Dans la bande de Gaza bombardée, une pause musicale au milieu de la guerre
Agence France Presse
Autour de Rouaa Hassouna et son oud, des enfants déplacés chantent et masquent le vacarme des drones et de la guerre dans la bande de Gaza. Une manière comme une autre de se divertir et apaiser les angoisses.
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Les enfants représentent la moitié des 1,9 million de personnes déplacées depuis le début de la guerre dans le territoire palestinien assiégé, selon l'ONU.
Ils ont été contraints d'abandonner leur quotidien et vivre sous les bombardements de l'armée israélienne depuis l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien qui a fait environ 1140 morts, d'après un décompte de l'AFP à partir des derniers chiffres officiels.
Cette guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien a considérablement affecté les enfants, souligne la musicienne Rouaa Hassouna.
Cette jeune femme de 23 ans propose avec d'autres des activités aux enfants dans des camps de fortune de la ville méridionale de Rafah (sud), où s'entassent dans des conditions précaires une grande partie des 2,4 millions d'habitants du territoire palestinien.
«On cherche par n'importe quel moyen de soustraire les enfants de la guerre», explique-t-elle. «Les faire chanter a pour but d'atténuer leur stress» et la détresse psychologique dans laquelle ils se retrouvent après plus de deux mois d'hostilités.
Lorsque Rouaa Hassouna entonne les premières notes de musique, les enfants autour d'elle «n'entendent plus le bourdonnement de la "zanana" (mot arabe pour désigner le drone) . Ils ignorent la "zanana" pour écouter le son émanant du oud et chanter avec le oud», le luth oriental.
Sur les visages des enfants aux traits marqués, quelques sourires jaillissent puis des sons timides et des battements de mains. Emporté par la musique et l'ambiance chaleureuse, un garçon se met même à danser parmi la foule.
«Vivre mon enfance»
L'interlude musical dure trois heures et chaque jour, Rouaa Hassouna se rend dans les camps de déplacés pour faire participer un nouveau groupe d'enfants aux activités.
Le porte-parole de l'Unicef a décrit mardi la bande de Gaza comme l'endroit «le plus dangereux au monde» pour un enfant.
Après y avoir passé deux semaines, James Elder a évoqué le sort des enfants hospitalisés après avoir été amputés et qui ont ensuite «été tués dans ces hôpitaux» par les bombardements et le siège de l'armée israélienne.
La guerre déclarée par Israël au Hamas à Gaza a fait plus de 19 667 morts, en majorité des femmes, des enfants et des adolescents, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du mouvement palestinien.
Une quinzaine de personnes se relaient dans le camp de déplacés de Rafah, ville frontalière de l'Égypte, pour proposer des spectacles de danse, d'acrobaties ou des lectures de contes.
«C'est un projet important, car de ce que nous avons observé, l'état psychologique des enfants est très mauvais», déplore Awni Farhat, à l'origine de l'initiative.
Cet espace «leur permet de se décharger des troubles psychologiques créés par cette guerre», explique le jeune homme qui vit aux Pays-Bas et est retourné dans la bande de Gaza à la faveur d'une trêve fin novembre.
Les enfants se réjouissent de retrouver les bénévoles et jouer tout simplement.
Nizar Chahine est las de cette guerre. Il a participé à l'atelier de musique pour «oublier ce que j'ai vu dans cette guerre. Je veux oublier les soucis et oublier les gens que j'ai perdus», confie le garçon âgé de 15 ans.
«Ces jeux nous font oublier qu'il y a un avion au-dessus de nous. Je veux vivre mon enfance comme nous l'avons vécue avant», raconte l'adolescent qui se sent «étouffé» dans son camp. «Nous ne savons pas où aller. Aujourd'hui, il n'y a ni eau ni nourriture, il n'y a rien.»