Dany Turcotte nous parle de son prochain roman
Sabin Desmeules
Une thérapie: c’est ce qu’a été pour Dany Turcotte l’écriture de sa biographie. Il s’y ouvre notamment sur son père, alcoolique et bipolaire, et aussi sur la mort, qu’il a côtoyée pour la toute première fois alors qu’il n’était qu’un enfant...
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À l'aube de ses 60 ans, il ne s’était jamais livré par écrit. Il vient de publier son autobiographie, D. Turcotte & fils. Lui qui est habituellement plutôt pudique, il met cette fois-ci son âme à nue. «J’avais le goût d’écrire depuis longtemps. Je savais que j’avais un certain talent, parce que j’ai toujours écrit, que ce soit des numéros de spectacles ou des cartes à Tout le monde en parle, où je tricotais des phrases pour trouver les meilleures tournures, note-t-il. Là, je me cherchais un sujet d’écriture pour un roman. Et après avoir lu la biographie de Stéphane Rousseau, ça m’a donné la bougie d’allumage pour écrire la mienne. On a à peu près le même âge, et je me suis dit: “Si Stéphane le fait, pourquoi pas moi?! Je pense que moi aussi, j’aurais des choses intéressantes à raconter.” J’ai commencé tranquillement, comme un exercice, et je me suis laissé prendre au jeu. J’ai eu du plaisir à le faire.»
Et il admet avoir trouvé dans l’écriture un aspect thérapeutique. «J’ai vécu des traumatismes dans ma vie, et en les racontant, c’est sûr que j’ai rouvert un peu les plaies. Mais en même temps, ça m’aide à guérir et à passer à travers. Et je pense que chaque vie mérite d’être racontée.»
Une époque d'insouciance
À travers ses écrits, l’homme de 59 ans nous offre une incursion dans différentes époques de sa vie. Et force est de constater que les choses ont beaucoup changé. «J’ai connu une époque d’insouciance totale à peu près à tous les niveaux, de la manière d’élever les enfants à la façon de conduire une auto, en passant par les habitudes de consommation. À l’époque, la fumée de cigarette était présente vraiment partout et ça sentait la robine! À un moment donné, je me suis brûlé le visage avec de l’huile à fondue, et tout le monde a continué à souper.»
Dernier d’une fratrie de cinq, il a grandi à Jonquière, au Saguenay, auprès d’une mère au foyer et d’un papa qui avait hérité de la compagnie d’excavation de son père, Dieudonné, D. Turcotte & fils. Dany n’a pas eu le temps de se demander s’il deviendrait un jour l’un des fils du nom; l’entreprise a fait faillite. «On a perdu la compagnie avant. Je devais avoir 13 ou 14 ans, donc, on n’était pas encore rendus à la succession de Dieudonné, Luc et peut-être Dany... Mais curieusement, j’ai aujourd’hui une compagnie (d’investissements) qui s’appelle D. Turcotte inc. Chaque fois que je signe un chèque, je pense à ma famille, à mon père...»
«Mon père était “spécial”»
Le papa de Dany, Luc, était alcoolique. «Je me souviens que les policiers venaient le reconduire. Il était en état d’ébriété au volant, et les policiers le suivaient, ils l’escortaient jusqu’à la maison.» Mais son véritable mal — il l’a su plus tard — était la bipolarité. «Autant cette maladie l’a propulsé vers des sommets — il est parti de presque rien avec la très petite compagnie dont il avait hérité, et il l’a fait monter... Mais c’est aussi sa maladie qui a causé sa perte, malheureusement. C’est une maladie qui était méconnue à l’époque. On ne savait pas ce que c’était. On avait juste remarqué que mon père était “spécial”, explique l’auteur. À partir du moment où il a été diagnostiqué, il a passé ses 25 dernières années de vie dans une normalité totale au niveau de la santé mentale, puisqu’il prenait sa médication.»
Un coming out qui a bien passé
Il était jeune adulte lorsqu’il a fait son coming out dans sa famille, à Noël, en 1983. Il sortait alors avec Émile Gaudreault, l’un des membres du Groupe sanguin. «J’avais la chance d’être dans une famille ouverte d’esprit. Ça a bien passé. Ma mère et mon père ne m’ont jamais fait de reproches. Je suis chanceux d’être né dans cette famille-là, très ouverte!»
Ces êtres chers qu'il a perdus
Le communicateur a beaucoup côtoyé la mort au cours de sa vie. La toute première fois, c’est lorsqu’enfant, il a vu des ambulanciers charger sur une civière le corps inerte de quelqu’un qu’il aimait beaucoup. «Mon premier contact avec la mort, ç’a été mon grand-père Laurent, que j’aimais profondément. À 66 ans, il a fait une crise cardiaque. Je pense qu’il est mort un peu à cause de ce qu’il avait respiré dans l’usine où il travaillait. Il y a beaucoup de gens, à cette époque-là, qui décédaient en prenant leur retraite, en sortant de l’usine. À l’époque, on respirait des vapeurs nocives, et personne ne s’en préoccupait vraiment; il n’y avait pas de protection.»
À l’époque où le duo Lévesque et Turcotte était à l’apogée de sa popularité, l’amoureux de Dany, André, avec qui il formait alors un couple depuis 16 ans et demi, devenait quadriplégique à la suite d’un accident. Durant cette période où il faisait des allers-retours au chevet de celui qu’il aimait, Dany était en pleine tournée. The show must go on, comme on dit! «Je ressentais une profonde douleur. Et il y avait une grande absurdité d’aller affronter un public dans un état mental aussi difficile; d’aller faire rire les gens alors qu’en coulisses, je me mettais du Collyre dans les yeux pour qu’ils ne soient pas rouges quand je faisais mes numéros!»
Il ne s’était jamais ouvert publiquement sur ce drame dans sa vie. Il s’est séparé difficilement d’André quelque temps après son terrible accident. «Ça m’a fait du bien de le raconter. Et ça me permet de rendre hommage à ce gars-là, qui a été extrêmement important dans ma vie, et de rendre hommage à sa façon d’être et à son art de vivre. C’était un virtuose de l’art de vivre! C’est quelqu’un qui savait comment avoir du plaisir. Et il a réussi à en avoir même dans cette situation-là, où il était confiné à un fauteuil roulant. C’est la personne que j’ai connue qui avait le plus le goût de vivre!»
André a rendu l’âme trois jours après Dominique Lévesque. «C’est beaucoup de morts en même temps!», confie Dany, qui a rendu hommage, dans son livre, à son comparse, dont il a appris le décès soudain le 20 décembre 2016. «C’était un être spectaculaire! C’est peut-être ça qui l’a emporté: il était usé par l’excès, à tous les niveaux. Il faisait du vélo, il roulait à 120 km; s’il achetait des tomates, c’était 300 lb... C’était toujours trop, mais il était beau à voir et il était original! On ne s’ennuyait jamais avec Dominique! Je rêve à lui encore régulièrement.»
Un roman à venir
Aujourd’hui, après 20 ans de scène et 20 ans de télé, Dany Turcotte se tourne vers l’écriture, un métier plus solitaire. «Je n’ai pas peur de la solitude. J’ai peur de la maladie, j’ai peur de la souffrance, mais de la solitude, pas tant que ça. C’est même quelque chose que j’ai apprivoisé et que j’apprécie.» Il a écrit un roman, qui va paraître au cours de la prochaine année. «Le titre est Le silence des homos. Le ton est à la comédie dramatique. Ça raconte le cheminement d’un homosexuel de 30 ans avec son père, avec qui il entretient une relation difficile.»
L’autobiographie de Dany Turcotte, D. Turcotte & fils, est disponible en librairie et en magasin, ainsi que sur les sites d’achats de livres en ligne.
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