COP 27: des compromis sur les GES et sur les «pertes et dommages»
Andrea Lubeck
La plus longue COP de l’histoire s’est terminée dimanche à l’aube, à Charm el-Cheikh, en Égypte. Ce qui en ressort, c’est une déclaration finale qui est le fruit de nombreux compromis, tant sur l’aide aux pays pauvres touchés par les changements climatiques qu’au chapitre des émissions de gaz à effet de serre (GES).
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Avancée sur les pertes et dommages
La COP 27 aura eu ça de bon: les pays se sont entendus sur l’adoption de la compensation des dégâts causés par les changements climatiques subis par les pays les plus pauvres. Le texte laisse cependant plusieurs questions en suspens.
Ce qu’on appelle les «pertes et dommages» est un fonds que les pays vulnérables à la crise climatique revendiquent depuis plusieurs années aux pays riches. Il s’ajoute au fonds de 100 milliards $ par an pour aider les pays pauvres à s’adapter aux changements climatiques. Une promesse que les pays riches n’ont pas tenue.
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Le ministre québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, a annoncé que Québec contribuerait à ce fonds, sans préciser la somme qui serait versée.
«Un plafond de verre vient d’être brisé en matière de justice climatique à la COP 27 avec l’accord rapide pour la mise en place d’un fonds pour les pertes et préjudices, un enjeu qui s’est enfin ajouté à l’agenda des négociations grâce à la mobilisation des pays du Sud et de la société civile depuis des décennies», a célébré Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, par voie de communiqué.
Recul sur les émissions de GES
Si l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, soit de contenir le réchauffement planétaire à 1,5 °C, a été maintenu dans la déclaration finale, cette dernière reste vague sur les réductions des émissions de GES. Au point où des pays ont dénoncé un recul sur les ambitions définies lors de COP précédentes.
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«Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu», a déploré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
«Cette COP a affaibli les obligations pour les pays de présenter des engagements nouveaux et plus ambitieux», a regretté Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris de 2015.
C’est que les engagements actuels des pays signataires ne permettent pas d’atteindre cet objectif, ni même celui de contenir l’élévation de la température à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
Ces engagements, s’ils sont intégralement tenus, mettraient au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4 °C en 2100 et, au rythme actuel des émissions, sur une trajectoire catastrophique de +2,8 °C.
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Or, à près de +1,2 °C actuellement, les impacts dramatiques se multiplient déjà: 2022 a connu son cortège de sécheresses, de mégafeux et d'inondations dévastatrices.
Ni le Canada ni le Québec n'ont augmenté leurs ambitions en matière de réduction des GES. Ils visent des baisses respectives des émissions de 40% par rapport au niveau de 2005 et de 37,5% par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030. Pour contenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait plutôt les diminuer de 45% à l’échelle mondiale.
Rien sur le pétrole et le gaz
La question de la réduction de l’usage des énergies fossiles, à l’origine du réchauffement de la planète, est à peine mentionnée dans les textes sur le climat.
Le charbon avait été cité à la COP 26 de Glasgow l’an dernier après de rudes échanges. Mais à Charm el-Cheikh, les «suspects habituels», selon l’expression d’un délégué, s’y sont une nouvelle fois opposés pour le pétrole et le gaz. L'Arabie saoudite, l'Iran et la Russie sont les plus souvent cités.
Le Canada n’a d’ailleurs pas fait meilleure figure à ce chapitre. Si l’Inde demandait qu’on vise l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles, Ottawa n’a pas soutenu l’inclusion du pétrole et du gaz à la déclaration finale.
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Il faut aussi souligner que le lobby pétrolier était présent en grand nombre cette année. Une ONG a calculé que 636 représentants de l’industrie des combustibles fossiles étaient présents. Plusieurs étaient de la délégation canadienne.
«En plus de n’avoir fait aucune annonce significative pour rattraper son retard en termes d’action climatique à l’échelle nationale, le Canada a manqué sa chance de tirer l’ambition internationale vers le haut», a déploré Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, dans un communiqué.
Le développement des énergies renouvelables fait cependant l’objet d’une mention inédite aux côtés des énergies à «basses émissions», expression généralement appliquée au nucléaire.