DANS LA MIRE DU CH? | «Il me fait vraiment penser à Nathan MacKinnon»
Anthony Martineau
MOOSE JAW | Jeudi après-midi, 13h.
L’entrevue avec Brayden Yager, l’un des bons espoirs admissibles au repêchage de 2023, bat son plein depuis déjà sept ou huit minutes. La discussion coule bien. L’échange se tient à même les gradins du Mosaic Place, un amphithéâtre comptant 4500 sièges.
Voyez l'entretien complet du jeune homme avec TVA Sports en vidéo principale.
Soudain, en pleine réponse du jeune homme, un assourdissant son se fait entendre. Croyant à une interférence temporaire, Yager continue de parler et se dit que le bruit finira par s’estomper. Mais non.
Que se passe-t-il donc?
Le chauffeur de la zamboni de l’aréna, ne faisant en fait que... son boulot, vient d’entamer sa route sur la surface glacée. Mais il ne s'agit clairement pas d'un bolide dernier cri et à l’intérieur d’un bâtiment vide, les ratées mécaniques d’un engin du genre résonnent à la puissance 1000. Évidemment, tout ça ne pardonne pas dans le cadre d’une entrevue télé.
Un peu découragés, l’auteur de ces lignes et son caméraman font finalement signe à Yager de s’arrêter. Voyant nos moues un peu déconfites, il éclate de rire.
«Hey, les gars. On va attendre le temps qu’il faut. J’ai toute ma journée. On reprend quand le chauffeur a fini sa run. Aucun stress!»
Il aura finalement fallu attendre 15 minutes avant de reprendre. 15 minutes où, plutôt que de s’éloigner ou de démontrer de l’impatience, le patineur nous a bombardé de questions sur Montréal, sur l’organisation des Canadiens et sur la façon dont notre vol vers la Saskatchewan s’était déroulé. Il a aussi pris le temps de nous parler de sa famille.
En l’espace d’un seul événement, Brayden Yager venait de démontrer quel type de garçon il était. Simple, disponible, compréhensif, mature, bon vivant. Du haut de ses 18 ans, il venait de nous apprendre qu’en plus d’être un joueur de hockey spécial, il était un être humain de grande qualité.
Sous le radar... malgré un indéniable talent
Comme c’est le cas pour plusieurs autres intéressants joueurs de la classe 2023, le profil de Yager, aussi vendeur soit-il, passe carrément sous le radar en raison de l’imposante présence des Connor Bedard, Adam Fantilli et Matvei Michkov, qui, disons les choses telles qu’elles le sont, monopolisent énormément d’attention en marge de l’encan à venir.
«Connor Bedard est exceptionnel. Juste le regarder jouer est en soi un spectacle. Il est vraiment unique. Il est un aimant à projecteurs et c’est tout à fait normal», lance notre interlocuteur.
La lucidité de Yager est digne de mention, surtout qu’habituellement, un joueur de sa trempe attirerait beaucoup plus les regards.
L’an dernier, à l’âge de seulement 16 ans, le joueur de centre a pris le deuxième rang des buteurs de son club avec 34 buts en 63 matchs. Cette impressionnante récolte lui a permis de battre une marque d’équipe vieille de 37 ans pour le plus grand nombre de filets inscrits par un patineur de 16 ans.
L’ancien détenteur? L’illustre Theo Fleury (1088 points dans la LNH), qui avait marqué 29 fois en 70 matchs, au même âge.
Éclipser un record de Theo Fleury... Pas mal quand même!
L’aspect «cool» de cette histoire (au-delà du record), c’est que Yager et Fleury ont pu se rencontrer, il y a quelques mois. Et le jeune homme n’a rien oublié de ce moment.
Nice to meet Brayden Yager @MJWARRIORS golf tourney. This young man broke my record this year for most goals by a 16 year old. 39 years ago!!! pic.twitter.com/o5TdIxEY5l
— Theo Fleury (@TheoFleury14) July 8, 2022
«C’était complètement fou! Il est venu au tournoi de golf de l’équipe quelques mois plus tard et nous avons eu la chance de discuter pendant un long moment. Il m’a donné de bons conseils. Il m’a notamment rappelé de profiter de mon passage dans la WHL et d’apprécier chaque moment avec les Warriors. Theo a rajouté : "tu n’as qu’une carrière junior et cela constitue les plus belles années de ta vie".»
Merci (et meilleurs voeux de rétablissement) à la porte du garage familial
Donc Yager sait marquer des buts. Beaucoup de buts. Et cette capacité qu’il a à enfiler l’aiguille est liée à tout, sauf au hasard.
«Plus jeune, mes parents avaient installé un genre d’emplacement spécial dans le garage où je pouvais manier la rondelle et décocher des lancers. Inutile de dire que j’y passais tout mon temps! Cette routine m’a appris à trouver des façons de lancer la rondelle où je me sentais confortable.
«Au fil des années, j’ai toujours continué à mettre de l’énergie sur l’amélioration de mon tir et sur ma constance autour des filets ennemis. Je n’ai jamais abimé la voiture familiale, mais la porte du garage en a pris pour son rhume!»
Et aujourd'hui, Yager a sans contredit l'un des meilleurs lancers de la cuvée d'espoirs 2023.
Certaines recherches nous ont permis d’apprendre que le père du jeune homme était un ancien gardien de but. A-t-il déjà songé à imiter son géniteur?
«Il n’a jamais voulu me laisser essayer, répond Yager en souriant. Il m’a toujours dit qu’il n’y avait aucune chance que je devienne gardien. Je soupçonne qu’il n’ait juste jamais voulu avoir à gérer le stress d’avoir un enfant qui défend un filet!»
Si cette théorie est vraie, tout ça est plutôt loufoque. Car s’il n’a finalement pas eu à composer avec ce qu’implique un fils gardien de but, le père de Yager doit aujourd’hui vivre avec tous les éléments liés à une réalité selon laquelle son garçon pourrait bientôt devenir une vedette de la LNH.
Sur les traces de MacKinnon?
«Je pense que Brayden pourrait connaître une ascension et un parcours similaires à ceux de Nathan MacKinnon. Nathan n’a pas été une superstar dès ses débuts dans la LNH. Mais regardez-le aujourd’hui! Et la hargne de Brayden, son sens du jeu et l’incroyable qualité de son lancer me font vraiment penser à MacKinnon sur plusieurs plans...»
Mark O'Leary, entraîneur-chef des Warriors de Moose Jaw (WHL), dirige Brayden Yager depuis déjà trois ans.
Il est le premier à reconnaître ne pas aimer les comparatifs liant les jeunes espoirs aux vedettes de la LNH. «Mais il y a trop de similitudes entre Brayden et MacKinnon pour ne pas en parler», ajoute-t-il, sourire en coin.
Les propos d’O’Leary en feront peut-être sourciller quelques-uns. Mais honnêtement et en toute objectivité, sa prise de position se défend à certains égards, notamment sur le plan stylistique.
Au-delà des points qu'il réussit à mettre au tableau, Nathan MacKinnon se distingue surtout via son approche du jeu axée sur la vitesse, la puissance. C'est exactement le cas de Yager.
En fait, sur la glace, celui qui arbore lui aussi le no 29 (!) est une copie presque parfaite du pilier de l’Avalanche du Colorado.
Yager excelle en transport de rondelle et ses changements de direction prononcés (très belle amélioration au fil des années dans ce département) pourrissent très souvent la vie de ses couvreurs. Il est également doté d’une force d’accélération impressionnante. Ces éléments sont d’ailleurs ceux qui lui permettent, plus souvent qu’autrement, de se créer des chances de marquer.
«MacKinnon est vraiment explosif et peut te faire mal avec un rapide lancer des poignets. Je trouve nos styles de jeu très similaires», affirme l’attaquant, sans même qu’on lui ait parlé des propos de son entraîneur.
Maintenant, la marche est (très) haute entre ressembler à MacKinnon et réussir à répéter/surpasser ce qu'il a fait dans la LNH jusqu'ici.
Mais qui n'essaie rien n'a rien...
Une réplique à ses détracteurs
Chez les recruteurs de la LNH, Brayden Yager a des admirateurs. Il a aussi des détracteurs. Ceux qui l’apprécient moins lui reprochent deux choses: un manque de vision du jeu et un pauvre rendement sans la rondelle.
Nous avons abordé les deux aspects avec Yager et son instructeur. D’abord, la vision du jeu.
«Cette année, je suis vraiment débarqué au camp avec l’objectif d’améliorer mes aptitudes de fabriquant de jeu, insiste Yager. Honnêtement, je pense avoir fait un super boulot à cet égard, jusqu’ici. J’ai d’une part presque doublé mon nombre de mentions d’aides, mais au-delà des chiffres, je suis plus confortable au niveau de ma prise de décisions en zone offensive. Je lève davantage ma tête et me sert plus souvent de mes partenaires, notamment ceux postés à la ligne bleue.»
O’Leary abonde dans le même sens.
«Il a clairement démontré cette année qu’il pouvait aussi créer des jeux! Je pense que la façon dont il a su adapter son approche au fil des saisons est une grande marque d’intelligence. Tout le monde sait qu’il a un lancer élite, donc il est étroitement surveillé lors de chaque partie. Il devait trouver une solution pour continuer de générer de l’attaque et il l’a fait. Il est selon moi beaucoup plus complet que ce qu’on peut lire sur lui.»
L’avis du journaliste? Yager a effectivement apporté de beaux correctifs quant à son approche globale, en possession de la rondelle. Ses chiffres de la saison vont en ce sens : avec 50 mentions d’aide, il a surpassé de 25 (!) son total de l’an dernier. Il a également pris le premier rang des passeurs de son club (sur le plan statistique, du moins) chez les attaquants.
Deuxième point : son jeu sans la rondelle.
Laissons d’abord l’entraîneur de Yager se prononcer.
«Comme tous les jeunes joueurs talentueux, je dirais qu’il doit simplement s’assurer de demeurer alerte et conscient de son environnement en territoire défensif. Je sais cependant qu’il travaille très fort à cet égard. Tous les joueurs comme Brayden veulent marquer des buts, donc il faut simplement que je l’accompagne là-dedans. Il veut vraiment bien faire, donc c’est très facile pour moi de lui offrir mon aide et mes conseils.»
Et qu’en pense le principal intéressé?
«Je regarde beaucoup Jonathan Toews et Patrice Bergeron. Leur jeu sur 200 pieds est extrêmement solide et j’essaie d’emmagasiner tout ce que je peux à leur sujet.»
L’avis du journaliste, encore une fois? Yager a clairement des choses à travailler lorsqu’il n’a pas la rondelle. Son positionnement est notamment très axé sur l’attaque et est très, voire trop agressif. Sa lecture du jeu en territoire défensif en souffre par le fait même et pourrait aussi être meilleure.
Mais très honnêtement, il n’y a pas un seul prétendant au top 15 du prochain repêchage qui n’a rien à améliorer défensivement. Pensez-y deux minutes : ces gars-là ont eu la rondelle sur leur palette toute leur vie!
Les choses ont cliqué avec le CH
Dans le cadre de cette série de reportage, tous les espoirs rencontrés ont été questionnés sur leur perception des Canadiens de Montréal. Du lot, Brayden Yager a assurément été l'un des plus inspirés, lorsqu’est venu le temps de répondre.
«Jouer à Montréal serait formidable! On parle de l’équipe la plus titrée de l’histoire de la LNH. Ils comptent sur une impressionnante quantité de jeunes joueurs prometteurs et cela serait génial de faire partie de ce groupe et d’en faire un jour une équipe gagnante.»
Le jeune homme s’est même mouillé quant au potentiel rôle qu’il jouerait au sein du club montréalais, advenant un scénario où celui-ci le repêcherait.
«Montréal a une équipe qui compte sur plusieurs joueurs agiles. Je pense que j’amènerais une bonne touche de puissance dans les trois zones et une capacité à finir les jeux.»
Yager mentionne d’ailleurs avoir été emballé par ses premiers contacts avec le CH, contacts ayant été plus poussés que le simple envoi de questions de base par courriel (comme Montréal l'a fait avec plusieurs autres espoirs de la cuvée de Yager, par exemple).
«J’ai parlé au recruteur WHL des Canadiens Ben Shutron par téléphone et ce fut un moment très agréable! Il m’a essentiellement résumé les aspects de mon jeu que l’équipe aimait.»
Un indice que le Tricolore apprécie le jeune homme? Sans aucun doute.
Yager devrait, selon toute logique, trouver preneur entre les positions 8 et 18. N'oublions pas que Montréal aura, via le choix des Panthers, un droit de parole dans ces eaux-là.
D’ici la fin de la saison, Brayden Yager souhaite évidemment mener son équipe vers les plus hauts sommets possibles. Mais qu’en est-il de ses plans pour l'an prochain? Pense-t-il à la LNH?
«Je veux avoir un bon été d’entraînement et mon objectif sera d’en ressortir plus gros et plus fort. Ultimement, ce sera la meilleure façon de rivaliser avec les meilleurs joueurs au monde.»
Et peut-être de devenir l’un d’eux également, Brayden. Nathan MacKinnon, ça te dit quelque chose?
Brayden Yager
Warriors de Moose Jaw (WHL)
Centre
6 pieds, 165 livres
Saison 2022-2023 (67 matchs): 28 buts, 50 aides - 78 points