1980, quand Gaétan Hart a envoyé Cleveland Denny au tapis. Ce dernier ne s’est jamais relevé.
«Gaétan n’est pas en état de parler aujourd’hui. Ça lui remémore des mauvais souvenirs», a expliqué Serge Amyot, ex-journaliste et auteur– avec Mélanie Hart – du livre «Gaétan Hart, mon père», en entrevue à QUB Radio, vendredi.
Les deux hommes faisaient les frais d’un des combats de la soirée, en sous-carte de l’événement principal, opposant Sugar Ray Leonard à Roberto Duran, au Stade olympique. Hart et Denny en était à un troisième affrontement un contre l’autre.
Durant la soirée en question, le 20 juin, Hart avait tenté de profiter des dernières secondes du 12e round pour lancer une dernière attaque sur le pugiliste guyanais. Sur la séquence, l’arbitre Rosario Baillargeon a semblé hésiter afin de s’interposer et mettre un terme au combat, ce qui a permis à Hart de diriger quelques coups supplémentaires avant que l’officiel décide finalement d’interrompre le tout. Denny s’est écroulé avant de quitter sur une civière.
Au terme du duel, Denny a été plongé dans un coma artificiel. Un peu plus de deux semaines après, ce dernier perdait la vie. Avant l’incident tragique de Zapata, le décès de Denny, alors âgé de 24 ans, était le plus récent enregistré au Québec en raison d’un combat de boxe.
«Rosario Baillargeon n’a plus jamais arbitré par la suite. Il n’a plus été capable d’aller dans une arène de boxe parce qu’il se sentait coupable, a ajouté Amyot. Pourtant, il ne l’était pas, comme Gaétan Hart, il s’est toujours senti coupable et il ne l’était pas.»
«Il [Hart] a eu un combat par la suite et l’autre après c’était un combat de championnat mondial, contre Aaron Pryor, à Cincinnati. À Cincinnati, on l’annonçait, les publicités [disaient] "Killer Hart". Ce n’est pas facile de se faire traiter de "Killer Hart". Même ici il y avait des titres de journaux qui disaient "le tueur de Buckingham". Ce n’est pas facile ça. Aujourd’hui, il revit ça, et il ne veut pas le revivre. C’était en 1980, ça fait 41 ans.»
«La boxe, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de fédérations, mais même au Canada, les règlements ne sont pas pareils au Québec et en Ontario, et en Ontario et en Colombie-Britannique. Ce n’est pas pareil, parce qu’ici on a la régie, il n’y en a pas de régie comme ça en Ontario.»
Ce combat a toutefois permis de changer le monde de la boxe au Québec, où les règles étaient pratiquement non-existantes. La sécurité des boxeurs, entre autres, a été grandement améliorée à la suite de cette soirée.