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L'article provient de Clin d'oeil
Style de vie

Covid-19 : Quel est l’avenir pour la mode?

Fashion weeks annulées, défilés diffusés sur le web, créateurs en quête de lenteur, calendriers de production révisés...Les retombés de la pandémie sont nombreuses pour le milieu de la mode. Que changeront-elles pour nous? Tour d’horizon.

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Manon Chevalier

2020-09-05T12:00:00Z
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Depuis que les Anthony Vaccarello et Alessandro Michele, directeurs artistiques respectifs de Saint Laurent et de Gucci, ont tourné le dos aux Fashion Weeks, tout a basculé. Celles prévues au printemps et en été ont été annulées pour la première fois de leur histoire. Qui plus est, la tenue des prochaines semaines de la mode reste incertaine ou les présentations prennent un virage numérique.

• À lire aussi: Comment la Covid-19 a complètement changé notre rapport à la beauté

LE DÉFILÉ SAINT LAURENT AUTOMNE-HIVER 2020-2021, QUI A EU LIEU LE 25 FÉVRIER DERNIER

Et que dire des designers Dries Van Noten et Marine Serre, qui ont publié au printemps dernier une lettre ouverte engageant les autres créateurs à produire moins vite et à voyager moins, tout en repensant les défilés et en misant sur les salles d’exposition numériques? Sinon que cet appel à une mode plus écoresponsable a été entendu par quelque 600 signataires, dont Chloé, Thom Browne, Tory Burch, Bergdorf Goodman et Selfridges. Inspirés, d’autres leaders ont suivi le mouvement à leur façon. Tout ça à cause de la pandémie? Oui, mais pas seulement. Car il y a des années que le milieu de la mode, Giorgio Armani en tête, dénonce la tyrannie d’une industrie essoufflée qui carbure trop vite, surproduit, inonde le marché, gaspille et nuit à la planète. «En somme, la crise de la COVID-19 a mis en lumière ce qui n’allait plus et accéléré des changements qui s’imposaient, dont une création plus humaine et, par conséquent, un ralentissement de la production », estime Anthony Mitropoulos, directeur mode de Clin d’oeil.

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Des designers plus libres

En effet, de plus en plus de designers réclament une cadence de création plus organique. Ils se rebellent contre le lancement annuel de huit collections de prêt-à-porter pour femmes, pour hommes ou de haute couture, de capsules et tutti quanti. Or le répit imposé par la crise exauce leurs voeux et leur permet de briser les codes jugés dépassés. Aussi, comme l’écrivait Alessandro Michele sur Instagram et gucci.com: «Nous nous retrouverons seulement deux fois par an, pour partager les chapitres d’une nouvelle histoire. Des chapitres irréguliers, joyeux et totalement libres...» Plus près de nous, les cocréateurs de la griffe québécoise UNTTLD, José Manuel St-Jacques et Simon Bélanger, ont décidé de ralentir, eux aussi. «On veut bien faire les choses. On vise une évolution lente de notre vision, en reprenant les mêmes bases de création, qu’on veut intemporelles», indique Simon Bélanger. «Sur notre boutique en ligne, précise José Manuel St-Jacques, on va proposer aussi des capsules qui sortiront au fil de notre inspiration.» Autrement dit, sans pression indue du marché.

Les Fashion Weeks, elles?

Du côté des Fashion Weeks, les choses changent aussi. De grandes maisons, comme Dior ou Chanel, et des designers, comme Paco Rabanne ou Kenzo, y sont restés fidèles... en épousant le virtuel. En raison des mesures sanitaires, dont la fichue distanciation physique, les derniers défilés ont été captés sur vidéo, puis diffusés sur le web. On voit aussi poindre un engouement pour des films de mode réalisés par des grands noms du cinéma, même si l’heure est résolument à la simplicité et à l’intimité. Adieu représentations à grand déploiement, avec leurs aréopages de célébrités dans les premiers rangs et le spectacle de la street fashion... Est-ce à dire que la crise sonne le glas des défilés comme on les applaudissait avant? «Non, car rien ne remplace un défilé! scande Anthony Mitropoulos. C’est une expérience humaine et multisensorielle totale. Il faut ressentir l’énergie électrisante, les émotions vécues à l’unisson, les vêtements en mouvement, l’accès à la sensibilité et à la vision d’un designer en live. Sans défilé, la mode perd de sa grandeur... » Un point de vue que nuance Simon Bélanger: «Ces moments de beauté sont un concentré de la vision en mouvement d’un créateur. Mais ils ne sont pas la seule façon de découvrir les vêtements. La captation vidéo et la diffusion numérique vont rendre l’expérience plus démocratique.» Pendant combien de temps? Difficile à dire. «À mon avis, les défilés sur écran sont transitoires, le temps qu’on traverse la crise. Car ils ne rendent pas justice au travail des créateurs. En revanche, si les défilés reprennent, ils seront plus brefs, plus intimes et plus modestes. Sans quoi, on pourrait reprocher aux maisons et aux marques de ne pas respecter la planète. Et avec raison!» soutient Anthony Mitropoulos. Cela dit, bien malin qui peut prédire l’avenir, dans un monde terriblement imprévisible!

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GETTY IMAGES
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EN PLEINE NATURE, LE DÉFILÉ PRINTEMPSÉTÉ 2021 DU STYLISTE JACQUEMUS RESPECTAIT LES NORMES SANITAIRES ACTUELLES.

Bye-bye, soldes?

Qu’est-ce qui va changer, côté shopping? Tous les experts s’entendent pour prédire des bouleversements dans nos habitudes de consommation. On le sait, la crise a frappé dur, entraînant la fermeture de nombreux magasins dans le monde, ou poussé nombre de joueurs, tels Zara, à miser plus que jamais sur le commerce en ligne, voire à proposer des applications pour faciliter notre magasinage en boutique. De plus, ralentissement de production oblige, les arrivages en magasin seront davantage en phase avec les (vraies) saisons. Autrement dit, on pourra enfin dénicher un trench en automne ou un bikini en été! Par ailleurs, on trouvera une moins grande variété de vêtements et en plus petite quantité. Fini les arrivages incessants, à fortiori dans les grandes chaînes, où se succédaient aux deux semaines des montagnes de pièces copiées-collées des défilés. Fini aussi les soldes et les liquidations à longueur d’année, afin d’écouler rondement les stocks invendus.

«Les consommateurs sont conditionnés à cette façon de faire illogique. Ça nous fait mal au coeur de voir autant de collections en solde, d’autant que les vêtements n’ont pas de date d’expiration!» déplore le créateur Simon Bélanger. Comme tant d’autres, il prône la nécessité de laisser aux pièces le temps de trouver preneur. De quoi nous faire mettre le holà sur notre quête perpétuelle de nouveauté. Et, du même coup, faire souffler la planète. Car rappelons-le, la mode détient la deuxième place parmi les industries les plus polluantes après le secteur pétrolier. Si, si! La faute à la surproduction, à la surutilisation des ressources non renouvelables et à la surconsommation. Mais si l’on en croit les leaders de l’industrie, un mouvement écoresponsable est en marche. «Nous pouvons tirer profit de la crise pour mieux faire et consommer plus intelligemment», insiste la designer Stella McCartney chaque fois qu’elle fait valoir l’importance d’une mode durable et plus humaine. C’est la tendance de fond qu’on se souhaite, bien au-delà de la crise.

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