Échanger le contrat de Shea Weber: «Ça va prendre un bonbon»
Louis-André Larivière
À moins de deux semaines de la date butoir des transactions dans la LNH, les Canadiens de Montréal sont aux prises avec un problème de masse salariale. Les salaires comptabilisés sur la liste des blessés à long terme s’élèvent à près de 12 millions $, ce qui porte le total à plus de 93M$ en date de mercredi.
Pendant que des vétérans comme Ben Chiarot se préparent à changer d’adresse, la haute direction pourrait en profiter pour étudier, voire planifier l’exécution d’un scénario complexe épinglé à son tableau : se départir de l’imposant contrat de Shea Weber.
- À lire aussi: Shea Weber sera-t-il échangé par le CH ?
- À lire aussi: Contrat de Shea Weber : le retour pourrait surprendre
Dans un contexte où le plafond salarial est stable à 81,5 millions $ depuis deux ans et qu’il ne bondira que de 1M$ après la présente campagne, le Club de hockey Canadien peut-il accomplir cette mission?
Bien entendu, c’est une tâche ardue et une planification qui doit tenir compte de plusieurs facteurs dans la stratégie d'avenir du Bleu-blanc-rouge : à moins d’être magicien illusionniste ou banquier dans les paradis fiscaux, on ne fait pas disparaître une dépense annuelle de 7,857 millions $ en criant «lapin» - quoique plusieurs directeurs généraux aimeraient bien en sortir un de leur chapeau.
«Il ne reste que 12 jours à la date limite des échanges. Quelqu’un comme Weber, si on l’échange d’ici le 21 mars, ça ne veut pas dire que la masse salariale de 93,3 millions s’abaissera à 85,5 millions, car la différence réelle ne sera que d’environ 1,6 M$», a expliqué le cofondateur du site CapFriendly Jamie Davis, dans un entretien téléphonique avec le TVASports.ca, mardi.
Pas une situation idéale
Davis, l’un des trois cerveaux de ce site web spécialisé dans les masses salariales des 32 équipes de la LNH, soulève que le club «a déjà payé environ 147 jours de salaire» au joueur de 36 ans. Il ne croit pas qu’une telle transaction réglera tous les maux de tête de Jeff Gorton et Kent Hughes, voire l’adjoint responsable des affaires légales John Sedgwick.
«Vont-ils être capables de réduire le montant de plus de 11,8M à la date limite? Ça me surprendrait. Dans leur cas, il faudrait que presque toute l’équipe soit échangée pour qu’elle chute sous le plafond!», plaisante-t-il pour illustrer la problématique.
«Malheureusement, cette année, ça va probablement finir comme ça. Et s’il y a des bonis à payer, ils seront des excédents la saison prochaine.»
Transférer le contrat de Weber, qui ne jouera fort probablement plus au hockey dans le circuit Bettman, à une autre formation serait cependant une façon idéale pour le trio Gorton-Hughes-Sedgwick de bénéficier de plus d’espace de manœuvre pour les quatre années à venir, lorsque l’entente du capitaine viendra à échéance.
«La situation des Canadiens n’est pas idéale, surtout si tu es par-dessus le plafond lorsque viendra le temps de verser des bonis. On l’a vu l’an dernier avec Nick Suzuki. Ils ont 11,8 millions d’excédent.»
«Tu as beaucoup moins de flexibilité pour faire des transactions avec des joueurs sur la liste des blessés à long terme.»
Plus de flexibilité
En effet, en se débarrassant du contrat de Weber, Gorton et Hughes s’assurent de planifier l’effectif de la prochaine saison sans que le plafond n’explose. Davis explique :
«Ils ont présentement 16 joueurs sous contrat qui reviendront l’an prochain, si on considère la liste des blessés en excluant Weber, qui lui ne jouera probablement plus. Ils ont déjà 79 millions de dollars contre la masse salariale réservés à ces joueurs. Le jeu sera entre deux et trois millions.
«Échanger Weber avec une moyenne annuelle de 7,8 millions offre plus de flexibilité. Surtout si c’est une équipe qui va devoir travailler fort pour accéder aux séries.»
À savoir si Hughes sera en mesure de consentir une offre agressive à un joueur autonome d’impact dès l'été, l’exercice pourrait être plus compliqué qu’on ne le croit.
«Ils peuvent toujours aller chercher d’autres bons joueurs, comme cette année, mais ils ne pourront se trouver en dessous de 81,5 millions avec les ententes de Weber et Carey Price qui totalisent 18 millions de dollars.»
Un partenaire de danse au Minnesota? Vraiment?
Samedi soir, le chroniqueur du réseau Sportsnet Elliotte Friedman avançait que le contrat de Weber était disponible et il sera intéressant de voir si l’état-major du CH parviendra à échanger le pacte d’une valeur annuelle moyenne de 7,857 millions$ à une formation qui souhaite atteindre le plancher salarial.
Le journaliste du site The Athletic Michael Russo a ajouté que le Wild du Minnesota pourrait tirer profit d’une telle situation.
Davis ne croit pas qu’il s’agisse là d’une option viable sans faire des pieds et des mains. Il est également faux de prétendre que Hughes aura le beau jeu au bout du fil. Il ne serait pas étonné que le choix de premier tour obtenu des Flames de Calgary soit mentionné dans la discussion.
«Ce n’est pas simple de l’échanger au Minnesota. Le Wild ne va pas dire "on vous échange un choix de deuxième tour". S’ils sont intéressés, ça va prendre un "bonbon" (sweetner). Ils pourraient dire "donnez-nous un choix de 2, ou un jeune espoir".
«Personnellement, quand je regarde l’impact de 7,8 millions pendant quatre ans, Toronto a payé un choix de premier tour pour que la Caroline prenne Patrick Marleau (en 2019).
«Je ne dis pas qu’ils vont demander un choix de premier tour, mais ça va prendre quelque chose de convaincant. Pas un choix de septième tour, c’est impossible.»
Les Coyotes, des habitués du plancher
L’idée de Friedman semble donc la plus logique, advenant que deux camps se lancent dans des pourparlers pour absorber un contrat de cette envergure. Certaines organisations avec de faibles masses salariales ont l’habitude de bâcler ce type de transaction pour franchir le plancher de 60,24M$.
«Montréal devra trouver une équipe comme l’Arizona pour prendre un mauvais contrat. La flexibilité est importante en ce moment, car la majorité des équipes n’a pas de coussin.
«Une équipe avec de l’espace sous le plafond, c’est la clé. Tu peux faire beaucoup de choses. Tu regardes Arizona et Buffalo, ils peuvent faire ce qu’ils veulent.
«Des équipes comme Toronto, Boston, Tampa, Vegas veulent faire de quoi, mais elles doivent conclure une autre transaction de la sorte ou mettre quelqu’un sur la liste des blessés à long terme.
«Weber ne jouera plus et son contrat engorgera une masse salariale, mais si quelqu’un veut prendre le contrat.. OK! »
Et si Weber avait joué, cela signifie-t-il que les Canadiens n’auraient pu bâtir le club qu’ils ont sous la main?
«Probablement, constate Davis. Avec l’ajout de David Savard, ça ne balance pas et ils devront se départir de joueurs au lieu d’en ajouter. Ça dépend comment tu vois la chose.
«Tu ne peux rien faire avec leurs contrats. Tu ne peux pas les racheter et il n’y a pas beaucoup de dirigeants qui vont prendre le contrat d’un joueur qui ne joue pas.»
Pas un avantage pour le CH
Cela dit, il serait intéressant de voir ce que le DG du Wild, Bill Guerin, exigerait pour absorber l’entente de Weber sur sa masse salariale. Puisque le numéro 6 aura plus de 35 ans, l’an prochain, le salaire est assurable à 60%.
Le salaire courant est de 6 millions$ et il diminuera à 3 millions l’an prochain. Les trois dernières années lui rapporteront 1 million$. Les deux tiers de ces montants seront couverts par les assurances.
«Si le Wild décide de prendre Weber, je serais très curieux de savoir quel serait le coût.»
Après une fin de saison féérique en finale de la Coupe Stanley, les Canadiens ont composé avec des départs et un nombre catastrophique de blessés. Le défi a été grand pour Marc Bergevin, avant son congédiement, et il l’est tout autant pour son successeur Hughes et Sedgwick.
Est-ce un réel avantage d’avoir décalé autant d’argent sur la liste des blessés à long terme?
«Cette année, ç’a aidé le CH, oui... mais non. Il n’avait pas le choix, car il allait frapper le plafond salarial. Il a dû faire le mieux possible pour bâtir une équipe en sachant qu’on aura un joueur qui ne jouera pas, que l’on paye et qui est comptabilisé sur la masse salariale.
«Quand ils ont bâti l’équipe, ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient bâtir un club de 23 joueurs sur la liste des blessés, ironise Davis. Ils croyaient que Byron serait absent jusqu’en janvier et ils ont tenté de bâtir club à 92 M$. Ils savaient que Byron et Weber seraient écartés à long terme.
«Ce n’est pas un avantage», tranche Davis.
On peut croire qu’il en serait de même pour une formation comme le Wild. Par exemple...