Cordialité et tensions au sommet des trois amigos
Pierre Martin
Le sommet nord-américain domine l’ordre du jour du président Biden aujourd’hui, mais son esprit est ailleurs et il aura peu à offrir à ses invités.
Ce premier sommet avec Biden marquera un retour à la normale. Justin Trudeau et le président mexicain Andrés Manuel López Obrador se réjouissent sans doute de ne plus avoir à puiser dans leurs réserves de patience et de finesse psychologique pour affronter l’impétueux Trump.
Malgré le retour de la cordialité, les défis politiques demeurent. Le président Biden aura beau leur prêter une oreille bienveillante, ses amigos doivent être conscients que leurs doléances ne figurent pas très haut dans sa liste de priorités.
Tensions et irritants
Les invités d’honneur apportent de longues listes d’irritants dans leurs cartables.
Justin Trudeau pourrait rappeler la manière cavalière avec laquelle les forces américaines ont traité leurs alliés lors de l’évacuation de l’Afghanistan, ou encore l’étrange décision de garder les frontières terrestres fermées aux visiteurs alors qu’on accueillait des avions bourrés de passagers de pays beaucoup plus touchés par la COVID.
Les irritants incluent aussi les obstacles que les compagnies pétrolières canadiennes affrontent dans le développement d’oléoducs transfrontaliers. Ça tombe mal, car Biden est plutôt sympathique aux groupes opposés à ces oléoducs. Peut-être Trudeau pourrait-il inciter Biden à convaincre le Maine de laisser passer les lignes d’Hydro-Québec vers le Massachusetts. C’est quand même un peu délicat d’essayer d’amadouer Biden sur ce front en invoquant ses engagements envers les énergies propres tout en insistant pour qu’il ouvre la vanne d’énergies pas-si-propres-que-ça dans l’ouest.
Des défis au libre-échange
Malgré l’importance des enjeux bilatéraux pour Ottawa, un sommet tripartite n’est probablement pas la meilleure place pour les soulever, d’autant plus que les enjeux strictement américano-mexicains pèsent beaucoup plus lourd dans la balance.
Les discussions aujourd’hui porteront beaucoup sur les enjeux commerciaux, alors que de nombreux éléments des projets phares de l’administration Biden contredisent les principes fondamentaux des ententes d’intégration économique nord-américaine, qui importent autant pour le Mexique que pour le Canada.
La loi sur les infrastructures, que Biden affiche comme un accomplissement majeur de sa présidence, est truffée de clauses protectionnistes « Buy American ». Dans l’autre mégaprojet de loi de Biden, un crédit d’impôt de 12 500 $ pour l’achat de véhicules électriques, réservé aux véhicules assemblés aux États-Unis, contredit l’esprit et la lettre des ententes commerciales nord-américaines.
Des arguments forts
Dans le passé, les présidents américains ont pu promouvoir les partenariats économiques internationaux malgré les résistances du Congrès, s’ils pouvaient faire valoir l’intérêt national.
Joe Biden ne manquera pas de faire comprendre à ses interlocuteurs qu’il y a des limites à son pouvoir de répondre à toutes leurs demandes, alors que les républicains bloquent systématiquement toutes ses initiatives.
Les deux amigos de Biden pourront faire œuvre utile en faisant valoir au Congrès et au public que l’intégration du marché nord-américain demeure un atout majeur pour contrer la domination économique globale de la Chine.
Ce ne sera pas facile pour Biden de convaincre un Congrès qui ne voit guère plus loin que le bout de son nez que l’avenir des États-Unis passe par une solide intégration économique et une forte cohésion politique avec ses deux voisins. Il devra pourtant essayer et Trudeau et Lopez Obrador seraient bien avisés de l’aider dans ce sens.