Commentaires déplacés à des élèves: un prof dénonce l’inaction de la direction de son ancienne école
Anne-Sophie Poiré
Un enseignant de Montréal dénonce le fait qu’il ait dû intervenir à la demande de la direction de son école auprès d’un collègue qui aurait tenu des commentaires sexuels envers des élèves.
En novembre 2021, Xavier* a décidé d’aller rencontrer la technicienne en éducation spécialisée (TES) d’une école secondaire de la région de Montréal pour discuter du comportement d’un professeur qu’il jugeait problématique.
«Ça faisait plusieurs commentaires que j’entendais, dans le bureau ou dans les corridors. Il complimentait les élèves de sexe féminin sur leur physique», illustre-t-il, en entrevue avec 24 heures. Si Xavier a décidé de parler de cet épisode aujourd’hui, c’est parce qu’il ne savait plus vers qui se tourner pour dénoncer la situation, après s’être senti abandonné par la direction de son ancienne école.
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Il affirme que sept élèves lui auraient rapporté avoir été témoins ou victimes de commentaires déplacés de la part de monsieur X, qui a travaillé pendant de nombreuses années à cette école.
«On me disait qu’il mettait plusieurs personnes mal à l’aise. C’était mon devoir d’en parler. [...] J’ai rencontré la TES. Elle m’a dit qu’une couple d’affaires étaient passées sous le radar avec ce prof-là et que c’était une bonne idée qu’on rencontre la direction», raconte Xavier.
Deux autres personnes nous ont également affirmé avoir été témoins de commentaires déplacés de la part de l’enseignant.
«Il a toujours fait des commentaires par rapport au physique des filles. Il disait des choses déplacées sur le corps de mes amies avec des poitrines plus volumineuses», raconte l’une d’elles, qui a été l’une de ses élèves.
«C’était dégradant, mais on ne pensait pas qu’on pouvait aller voir la direction avec ça. Ce n’est pas juste de dénoncer un comportement, c’est de se sentir écouté, cru et épaulé», ajoute-t-elle.
L’intervention déléguée à un nouveau professeur
À sa grande surprise, Xavier a été chargé d’intervenir lui-même auprès de l’enseignant en question, à peine quelques mois après le début de son contrat à l’école.
«Le directeur avait l’air choqué, mais il a tout de même délégué à un nouveau professeur cette intervention, déplore-t-il. Il a dit que c’était moi qui étais le mieux placé pour lui parler. Ça m’a mis super inconfortable. Si je suis venu rencontrer la direction, c’est parce que je croyais bon qu’elle intervienne.»
«Je l’ai fait parce qu’il n’y a personne qui semblait défendre les jeunes», poursuit-il.
Xavier affirme que l’enseignant a fini par s’excuser à un groupe d’élèves. L’enseignant a changé d’école depuis, mais ce transfert n’aurait rien à voir avec des comportements ou des commentaires déplacés, a précisé le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), en réponse à un courriel de 24 heures.
Un protocole qui n’aurait pas été respecté
Depuis janvier 2020, le CSSDM dispose d’un protocole d’intervention relatif aux violences sexuelles. Cette résolution a été adoptée à l’unanimité par le Conseil des commissaires à la suite d’une présentation du collectif La voix des jeunes compte, en avril 2018.
La violence sexuelle est un continuum d’actes psychologiques ou physiques de nature sexuelle. Elle comprend des gestes, des paroles, des blagues, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, exprimés directement ou indirectement, y compris par un moyen technologique, selon l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
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«Le protocole [de la CSSDM] indique qu’il faut agir et appeler les parents des élèves concernés lorsque des situations de violence sexuelle se produisent, ce qui ne semble pas avoir été fait», soutient la coordonnatrice du collectif, Alexandra Dupuy, qui se montre toutefois critique envers le règlement.
«La majorité des employés de la CSSDM ne sont même pas au courant de ce protocole, qui a été fait rapidement, affirme-t-elle. Il n’est vraiment pas adapté à la réalité.»
Xavier a confirmé ne pas être au courant du protocole.
Les militantes de La voix des jeunes compte demandent depuis plus de cinq ans la mise en place d’une loi pour prévenir et combattre les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires du Québec, comme celle adoptée en 2017 dans les établissements d’enseignement supérieur.
Le CSSDM a refusé de répondre de vive voix à la demande d’entrevue de 24 heures.
Il a toutefois rappelé par courriel que «l’ensemble des directions du CSSDM [...] sont bien au fait de leurs devoirs et responsabilités en matière d'intimidation et de violence en milieu scolaire», et qu’elles «interviennent dès que [le CSSDM] est informé d'une plainte formelle ou d’une situation s’apparentant à un acte répréhensible».
Le professeur concerné dans cette histoire a préféré s’abstenir de commentaires, a répondu à 24 heures une firme de relations publiques chargée de ses communications après une demande d’entrevue.
*L’enseignant a requis l’anonymat par peur de représailles contre sa carrière et pour protéger l’identité des élèves concernés.