Publicité
L'article provient de 24 heures

De chef cuisinier à itinérant: pas facile de se sortir de la rue, surtout avec la crise du logement

Simon Chartrand
Simon Chartrand Photo Guillaume Cyr
Partager
Photo portrait de Guillaume Cyr

Guillaume Cyr

2021-05-18T16:30:00Z
Partager

Simon Chartrand a été chef cuisinier au restaurant du Capitole de Québec pendant plus de 10 ans. L’homme, qui souffrait d’une dépendance à l’héroïne, a perdu son fils il y a près de 20 ans et s’est retrouvé à la rue en l’espace de quelques mois. Il tente maintenant de s’en sortir et se cherche un endroit où se loger.

L’homme de 51 ans vivait au campement Hochelaga jusqu’à son démantèlement il y a quelques semaines. Il ne comprend d’ailleurs pas pourquoi lui et les autres campeurs ont été évacués, affirmant que le campement ne dérangeait personne.    

• À lire aussi: Expulsé du campement Hochelaga, Louis Rouillard n’a nulle part où aller

Celui qui dort présentement au refuge d’urgence situé au Centre Pierre-Charbonneau est à la recherche d’un appartement où emménager avec son ami William Trépanier. Les recherches, entamées avant même l’évacuation du campement, n’ont pas donné les résultats escomptés.   

L’homme, qui cherche un logement dans les quartiers de Rosemont—La Petite-Patrie, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et Ville-Marie, explique avoir reçu «une bonne quinzaine de refus» en à peine deux semaines et demie.

Peu de logements abordables      

Les logements abordables se font rares dans la métropole. Pas surprenant, donc, que Simon Chartrand — lequel, en plus, a un mauvais dossier de crédit — ait du mal à se trouver un logement qu’il peut se permettre avec des prestations d’aide sociale.  

Publicité

Le cuisinier de formation s’insurge d’ailleurs contre les condos qui prennent de plus en plus de place à Montréal, appelant la Ville à agir pour que soient créés plus de logements abordables.  

En raison d’un sous-financement du logement social par les gouvernements provincial et fédéral, aucun immeuble d’habitations à loyer modique (HLM) n’a vu le jour au Québec au cours des 25 dernières années, regrette la professeure à l’École de travail social à l’Université de Montréal Carolyne Grimard.

Courtoisie: Carolyne Grimard
Courtoisie: Carolyne Grimard

Début mai, Québec et Ottawa ont par ailleurs annoncé une enveloppe de 100 millions $ pour rénover 517 HLM à Montréal, dont plusieurs, en très mauvais état, sont actuellement barricadées.

Et les maisons de chambres?      

Les projets de maisons de chambres gérés par des organismes communautaires ont aussi souffert d’un manque de financement, soutient Carolyne Grimard. De tels établissements permettent pourtant à des sans-abri de se sortir de la rue. 

«Quand c’est dans un lieu où plusieurs personnes vivent la même situation de sortie de rue et de stabilisation en logement, eh bien, il y a souvent des soupers communautaires, souvent il y a un local communautaire et ces personnes se retrouvent entre elles, vivent moins de détresse et de souffrance», insiste celle qui se spécialise dans les questions liées à l'itinérance. 

• À lire aussi: Un pique-nique pour protester contre le démantèlement du campement Hochelaga

Simon Chartrand aimerait justement voir se réaliser plus de projets de maisons de chambres, comme celui de l’organisme L'Anonyme dans Hochelaga-Maisonneuve. L’immeuble, dont les travaux de rénovation devraient être terminés d’ici l’automne, offrira 14 chambres à loyer abordable.

Publicité

Pour Carolyne Grimard, il est primordial de privilégier les maisons de chambres communautaires plutôt que les maisons de chambres privées, «des lieux connus pour être hyper-insalubres» et qui, souvent, finissent par coûter cher aux occupants. Elle invite d’ailleurs les personnes vivant en situation d’itinérance, comme Simon, à s’inscrire sur une liste d’attente pour un appartement géré par un organisme communautaire.  

Une autre manière pour Simon Chartrand d’accéder au marché locatif serait de bénéficier du programme Supplément au loyer du gouvernement du Québec, qui aide les locataires à faible revenu. Ces derniers payent un loyer correspondant à 25% de leur revenu, semblable aux loyers dans un HLM, et le gouvernement assume la différence. De manière générale, les propriétaires préfèrent toutefois opter pour un locataire qui sera en mesure de payer pleinement son loyer, sans aide de l’État. 

Sa vie d’avant      

Malgré les refus des dernières semaines et la difficulté à trouver un logement, Simon Chartrand ne baisse pas les bras. Il a bien l’intention de sortir de la rue et de retrouver un peu de sa vie d’avant.  

Il se souvient de l’époque où il travaillait entre 60 et 70 h par semaine comme chef cuisinier, un métier exigeant qui lui permettait de gagner sa vie. «J’avais une vie un peu comme tout le monde, ce qu’on appelle une vie normale», raconte-t-il.  

Mais tout a basculé lors du décès de son fils. Venu lui rendre un dernier hommage à Montréal, il a rencontré, à l’hôtel où il dormait, une femme qui lui a fait essayer de l’héroïne pour la première fois. Il n’est jamais retourné à Québec depuis ce moment.  

«Je n’avais pas de temps pour autre chose que pour trouver 200 à 300 piasses d’héroïne par jour, se souvient-il. Vu que j’étais déjà sur la depress [en raison de la perte de son fils], je suis rentré là-dedans», a-t-il expliqué.  

Tout y est passé: l’argent qu’il avait mis de côté, son emploi, son logement. Il s’est vite retrouvé à la rue.  

Il y a un peu plus de 10 ans, le Montréalais, qui souhaitait reprendre sa vie en main, a suivi un traitement à la méthadone pour vaincre sa dépendance aux drogues. Puis, la rechute il y a trois ans. Après un diagnostic de cancer du côlon, il s’est fait administrer des opiacés pour atténuer la douleur. «Je suis retombé là-dedans», regrette-t-il.  

Depuis un an, il est en rémission et il tente de se défaire de sa dépendance aux opioïdes. «J’essaye de me sortir de ça, tranquillement pas vite», admet-il.  

Publicité
Publicité