Coupe Davis: le Canada défait l'Allemagne
Jessica Lapinski
MALAGA, Espagne | Il aura fallu trois matchs, presque sept heures de jeu, une raquette brisée et une remontée face à une paire de double qui n’avait jamais connu la défaite, mais le Canada a obtenu son billet pour le carré d’as de la Coupe Davis et une confrontation contre l’Italie, jeudi, à Malaga.
C’est le duo formé de Denis Shapovalov et de Vasek Pospisil qui a procuré le point décisif aux représentants de l’unifolié contre l’Allemagne, en battant la paire composée de Kevin Krawietz et de Tim Puetz 2-6, 6-3 et 6-3.
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Un exploit en soi, puisque le duo allemand, formé de deux joueurs classés parmi les 25 meilleurs en double, était jusque-là invaincu en huit rencontres de Coupe Davis.
Il était alors 12 h 03 dans la ville qui a vu naître Pablo Picasso. Le premier simple s’était amorcé vers... 17 h 20.
«[Jeudi], c’était le parfait exemple de ce qu’est la Coupe Davis à son meilleur, a soulevé le capitaine de l’équipe canadienne, Frank Dancevic. Denis avait de la misère à trouver son rythme dans le premier simple et il a perdu un match très serré. [...] Félix [Auger-Aliassime] a joué de façon exceptionnelle pour nous maintenir en vie.»
«Ce n’est jamais facile de revenir après avoir perdu une rencontre et de remporter le suivant, a ajouté l’ancien joueur au sujet de Shapovalov. Et Vasek, avec son expérience de vétéran, il est l’une des clés de notre succès.»
Contre sa bête noire
Car, non, ce ne fut pas une grande entrée en la matière pour Shapovalov face à Jan-Lennard Struff, un ancien top 30 chuté au-delà de la 150e position en raison d’une blessure.
Struff, qui a une fiche ultra-positive dans ses confrontations face à «Shapo» (six victoires contre trois revers, avec le gain de jeudi), a brisé le Canadien dès sa première partie au service.
Le 18e mondial ne s’en est pas remis immédiatement, perdant le set initial avant de rebondir au deuxième. Mais les choses se sont à nouveau corsées dans la manche ultime.
À 2-1, le Canadien a laissé filer un passing du vétéran allemand qui, selon lui, se dirigeait à l’extérieur du terrain. Mais la balle est tombée bien à l’intérieur des lignes, procurant le bris à Struff.
Shapovalov a raté sa frappe suivante et a fracassé sa raquette contre le sol. Il n’en fallait pas plus pour que les partisans allemands, nombreux dans les estrades du stade Martin Carpena, ne le chahutent très fort.
Le joueur de 23 ans a bien tenté de s’accrocher. Il a même brisé sa bête noire quand elle servait pour le match. Mais il s’est ensuite effondré au bris d’égalité, concédant une victoire de 6-3, 4-6 et 7-6 (2) à l’Allemagne.
Félix ne tremble pas
Le sort du Canada reposait alors sur les épaules de Félix. Et il était pesant, ce poids : avec Auger-Aliassime, sixième et joueur mieux classé de cette phase finale, ainsi que «Shapo» dans ses rangs, les Canadiens aspiraient aux grands honneurs en Espagne. Pas à une défaite en quarts.
Mais contre Oscar Otte, 65e mondial, le Québécois n’a jamais tremblé. Dans un match sans histoire, la fierté de L’Ancienne-Lorette a maintenu les chances de son pays.
Félix s’est imposé 7-6 (1) et 6-4, devant un box canadien bien garni qui exultait, à moitié soulagé.
«Ça m’a aidé d’avoir cette équipe qui me gardait positif, a-t-il reconnu. Je tente toujours de donner mon meilleur effort [dans ces compétitions par équipe].»
«C’est toujours ce que je fais, a poursuivi le top 10, mais encore plus dans ces occasions particulières, parce que je sais que j’ai une équipe qui compte sur moi pour gagner.»
Tsunami de coups gagnants
Encore fallait-il, toutefois, que le Canada remporte ce double décisif, face à un duo redoutable. Avec, en plus, un Shapovalov qui avait été chancelant dans son simple, lui qui revenait d’une semaine de vacances dans les Maldives.
Pospisil et «Shapo» ont d’ailleurs craqué tôt dans la rencontre, cédant deux bris dans la première manche au duo Krawietz-Puetz.
Sauf qu’ils se sont ressaisis. C’est d’abord le vétéran Pospisil, actuel 100e mondial en simple, mais très bon joueur de double, qui a ouvert la machine, sortant des frappes qu’on ne l’avait plus vu faire depuis un moment.
La deuxième manche en poche, Shapovalov a trouvé son rythme. Et ce set ultime a été tout à l’avantage des Canadiens, dans ce qu’a qualifié Dancevic de «tsunami de coups gagnants».
«Au début du match [de double], l’autre équipe jouait très bien et nous, nous étions un peu en dessous de notre niveau, a analysé le capitaine. Mais je savais que lorsque nous allions le trouver, le momentum allait changer en notre faveur.»
«Les deux autres manches, nous étions tout en énergie. Je ne pense pas que les gars de l’autre côté ont abaissé leur niveau ; c’est nous qui avons élevé le nôtre», a-t-il également souri.
Les Canadiens auront maintenant un peu de 24 heures pour se remettre de ce qui aura aussi été un tsunami d’émotions.
Ils affronteront samedi l’Italie, pour une place en finale, ce qui serait une première en quatre ans pour la délégation.
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«Gagner ainsi, c’est incroyable» - Frank Dancevic
Les plus belles victoires sont souvent celles acquises dans l’adversité. «Gagner comme on l’a fait, c’est une sensation incroyable», s’est réjoui Frank Dancevic, jeudi.
Le jeune capitaine était «extrêmement fier» de ses protégés quand il a rencontré les médias, peu après la victoire décisive en double de Denis Shapovalov et de Vasek Pospisil.
«Je crois que cela démontre à quel point notre équipe est forte», a-t-il soutenu.
Dancevic a aussi souligné l’apport de toute l’équipe canadienne assise sur le banc, tout près du terrain. À la Coupe Davis, les joueurs qui ne sont pas sur le court, mais également tout le personnel de la délégation, servent un peu de «cheerleader» pendant les rencontres.
Le capitaine, lui, est assis avec son joueur, prodiguant des conseils pendant les changements de côté.
Et elle est bien garnie et très vocale, cette délégation canadienne. Ils sont une dizaine de représentants, dont les Québécois Alexis Galarneau et Gabriel Diallo, qui ont fait le déplacement en Andalousie à titre de substituts.
«Tout le monde était en énergie durant tous les matchs pour nous aider, a mentionné Dancevic. Je pense que ç’a nourri les joueurs, et que les joueurs [en double] se sont aussi nourris chacun de leur énergie.»
«Je crois que cela a vraiment fait la différence [jeudi]», a-t-il continué.
Des fleurs pour Pospisil
Longtemps considéré comme un espoir du tennis canadien, ancien membre du top 30, Pospisil a chuté au classement dans les dernières saisons, embêté par des blessures et certaines contre-performances.
À Malaga, le vétéran de 32 ans est principalement présent afin de disputer le double, une discipline dans laquelle il a longtemps excellé. Il y a déjà occupé le quatrième rang mondial, gagnant Wimbledon aux côtés de l’Américain Jack Sock en 2014.
Et si Dancevic a vanté la prestation de Félix Auger-Aliassime et la résurgence de Shapovalov après son mauvais départ en simple, il ne tarissait pas non plus d’éloges à l’endroit de Pospisil.
À l’instar de «Shapo», qui a reconnu que «beaucoup de crédit» revenait à Félix jeudi, mais aussi à son partenaire de double.
«Comme l’a dit Frank, avoir Vasek ici avec nous est incroyable, a déclaré le 18e mondial. Vous savez, non seulement il est incroyable en simple, mais aussi en double. Il a obtenu de très bonnes performances dans le passé et a prouvé à maintes reprises qu’il était un excellent joueur.»
«C’est plaisant de partager le terrain avec lui et de s’encourager l’un et l’autre, a également pointé Shapovalov. C’était génial de donner la victoire au Canada.»