Craintes de racisme contre les Russes
![Svetlana Suvorova et Andrey, qui a préféré ne dévoiler que son prénom, sont tous les deux Russes. Cependant, ils ont manifesté avec des milliers d’autres personnes dimanche à New York en soutien à l’Ukraine ainsi qu’aux victimes de la guerre.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F1381661571_404201c5d32603-96b8-42a4-9db2-1f3ec24fbc42_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Olivier Faucher | Le Journal de Montréal
La Guerre déclenchée par la Russie en Ukraine pourrait mener à une montée de l’intolérance envers les Russes, et ce, jusqu’au Québec, préviennent des experts, alors que des incidents sont signalés au Canada et ailleurs dans le monde.
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« C’est sûr que les Russes vont être plus sur la sellette, affirme Maryse Potvin, professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM. Une personne russe va être plus interpellée [sur le conflit]. Lorsqu’on est tout le temps questionné sur ses origines, on peut ressentir des malaises », ajoute la spécialiste en rapports ethniques au Québec.
Dans un contexte de guerre, plusieurs mécanismes en sociologie mènent à une victimisation et une diabolisation de certains groupes, prévient Mme Potvin. Elle pense que le risque est réel et doit être pris « très au sérieux », et ce, jusqu’au Québec étant donné la médiatisation importante du conflit.
« Plus le conflit va se creuser, plus les risques de racisme et de construction de préjugés vont être importants », explique la professeure.
Dans les derniers jours, plusieurs agressions verbales et actes de vandalisme ont été signalés dans des villes canadiennes ainsi qu’en France contre des citoyens ayant des origines russes.
Russie, « puissance coupable »
Micheline Labelle, professeure au département de sociologie de l’UQAM, voit également ce risque depuis que la guerre a éclaté en Ukraine.
« C’est probable. Avec quelle profondeur ? On ne peut pas se prononcer [pour l’instant]. »
Selon elle, le discours « homogène » sur le conflit que présentent les médias n’aide pas suffisamment la population à faire les nuances nécessaires.
« La victime, c’est l’Ukraine, et la puissance coupable, c’est la Russie, résume-t-elle. Il faut [mieux] examiner les revendications et intérêts objectifs en cause, le passé aussi dans les rapports entre l’Ukraine et la Russie. »
« Colère » dans la communauté
De son côté, Denise Helly, chercheuse à Institut national de la recherche scientifique et spécialiste des crimes haineux, ne s’attend pas à une « vague » d’intolérance envers les Canadiens ayant des origines russes, entre autres puisque ceux-ci ont une apparence et une culture similaires à celles des Canadiens caucasiens.
« Il y aura certainement de la part de gens xénophobes des réflexions désagréables », pense-t-elle toutefois.
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Propriétaire du Nasha Gazeta
Pour l’instant, c’est surtout au sein de la communauté russophone du Québec que des propos intolérants ont été observés, rapporte Dmitry Korobkov, propriétaire du journal russophone Nasha Gazeta, publié toutes les deux semaines à Montréal.
« Il y a eu des attaques verbales contre des commerces russes. Sur les réseaux sociaux de ces entreprises, les gens ont mis des photos des villes détruites. Il y a de la colère dans la communauté. »
Puisque la communauté russophone comprend ceux qui ont des origines ukrainiennes, russes et d’anciennes républiques soviétiques, « les gens sont divisés et c’est vraiment triste », dit M. Korobkov.
Il espère que cette intolérance ne se répandra pas.
« Je pense que les Canadiens sont assez intelligents pour ne pas généraliser. Mais à un niveau émotif, ça pourrait arriver », exprime-t-il, en soutenant que « 99 % » des russophones du Québec s’opposent à l’invasion de l’Ukraine.