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L'article provient de 24 heures

Crise du logement: et si on plafonnait les hausses de loyer, comme en Ontario

Photomontage Benoit Dussault
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

4 février à 13h48
5 février à 8h23
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Depuis 2018, l’Ontario plafonne les hausses de loyer à 2,5%, bon an, mal an. Alors que le Tribunal administratif du logement (TAL) suggère pour 2025 le taux d’ajustement de loyer le plus élevé en trois décennies, la question se pose: le Québec pourrait-il imiter la province voisine?

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Commençons par le début: comment sont déterminées les hausses de loyer au Québec?

Chaque année, le Tribunal administratif du logement (TAL) se base sur certaines des composantes de l'indice des prix à la consommation (IPC) – qui mesure l'inflation au Canada – pour calculer le pourcentage d'augmentation suggéré. Cette année, le taux proposé par le Tribunal est de 5,9%, un sommet en 30 ans. Il faut toutefois rappeler qu'il ne s’agit pas d’un plafond: un propriétaire peut augmenter le loyer autant qu’il veut.

En Ontario, c’est différent. Peu importe l’IPC, la hausse maximale des loyers est de 2,5%.

En pleine crise du logement, le Québec pourrait (et devrait) s'inspirer de sa voisine, affirme la chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) Julia Posca.

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«On est entré dans un marché qui est vraiment spéculatif et ça porte atteinte à la capacité de beaucoup de ménages de se loger. D’où la pertinence d’adopter des plafonds légaux et non pas de s’en remettre à la bonne foi des propriétaires», souligne-t-elle.

Julia Posca insiste d’ailleurs: malgré la hausse générale des coûts, le marché locatif au Québec est «très rentable» pour les propriétaires.

Qu’en pense le gouvernement?

En réponse à 24 heures, le cabinet de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, est resté vague quant à la possibilité de plafonner les hausses de loyer.

«Il faut s’assurer d’étudier tous les impacts d’une telle mesure ou d’une modification du calcul de fixation. Notre gouvernement a mis en place plusieurs mesures dans les derniers mois pour mieux protéger les locataires, notamment avec le projet de loi 31 et le projet de loi 65», a-t-on souligné par courriel.

Pour le gouvernement, «la vraie solution qui va avoir un effet à la baisse sur le prix des loyers, c’est augmenter l’offre de logements», surtout sociaux et abordables.

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Qu’en pensent les propriétaires?

Pour la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), un plafonnement des loyers n’est pas nécessaire au Québec, puisqu’il y a déjà dans la province des «règlements très puissants pour contrôler les loyers».

Son porte-parole, Éric Sansoucy, cite en exemple la clause G du bail, qui oblige un propriétaire à inscrire le loyer le plus bas payé pour un logement au cours des 12 derniers mois. Un locataire qui juge son loyer trop élevé par rapport au montant indiqué peut ouvrir une demande en fixation de loyer au TAL.

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Plutôt qu'un plafonnement des hausses de loyer, la CORPIQ prône une révision de la méthode de calcul du TAL, tout comme les groupes de locataires.

En utilisant une moyenne du taux d’inflation général sur trois ans au lieu de l’IPC logement, on aurait «moins de volatilité d’une année à l’autre, moins d’incompréhension, moins de surprises», avance Éric Sansoucy.

Qu’en pense un comité logement ontarien?

Même si le plafonnement des hausses de loyer permet de limiter les dégâts, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de failles dans le système ontarien, affirme Dania Majid, avocate au Centre ontarien de défense des droits des locataires (ACTO).

D’abord, toutes les unités construites après le 15 novembre 2018 ne sont pas assujetties au plafonnement des loyers.

Ensuite, il n’y a pas de limite à la hausse de loyer entre deux locataires. Autrement dit, un propriétaire peut augmenter le loyer «de 12%, 25%, voire 500%» lorsqu’un nouveau locataire arrive, illustre Dania Majid.

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
Photo Agence QMI, JOEL LEMAY

Un propriétaire peut aussi demander à la Commission de la location immobilière d’augmenter le loyer de plus de 2,5% s’il a fait des rénovations majeures dans son immeuble, notamment.

Ces failles, les entreprises immobilières n’hésitent pas à en profiter, déplore l’avocate.

Selon elle, plusieurs prétendent avoir réalisé des travaux sur leur immeuble qu’ils n’ont pas vraiment faits, achètent des immeubles à logements abordables pour les détruire et en construire de nouveaux pas assujettis au plafond ou poussent les locataires à quitter pour augmenter considérablement le loyer.

Selon l’avocate, la solution à la crise du logement en Ontario passe nécessairement par la construction de logements abordables.

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Une mesure parmi d’autres

Julia Posca de l’IRIS abonde dans le même sens: le plafonnement n’est qu’une seule des mesures à mettre en place pour endiguer la crise.

Parmi celles-ci: la création d’un registre des loyers, qui permettrait d’éviter une flambée des prix entre deux locataires. L’organisme Vivre en Ville en propose d’ailleurs déjà un non officiel sur lequel près de 70 000 logements sont inscrits.

Elle rappelle finalement que n’importe quelle mesure doit s’accompagner d’une hausse de la construction de logements à but non lucratif, hors du marché spéculatif.

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