Convoi de camionneurs: la police d’Ottawa estime qu’elle aura besoin d’aide
Au sixième jour du siège, bien des résidents veulent que la manifestation cesse
Roxane Trudel
La police d'Ottawa n'aura peut-être d'autre choix que de se tourner vers l'armée pour calmer les klaxons, même si elle veut à tout prix éviter que les manifestants du «convoi de la liberté» ne déclenchent des émeutes.
• À lire aussi: «Convoi de la liberté»: tout ce qu'il faut savoir sur les manifestations à Ottawa et à Québec
• À lire aussi: Les paramédics sont épuisés et inquiets
• À lire aussi: Un autre rassemblement en préparation pour samedi
«Nous avons très peu de capacité de négocier [avec eux]. Il n'y a peut-être pas de solution policière pour mettre fin à cette manifestation», a estimé mercredi le chef de la police d’Ottawa, Peter Sloly, lors d’une séance d’information.
Après six jours de cacophonie, de diesel et de cris à toute heure de la journée, de nombreux résidents de la capitale fédérale n’en pouvaient simplement plus mercredi.
«Ce n’est pas seulement dérangeant. C‘est toute notre vie qui est chamboulée, actuellement», a déploré un père de famille dont la résidence donne sur une rue bloquée et qui a préféré garder l'anonymat, par crainte de représailles.
Des poches sous les yeux, il explique craindre pour la sécurité de sa fille de 15 ans, qui doit marcher plusieurs coins de rue pour se rendre à l’école. Son fils de 8 ans, lui, ne dort simplement plus. Sa femme doit utiliser un taxi pour se rendre au travail, car l'automobile ne peut plus sortir de l'entrée.
Il aimerait voir l’armée assister les forces policières pour faire cesser la manifestation au plus vite.
Une possibilité évoquée mercredi par le chef de la police d'Ottawa, qui ne semble plus convaincu que «la police seule pourra résoudre la situation», sans aide politique ou militaire.
- Écoutez la chronique de Félix Séguin au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Ras-le-bol
À un coin de rue de là, un homme s'époumone à l’intention des camionneurs.
«Retournez à la maison! On ne vous veut pas ici!» crie-t-il de toutes ses forces avant de poursuivre son chemin.
Car, malgré la vigilance policière accrue, au moins une quinzaine de nouveaux camions ont réussi à se greffer au groupe sous les yeux du Journal, mercredi.
«Ça dépasse le respect. Il y a des gens qui sont isolés, des personnes âgées qui ne peuvent plus recevoir de livraison. Que se passera-t-il si une ambulance veut passer?» se questionne Richard, un Ontarien de 34 ans, ajoutant: «Ça va trop loin.»
Les camionneurs entendent rester sur les lieux tant et aussi longtemps que la vaccination demeurera obligatoire pour eux, souligne Ivar, 46 ans, qui a fait la route depuis le Nouveau-Brunswick.
«J’ai perdu 70% de mon travail. Avant, je traversais la frontière au moins chaque semaine. Maintenant, je ne peux plus me rendre aux États-Unis. Je resterai jusqu’à ce qu’ils reculent et nous laissent le choix de nous faire vacciner ou non», explique celui qui est camionneur depuis plus de 16 ans.
«Le moyen le plus rapide de nous faire sortir de la capitale nationale est d'appeler vos représentants élus et de mettre fin à tous les mandats du C-19», a indiqué mercredi le chef du convoi, Chris Barber, dans un communiqué.
Casse-tête
Les restaurateurs du centre-ville, qui en avaient déjà assez, après deux ans de pandémie, doivent maintenant composer avec un nouveau casse-tête: les rues étant bloquées, les livreurs ne parviennent pas jusqu’à leurs établissements, que ce soit pour livrer de la marchandise ou des repas.
«J’ai dû me stationner des kilomètres plus loin, lundi. Si au moins les livreurs pouvaient se rendre jusqu’ici, je pourrais ouvrir. C’est ce qui fait le plus mal», soupire Anthony Bailey, propriétaire d’un restaurant sur la rue Bank.
Il évoque la possibilité de faire ses courses lui-même tous les matins pour servir sa clientèle.
«On a besoin de revenus, souffle-t-il. Je vais demander aux clients de porter un masque, mais je ne me battrai pas avec eux pour qu’ils le portent non plus. Ça ne vaut pas la peine. Même si j’appelle la police, ça sera plus rapide de juste leur faire un burrito.»
Même son de cloche du côté d'un restaurant coréen, qui ne sert que des plats à emporter malgré la possibilité d'accueillir des clients dans sa salle à manger depuis lundi.
«Plusieurs viennent sans masque. On ne fait que des commandes à emporter, à cause de ça. Beaucoup ont juste décidé de fermer complètement, parce qu'ils ne veulent pas que des gens viennent seulement pour les salles de bain», explique le gérant, Jaecheol Myung.