COVID-19: à 12 ans, son odorat et son goût sont déréglés
Il n’arrive plus à manger correctement parce que tout goûte mauvais en raison de la COVID
![Depuis le mois de septembre, presque tous les aliments sentent « pire que les poubelles » pour Arthur Caron, un garçon de 12 ans qui a contracté la COVID-19 à l’école, en mai. Sa mère, Julie Bouchard, ne sait plus quoi faire pour aider son fils.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F65314574_1630908dc14655-4013-4dcf-a6fa-276965e57f36_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
![Photo portrait de Daphnée Dion-Viens](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F95b674a4-a26f-4ff9-bb0f-e931eae93e58%2Fgendaphnee-dion-viens_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Daphnée Dion-Viens
Arthur Caron, 12 ans, a contracté la COVID-19 en mai dernier à l’école. Après avoir perdu le goût et l’odorat, presque tous les aliments sentent et goûtent maintenant si mauvais pour lui que la simple odeur d’un poulet au four lui donne le goût de vomir.
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Le jeune homme a bien de la difficulté à décrire ce goût et cette odeur si particulière qui ne lui rappelle rien de ce qu’il a connu auparavant.
« Ça sent pire que les poubelles », laisse-t-il tomber. Le garçon a perdu 20 livres en trois mois, faute de pouvoir s’alimenter correctement.
Arthur souffre de parosmie, un phénomène associé aux symptômes de la COVID longue. Cette distorsion des odeurs et des saveurs peut se manifester après la perte de goût et de l’odorat, parfois plusieurs mois après avoir contracté le virus (voir autre texte). Dans son cas, c’est en septembre que tout a commencé à dérailler.
Le garçon, qui venait de retrouver le goût de la viande et de la crème glacée depuis un peu plus d’une semaine, n’a pas eu le temps de se réjouir bien longtemps. Il se rappelle avoir ouvert un sac de chips aux jalapenos, une de ses saveurs préférées, qui ne goûtaient pas comme d’habitude. « J’ai ouvert un autre sac de chips. Mais ça goûtait encore mauvais », raconte-t-il.
En quelques jours, tous les aliments ont rapidement pris le même goût et la même odeur si difficiles à décrire, excepté pour le chocolat qui a gardé un peu de sa saveur habituelle.
« Je trouve ça dommage. Ça me rend vraiment triste », laisse tomber Arthur.
Un pince-nez pour manger
Tout ce qu’il peut avaler ou presque se résume à des barres et laits protéinés, raconte sa mère, Julie Bouchard. « Quelques fois, il va se mettre un pince-nez pour manger un repas normal, mais ce n’est pas agréable. Il doit garder son pince-nez longtemps parce que s’il a des rapports après son souper, il va le vomir », dit-elle.
Mme Bouchard ne sait plus à quelle porte cogner pour aller chercher de l’aide pour son fils. Au cours des dernières semaines, elle a multiplié les démarches, mais en vain.
Son médecin de famille lui a dit de patienter. Un spécialiste en ORL lui a prescrit un vaporisateur nasal qui ne donne pour l’instant aucun résultat. Les nutritionnistes qu’elle a contactées ont indiqué ne pas être spécialisées dans ce type de phénomène.
Une mère impuissante
« Je me sens impuissante. Je ne sais plus quoi faire pour aider mon fils », lance cette mère qui a passé des heures sur le web à faire des recherches à ce sujet.
Elle s’étonne par ailleurs de constater que des pratiques de « rééducation » semblent beaucoup plus courantes en France qu’au Québec. La pratique consiste à stimuler le cerveau avec certaines odeurs connues, pour l’aider à identifier correctement les odeurs et les saveurs.
« J’ai fait plusieurs appels, on dirait qu’il n’y a personne qui fait ça ici », dit-elle.
Pendant que son fils rêve du jour où il pourra savourer un bon steak, sa mère songe à aller faire un tour dans une église pour allumer un lampion. « Je suis rendue là. On n’a rien à perdre », laisse-t-elle tomber.
Jusqu’à 5 % des cas peuvent en souffrir
Jusqu’à 5 % des gens qui ont contracté la COVID-19 pourraient souffrir de parosmie, une distorsion des goûts et des odeurs.
Avec la hausse des cas chez les enfants cet automne, de plus en plus de jeunes pourraient en être atteints dans les mois à venir.
C’est du moins ce qu’affirme le Dr Luc Monette, président de l’Association d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale du Québec, à la lumière des données scientifiques disponibles qui demeurent tout de même limitées.
« On n’a pas encore beaucoup de recul », souligne-t-il.
La perte du goût et de l’odorat (anosmie) ou la distorsion de ces deux sens (parosmie) existaient bien avant la pandémie, mais ces deux phénomènes sont devenus beaucoup plus fréquents avec la COVID-19, précise le médecin.
Ce phénomène était toutefois beaucoup plus rare chez les enfants. « En 25 ans de pratique, je n’avais jamais vu ça avant », dit-il.
Mais avec le nombre d’enfants qui ont contracté le virus au cours des derniers mois, les cas sont maintenant beaucoup plus fréquents.
De manière générale, de 1 à 5 % des personnes qui ont été déclarées positives peuvent présenter des symptômes d’anosmie ou de parosmie entre trois et six mois plus tard.
Les enfants qui ont été hospitalisés parce qu’ils ont développé des formes sévères de la maladie sont plus à risque de développer des symptômes à long terme.
Ce ne fut toutefois pas le cas d’Arthur (voir autre texte), qui n’a été que légèrement malade pendant quelques jours à la maison.
Pas de traitement reconnu
Il n’existe pas encore de « traitement reconnu » pour un tel phénomène, indique le Dr Monette.
La cortisone, qui peut être administrée lorsqu’il y a hospitalisation pour tenter de contrôler le phénomène inflammatoire déclenché par la COVID-19, pourrait aider, mais ce traitement ne fonctionne pas pour des symptômes qui apparaissent plusieurs mois après avoir contracté le virus.
Quant aux pratiques de « rééducation olfactive », elles sont aussi présentes au Québec, assure-t-il.
« On ne dit pas que les succès sont incroyables, mais c’est une approche possible. Il m’est arrivé moi-même de la prescrire à des patients », dit-il.