De coéquipiers à adversaires
Jessica Lapinski
Pendant 14 saisons chez les Alouettes de Montréal, Anthony Calvillo et Scott Flory ont partagé les joies de la victoire et l’amertume de la défaite. Mais samedi, un seul d’entre eux pourra soulever la coupe Uteck.
Sept années ont passé depuis que Calvillo et Flory ont pris leur retraite du football canadien. Une fois leurs épaulettes accrochées, les deux amis ont pris des chemins semblables. Et attendus.
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Sur le terrain du CEPSUM samedi, ce ne sera plus Calvillo, le quart-arrière et Flory, le joueur de ligne offensive. Non, ce sera Calvillo, le coordonnateur offensif et entraîneur des quarts-arrière des Carabins de l’Université de Montréal et Flory, l’entraîneur-chef des Huskies de l’Université de la Saskatchewan.
«Quand on jouait, Scott évoluait sur la ligne offensive et il nous proposait souvent des jeux que l’attaque devrait tenter, raconte Calvillo en riant. Je pense que nous n’en avons jamais essayé, mais il a toujours eu cet instinct.»
«J’ai su tôt que je voudrais devenir entraîneur, se remémore pour sa part Flory. Je me souviens que lorsque je leur proposais des jeux, ils me disaient "oui, oui, oui", puis après, ils les jetaient aux poubelles. Pourtant, je pense que certaines de ces propositions étaient des bijoux!»
Un retour naturel
Aujourd’hui, les propositions de Flory ne tombent plus dans l’oreille d’un sourd.
Au cours des deux dernières saisons avec les Huskies, son alma mater, l’ex-Alouette a été nommé entraîneur par excellence dans la conférence ouest de U Sports.
Dès son départ à la retraite, Flory a joint l’Université de la Saskatchewan, avec qui il a gagné deux coupes Vanier en 1996 et 1998. Un retour naturel pour lui qui a grandi à Regina.
Flory a d’abord été coordonnateur offensif, pendant trois saisons. Depuis 2018, c’est lui qui tient les rênes de l’équipe.
«Au départ, durant les saisons mortes de la Ligue canadienne de football (LCF), j’étais ingénieur, rappelle-t-il. Mais j’ai vite su que je préférais de loin le football. Quand ma carrière a été terminée, j’ai déménagé toute ma famille à Saskatoon, et je me suis joint aux Huskies.»
Des défaites qui rapportent
Avec les Alouettes, Calvillo et Flory ont gagné trois coupes Grey. Mais ils ont aussi vécu quatre revers crève-cœur en grande finale.
Tant ces grandes victoires que ces douloureux revers leur servent aujourd’hui dans leur rôle d’entraîneur, assurent-ils tous les deux.
«Quand on s’approche de ces matchs de championnats, que nous avons connus souvent en tant que joueurs, on se demande: "Qu’est-ce qui nous a permis d’avoir du succès? Qu’est-ce qui faisait la différence?"» pointe Calvillo.
«Nous n’avons pas gagné tous les matchs de la Coupe Grey auxquels nous avons pris part avec les Alouettes, mais c’est correct, ajoute pour sa part Flory. Juste d’y avoir participé, d’avoir connu la pression, l’attention, c’est une expérience précieuse quand on devient entraîneur.»
Et de la pression, Flory s’attend à en ressentir samedi face aux Carabins. Une équipe qui, selon ses dires, «est excellente dans toutes les facettes du jeu».
«Ils sont bien dirigés, ils sont rapides, athlétiques, ils courent bien, louange l’entraîneur des Huskies. Ce sera un excellent match de football et mes joueurs sont vraiment fébriles d’obtenir cette chance de jouer là-bas.» Les Huskies constituent aussi un défi pour les Carabins, estime Calvillo. Ce sera dur pour les Bleus d’affronter une équipe contre laquelle ils n’ont pas joué de la saison, surtout deux semaines après un match émotif face à leurs grands rivaux du Rouge et Or de l’Université Laval.
«C’est beaucoup de travail. Les équipes dans notre conférence, on les connaît. Mais pour les autres, il faut les étudier, regarder beaucoup de vidéos. Et ce sera la même chose pour eux, j’en suis certain», dit Calvillo.
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Apprentissage : quelques mots de français avec Jonathan Sénécal
Dès son arrivée avec les Carabins, il y a trois ans, Anthony Calvillo avait fait de l’apprentissage du français l’un de ses objectifs.
Et quand on lui parle de sa nouvelle langue, l’ancienne gloire des Alouettes témoigne rapidement des progrès qu’il a faits. «Maintenant, je le parle un petit peu, et je tente d’avoir des conversations avec mes joueurs», lance Calvillo dans un français saccadé, mais quasi impeccable.
Parmi ces joueurs à qui il parle «un petit peu français», il y a bien sûr le quart Jonathan Sénécal, avec qui Calvillo travaille de près.
L’ex-pivot des Moineaux ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la recrue. Des éloges spontanés, dans sa langue maternelle. «Je peux vous dire une chose: ce jeune homme est extrêmement talentueux, affirme Calvillo. Et il est vraiment humble. Il va sur le terrain, il fait son travail, et il recommence la semaine suivante. C’est ce que j’aime chez un joueur.»
Et Calvillo voit-il des similitudes entre le jeune quart et lui au même âge?
«C’est dur de nous comparer. Moi, quand je jouais, je n’ai pas gagné de championnats tôt dans ma carrière, raconte-t-il. J’avais de bonnes statistiques, mais je ne jouais pas pour des équipes championnes. Jo, lui, montre de bons chiffres et en plus, il a gagné partout où il est passé.»
Des réunions en français
Pour en revenir au français de Calvillo, ce dernier assure vouloir progresser encore davantage une fois la saison des Carabins terminée.
Depuis deux ans, l’Université de Montréal lui fournit un tuteur qui, durant la saison morte, travaille avec lui de deux à trois fois par semaine.
«Normalement, je commence chaque réunion avec les joueurs en français, explique-t-il dans la langue de Molière. Mais je deviens rapidement frustré. Je veux dire beaucoup de mots, mais que mon cerveau ne les traduit pas assez vite!»
«Mon but, pour l’année prochaine, est d’avoir davantage de conversations en français avec les joueurs, avec les médias», poursuit Calvillo, qui ponctue la discussion avec «Le Journal de Québec» de quelques mots d’anglais au besoin.
Maintenant citoyen canadien
Depuis vendredi dernier, Calvillo, né à Los Angeles, est officiellement citoyen canadien.
«J’ai finalement été capable de compléter la paperasse, les examens, raconte-t-il. Maintenant que je suis retraité du football, je devais devenir citoyen canadien, car j’étais ici grâce à un permis de travail. Mais c’est fait. Je suis officiellement Canadien!»