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Culture

Dany Turcotte raconte comment Janette Bertrand est devenue sa mentore pour son documentaire

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Marjolaine Simard

2023-04-04T15:19:00Z
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Nous avons rencontré Dany Turcotte à la veille de son 58e anniversaire. Une année de plus qui lui rappelle qu’on vieillira tous et qui fait écho au thème de son documentaire Le dernier placard – Vieillir gai, qui traite d’un sujet qui le préoccupait depuis un moment et qu’il avait envie de mettre en lumière. Un portrait touchant sur les écueils que rencontre la communauté LGBT vieillissante, mais aussi un clin d’œil à ceux qui se sont battus pour leurs droits.

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Dany, d’où est né ce désir de tourner un documentaire sur les personnes âgées LGBT?
J’avais entendu parler de la réalité des personnes aînées LGBT qui entraient en résidence et qui se voyaient dans l’obligation de retourner dans le placard de peur de déplaire à leur nouveau milieu. Je trouvais le sujet intéressant. C’est mon ami Martin Traversy, qui est recherchiste à Tout le monde en parle, qui m’a dit: «Pourquoi tu n’en ferais pas un documentaire?» Je me cherchais un projet qui m’intéressait après TLMEP. J’en ai parlé à l’émission Y’a du monde à messe, et le sujet a attiré l’intérêt de Marie-France Bazzo. De fil en aiguille, je me suis retrouvé avec une belle grande équipe!     

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Vous vous intéressez donc à la génération qui vous a précédé.
C’est grâce à ces gens qu’on peut avoir une belle vie en tant qu’homosexuels et s’afficher publiquement. Si j’ai pu être invité à l’émission En direct de l’univers et me faire chanter une chanson d’amour par mon chum, c’est parce qu’il y a des gens qui nous ont ouvert la voie. C’est un hommage que je veux leur rendre. Ces aînés, je les appelle «les guerriers»!     

Votre documentaire est d’ailleurs dédié à l’un de ces guerriers...
Je l’ai dédié à la mémoire de mon bon ami, le grand militant LGBT Laurent McCutcheon. Dès le lendemain de ma sortie du placard, il m’a appelé pour que je m’implique à Gai Écoute. C’était important pour moi de l’interviewer. Malheureusement, avec la pandémie, le tournage a pris du retard. Trois jours avant l’entrevue, il m’a dit qu’il ne pouvait plus me l’accorder, car il allait mourir l’après-midi même. Il avait un cancer du poumon et avait demandé l’aide médicale à mourir. Je lui ai parlé une heure avant son décès. C’est à sa mémoire aussi que j’ai fait ce projet!

Pour le bien du projet, vous avez rencontré des personnes vieillissantes qui font face à différents défis.
J’ai rencontré des gens extraordinaires qui ont énormément souffert. Ils ont connu l’époque où être gai était vu comme une maladie mentale et où c’était totalement caché. Combien de vies ont été brisées? Certains se sont mariés et ont eu des enfants pour se fondre dans la masse, et d’autres ont fini par être rejetés par leurs propres enfants ou par leur famille.      

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Et vous avez visité une résidence pour personnes âgées assez spéciale. Parlez-nous-en.
Ça s’appelle Habitat Fullum, où 50 % des résidents sont homosexuels. Ils sont heureux d’être là! Ils y ont un peu recréé le Village gai et ils ont ben du fun! L’autre moitié est constituée de résidents hétéros qui doivent passer un questionnaire et prouver qu’ils sont ouverts d’esprit pour y vivre.     

Quels résidents vous ont particulièrement interpellé?
J’ai été touché par l’histoire de Jean-Guy, qui a longtemps caché son homosexualité à son entourage. Il empruntait des vêtements féminins à sa voisine, qu’il laissait traîner dans sa maison pour faire croire qu’il avait une blonde. Lorsqu’il a découvert Habitat Fullum, non seulement il est sorti du placard, mais il le crie aujourd’hui à toute la province, dans le documentaire!     

Parlez-nous d’une autre rencontre qui vous a remué.
Il y a Carole! C’est une septuagénaire qui, jusqu’à 69 ans, était un homme. Dans son autre vie, Carole était un policier dans un univers très masculin. Lorsqu’elle se trouvait seule, elle s’habillait en femme pour se prendre en photo, ce qui lui faisait vivre de la culpabilité, car elle mentait à sa femme et ses enfants. Depuis sa sortie du placard, non seulement sa femme est restée avec elle, mais elles sont devenues de grandes amies. Ce qui inquiète Carole, c’est le vieillissement. Elle se demande comment ça va se passer dans les services de santé, comment elle sera reçue par les médecins et par les autres. Elle ne veut pas retourner dans le placard.     

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Photo : Bruno Petrozza
Photo : Bruno Petrozza

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Les institutions manqueraient-elles donc d’ouverture envers la communauté LGBT vieillissante?
Lors du tournage, on a rencontré de nombreuses personnes âgées qui sont très ouvertes d’esprit. Ce ne sont pas elles, le problème: ce sont les institutions. La Fondation Émergence, qui lutte contre l’homophobie et la transphobie à travers des actions, a envoyé des offres pour donner une formation de sensibilisation au personnel. L’organisme n’a reçu aucun retour positif de la part des 1500 résidences. On a répondu à la Fondation qu’il n’y avait pas de gens issus de la communauté LGBT dans leur résidence, alors qu’en principe 10 % de la population est homosexuelle. Ils vivent cachés. C’est triste!      

Vous avez également fait la connaissance de lesbiennes qui se réunissent dans la région de Joliette.
Je connais moins la réalité des femmes lesbiennes, puisque c’en est une complètement différente de celle des hommes gais. Je les ai rejointes pour un brunch. Elles m’avaient demandé d’apporter une pâtisserie; j’ai blagué en leur disant: «J’ai apporté des doigts de dame!». Ça a brisé la glace dans un grand rire! J’ai trouvé magnifiques leur esprit choral et leur solidarité féminine. Certaines ont beaucoup été éprouvées, car on leur a enlevé la garde de leurs enfants à cause de leur orientation sexuelle.

Dans ce documentaire d’une heure, vous revisitez aussi l’histoire des combats menés par la communauté gaie...
On refait un peu l’histoire des luttes LGBT. Je crois même que plusieurs jeunes ne sont pas au courant de tout cela. J’aimerais beaucoup qu’ils regardent le documentaire pour comprendre d’où on vient et combien certains ont souffert pour paver la voie.

Vous avez trouvé une alliée en Janette Bertrand!
Je cherchais un mentor pour m’épauler. Finalement, c’est Janette Bertrand, qui est hétéro, qui joue ce rôle, car j’ai contacté plusieurs artistes ouvertement homosexuels, qui ont décliné mon invitation, ce qui donne un bon reflet de la crainte qu’a cette génération de parler. Dans les années 1980, Janette rencontrait des personnes trans et des gens qui avaient le SIDA à Parler pour parler. Elle a ouvert l’esprit de bien des Québécois, dont ma mère.

MARTIN ALARIE / JOURNAL DE MONT
MARTIN ALARIE / JOURNAL DE MONT

Vous avez donc bénéficié d’une époque plus ouverte.
Je viens d’une famille très ouverte d’esprit, alors ç’a bien été. J’ai fait ma sortie de placard auprès de mes proches à 17 ans, dans un party de Noël, avec un petit verre dans le nez. C’est grâce à la génération précédente que j’ai pu vivre mon homosexualité plus librement, et je l’en remercie.      

Voyez Le dernier placard – Vieillir gai, le jeudi 6 avril, à 21 h, à Radio-Canada, puis dès le 7 avril sur Tou.tv Extra.

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