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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Dans une ville endeuillée, des Moscovites partagés sur les accusations visant l'Ukraine

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Agence France-Presse

2024-03-24T15:00:01Z
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Meurtris par la sanglante attaque du Crocus City Hall, des Russes insistent sur leur union dans la douleur. Cependant, les opinions sont partagées quant à la version des faits du Kremlin semblant vouloir accuser l’Ukraine.

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L’attentat commis par un commando armé vendredi soir et qui a fait au moins 137 morts a été revendiqué par les jihadistes de l’État islamique (EI). Mais le Kremlin n’a pourtant jamais évoqué leur responsabilité, insistant sur le fait que les quatre assaillants présumés, qui ont été arrêtés, auraient tenté de fuir en Ukraine, pointant du doigt le pays qu’il a attaqué en 2022 et combat depuis deux ans.

Beaucoup refusent de s’exprimer sur un sujet aussi sensible. Mais Vomik Aliev, étudiant en médecine de 22 ans qui dit que ses parents sont musulmans, accepte.

Il estime que Kyïv a déjà commis des attentats, référence à des assassinats ciblés à la bombe pour lesquels l’Ukraine fait figure de principal suspect. Mais il note aussi que le modus operandi de l’attaque de vendredi lui paraît être le fait de combattants islamistes.

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  • Écoutez l'entrevue avec Pierre St-Cyr, colonel à la retraite et ancien attaché de la Défense canadienne en Russie et en Ukraine au micro d’Alexandre Dubé via QUB :

«Je pense que derrière cet acte terroriste, il y a les islamistes extrémistes de l’EI. L’Ukraine commet aussi des actes terroristes, mais là ça rassemble plus à ce que font les islamistes», a relevé le jeune homme, qui dit être un habitué du Crocus City Hall.

«Je ne crois pas à la version de la participation de l’Ukraine même après ce que le président [Poutine] a dit», a-t-il insisté.

Malgré ce désaccord, il juge que la tragédie a été un facteur d’unité.

«De tels événements unifient [le peuple] afin qu’on puisse ensemble surmonter les obstacles», ajoute Vomik. «Je ne suis pas surpris [du soutien des Occidentaux qui ont dénoncé l’attaque], personne n’aime les terroristes.»

Rouslana Baranovskaïa, juriste de 35 ans, est très émue. Des yeux pleins de larmes, elle raconte avoir été «souvent» au Crocus City Hall et se dit en «état de choc».

«Pourquoi?»

Elle s’interroge sur le fait que les autorités russes, qui ont toujours vanté la puissance de leur appareil sécuritaire, n’aient pas pu empêcher cette tragédie.

D’autant que des pays occidentaux avaient mis en garde Moscou et leurs ressortissants en Russie d’une attaque en préparation.

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«Les États-Unis et le Royaume-Uni avaient prévenu leurs ressortissants, alors voilà la question: pourquoi nos services spéciaux ne savaient-ils rien?» s’agace-t-elle.

Mardi, trois jours avant l’attentat, Vladimir Poutine, qui considère Washington comme un ennemi existentiel, avait dénoncé les mises en garde «provocatrices» des États-Unis, comprises comme «une volonté d’intimider et de déstabiliser notre société».

Et dimanche, Washington a répété que «l’État islamique porte l’entière responsabilité de cet attentat» et dit ne voir «aucune implication ukrainienne». «Début mars, le gouvernement américain a partagé avec la Russie des informations sur un projet d’attentat terroriste à Moscou», a indiqué une porte-parole de la Maison-Blanche.

«Je ne me sens pas en sécurité. Que quelqu’un puisse surgir et me tuer, ça fait peur», confie pour sa part Mme Baranovskaïa.

Pour d’autres cependant, l’implication de Kyïv est probable. Les autorités russes ne cessent de présenter l’Ukraine comme étant dirigée par des «nazis» ou comme menant des «attaques terroristes», afin de justifier l’assaut lancé le 24 février 2024 par le Kremlin.

Valéry Tchernov, 52 ans, relève qu’avec l’attaque du Crocus City Hall tout le monde va «comprendre que le front n’est pas seulement dans une partie de la Russie, mais dans tout le pays».

«Certains n’ont pas compris qu’il y a une guerre et que dans ce cas tous les moyens sont bons», affirme ce commerçant.

«Qui est derrière [les assaillants]? Les ennemis de la Russie et de Poutine pour déstabiliser le pouvoir.»

«Concrètement, c’est possible [que ce soit] l’Ukraine et les Occidentaux. Je n’exclus rien. C’est possible qu’ils aient utilisé l’EI pour détourner l’attention de l’opinion publique», a-t-il suggéré.

M. Tchernov espère donc désormais que «la société a compris que la guerre est dans tous les recoins du pays».

Le Kremlin a reconnu cette semaine que le pays était en «guerre» en Ukraine alors qu’il avait banni l’emploi du mot, lui préférant le terme «d’opération militaire spéciale». 

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