De l’espoir pour le développement d’un vaccin contre l’ensemble des coronavirus
Richard Béliveau
Une étude fascinante rapporte que l’administration de vaccins anti-COVID-19 à des personnes qui avaient été infectées en 2002 par le SARS-CoV-1 génère des quantités très importantes d’anticorps contre plusieurs types de coronavirus. Ces résultats surprenants ouvrent la voie au développement biochimique de vaccins capables de neutraliser plusieurs coronavirus.
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En seulement 20 ans, nous avons dû faire face à trois grandes épidémies de maladies infectieuses causées par des coronavirus zoonotiques (d’origine animale), soit le SRAS en 2002-2003, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2012 et la COVID-19 depuis décembre 2019.
Si l’impact des deux premières épidémies a été relativement minime à l’échelle planétaire, le nombre élevé de décès et les énormes pertes économiques causées par la Covid-19 montrent à quel point il faut prendre la menace posée par ces virus au sérieux.
Nous avons heureusement la chance de pouvoir compter sur plusieurs vaccins extraordinairement efficaces, développés en un temps record, qui ont permis de contenir l’épidémie et de sauver d’innombrables vies.
Cependant, l’émergence récente de variants très infectieux (la Delta, en particulier) et capables d’échapper partiellement à la réponse immunitaire générée par ces vaccins montre qu’il faut dès maintenant réfléchir au développement de vaccins de deuxième génération, non seulement capables de neutraliser l’ensemble des variants actuels et futurs, mais aussi les coronavirus qui sont déjà présents de façon endémique dans la faune (chez les chauves-souris, en particulier) et qui peuvent à tout moment acquérir la capacité d’infecter les humains et de causer des épidémies dévastatrices.
Réaction croisée
Pour évaluer la réaction immunitaire croisée entre différents types de coronavirus, une équipe de chercheurs a eu la brillante idée d’administrer un des vaccins à base d’ARN messager actuel (Pfizer) à un groupe de personnes qui avaient contracté et survécu à l’infection par un autre type de coronavirus, soit le SARS-CoV-1 de 2002 (1).
À leur grande surprise, la vaccination de ces individus a provoqué une réponse immunitaire de très forte intensité contre un large spectre de coronavirus, incluant bien entendu le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2 d’origine, mais aussi les variants alpha, bêta et delta du SARS-CoV-2, un coronavirus de chauve-souris (RaTG131), deux coronavirus du pangolin (GD-112 et GX-P5L12) et deux coronavirus de chauve-souris apparentés à SARS-CoV-1 (WIV1 et RsSHC01413).
Autrement dit, chez ces personnes qui avaient été infectées auparavant par le SARS-CoV-1, il subsiste, même après une vingtaine d’années, une mémoire immunitaire contre une région du virus qui est également présente dans le SARS-CoV-2 et d’autres coronavirus, et cette mémoire peut être rapidement réactivée par le vaccin anti-Covid-19.
Bloquer l’entrée du virus
Les coronavirus testés dans l’étude sont tous des sarbecovirus, un sous-genre de bêtacoronavirus qui utilisent le récepteur ACE2 comme porte d’entrée dans les cellules. Il est donc probable que les anticorps capables de neutraliser un large éventail de ces sarbecovirus, tels qu’identifiés dans cette étude, exercent leur action en bloquant cette interaction.
En ce sens, il est intéressant de noter qu’une analyse biochimique très détaillée de plusieurs sarbecovirus a montré que la liaison de ces virus au récepteur ACE2 faisait intervenir une région moléculaire constante très conservée d’un point de vue évolutif, indispensable pour maintenir l’organisation spatiale régissant l’interaction avec le récepteur (2).
Il est donc possible que la réaction immunitaire croisée observée dans l’étude reflète l’activation de certains clones d’anticorps ciblant spécifiquement ces domaines moléculaires (appelés épitopes) plus communs à ces différents types de virus, un peu comme un passe-partout pour différents types de serrures.
L’identification précise de ces régions pourrait donc ouvrir la voie au design de vaccins reconnaissant un large éventail de coronavirus, capables de neutraliser non seulement les variants du coronavirus actuel, mais aussi empêcher l’éclosion d’épidémies futures causées par d’autres coronavirus, actuellement présents à l’état latent dans le monde animal.
La biochimie est en guerre déclarée contre ces virus !
(1) Tan CW et coll. Pan-Sarbecovirus neutralizing antibodies in BNT162b2-immunized SARS-CoV-1 survivors. N. Engl. J. Med., publié le 18 août 2021.
(2) Starr TN et coll. Deep mutational scanning of SARS-CoV-2 receptor binding domain reveals constraints on folding and ACE2 binding. Cell 2020; 182: 1295-1310.e20.