«Je me sens plus cohérent avec mes valeurs»: des étudiants lâchent l'école pour militer pour le climat
Genevieve Abran
Deux jeunes militants ont lâché l’école pour militer contre l'inaction climatique, avec l’appui d’une dizaine de professeurs. Dans une lettre, ils invitent les étudiants québécois à les suivre.
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«L’école, je peux la reprendre dans dix ans, mais l’opportunité de se battre pour un futur plus juste, c’est maintenant que ça se passe», explique Jacob Pirro, qui a quitté son baccalauréat en philosophie il y a un an et demi.
En 2019 et en 2020, l’homme de 22 ans avait été très chamboulé par les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), «particulièrement difficiles à lire», qui indiquaient que limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ne serait pas possible si aucun changement majeur n’est effectué.
Depuis son départ des bancs d’école en 2021, Jacob Pirro ressent «moins de contradictions entre [ses] valeurs et [ses] actions», admet-il. «Je me sens beaucoup plus cohérent avec mes valeurs depuis que j’ai quitté l’école.»
Le militant fait partie du Collectif Antigone, un groupe militant environnementaliste, avec lequel il a notamment occupé le terminal pétrolier 9B Enbridge dans Montréal-Est le 19 octobre dernier.
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Déstigmatiser le fait de militer
Avec la militante Isabelle Grondin Hernandez, qui a elle aussi quitté l’école, il a publié une lettre ouverte intitulée « Lâcher l’école? Parce que le système nous a déjà lâchéEs!» en novembre dernier.
«Nous quittons l’école pour militer. Dans un élan d’amour, de colère et de confrontation à la réalité. Nous allégeons notre session pour mieux militer. Car un écocide est en cours», écrivent les auteurs.
«Nous vous invitons à vous joindre, dès maintenant, aux groupes qui travaillent à transformer toute notre société», poursuivent-ils.
Jacob Pirro assure que la lettre n’a pas pour but d’inviter tous les jeunes à quitter l’école ou à réduire leur charge de travail, mais plutôt à déstigmatiser le fait que ce soit l’avenue qu’empruntent certains individus pour militer contre la crise climatique.
Des enseignants embarquent dans le mouvement
Le professeur de littérature au Collège Montmorency, François Geoffroy, compte parmi la cinquantaine de personnes qui ont appuyé la lettre ouverte. En tout, neuf professeurs ont démontré leur soutien aux militants.
«J’ai moi-même fait le choix depuis bientôt un an de réduire ma tâche d’enseignement du tiers pour pouvoir militer», indique celui qui est aussi membre des Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique.
«L’idée de quitter complètement l’école, j’aurais eu un malaise à l’endosser si l’accent avait été véritablement là-dessus dans le texte», nuance-t-il.
Le professeur a décidé de signer la lettre puisqu’il considère qu’il s’agit avant tout d’une «invitation à alléger son parcours scolaire pour pouvoir militer».
«À moment donné, on n’est pas dans un mode de vie qui nous permet facilement de combiner des études à temps plein, un travail [dans le cas de] plusieurs étudiants qui n’habitent plus chez leurs parents et qui n’ont pas le choix, en plus d’une action militante intense, parce que c’est extrêmement intense à partir du moment où on entre là-dedans. À un moment donné, il faut réussir à faire des choix et ça se comprend.»
Celui qui côtoie plusieurs jeunes militants dans le cadre de son travail et de ses actions militantes affirme qu’aucun ne veut quitter l’école de façon permanente. À son avis, ce sont «des jeunes qui réagissent de la seule façon qui me semble intelligente devant l’urgence climatique à laquelle on fait face».
Selon François Geoffroy, ce n’est pas juste aux jeunes de s’impliquer dans la lutte aux changements climatiques puisque c’est une situation qui touche tout le monde.