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Guerre en Ukraine: pourquoi c’est aussi difficile de prendre le contrôle d'une ville?

AFP
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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-03-03T22:15:00Z
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Prise du siège du gouvernement, contrôle des infrastructures portuaires et routières ou encore affaiblissement significatif de la résistance: quand une armée déclare avoir saisi une ville, ça peut vouloir dire plusieurs choses. Chose certaine, c’est toujours une opération très complexe. Un expert du Collège des Forces canadiennes nous explique comment ça se passe sur le terrain.  

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L’armée russe a annoncé jeudi avoir saisi une première grande ville ukrainienne. Elle aurait mis la main sur Kherson, une importante ville de 290 000 habitants située dans le sud de l’Ukraine. Ailleurs au pays, les frappes s’intensifient, alors que les Ukrainiens continuent d’offrir une résistance acharnée à l’envahisseur. 

Mais pourquoi l’armée russe a-t-elle mis une semaine pour contrôler une première grande ville?      

«Dans tous les conflits, la prise d’une ville est une opération militaire très complexe, notamment en raison de la géographie urbaine», indique Éric Ouellet, professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes. 

Des soldats ukrainiens dans un village près de la ville de Kherson
Des soldats ukrainiens dans un village près de la ville de Kherson AFP

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On n'a qu'à penser aux déplacements. Dans les villes, il est à peu près impossible de circuler en char d’assaut, ce qui complique évidemment les choses pour les stratèges militaires. 

«Ce que les gens ne savent pas, c’est que, lorsque vous êtes dans un char d’assaut, vous êtes complètement aveugle. Vous réagissez donc moins vite. En plus, en ville, on n’a pas d’autre choix que d’emprunter les rues pour se déplacer, donc vous devenez plus facilement la cible d’embuscades avec des roquettes antichars, des mines, etc. Ça devient vite très dangereux», explique-t-il. 

Des chars d'assaut ukrainiens
Des chars d'assaut ukrainiens AFP

Le jeu du chat et de la souris     

Pour ces raisons, les soldats doivent souvent se déplacer à pied. Mais les défenseurs connaissent mieux leur ville que ceux qui les attaquent. Entourés de bâtiments dans lesquels l’ennemi peut se cacher, les agresseurs doivent donc avancer lentement et prudemment, poursuit Éric Ouellet. 

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«Il y a un risque très élevé d’être attaqué par des tireurs d’élite, des snipers. Si vous êtes avec un peloton de soldats, vous êtes trop visible pour rester à découvert. Vous devez donc vous cacher pour essayer de trouver d’où proviennent les tirs. Ça peut prendre des heures.»

La ville de Kyïv
La ville de Kyïv AFP

Une fois le danger maîtrisé, il faut s’assurer qu’il n’y ait pas d’autres menaces dans les environs. 

«Il faut essentiellement vider une maison, un immeuble, un logement à la fois pour être certain qu’il n’y a pas d’autres tireurs. C’est très difficile de les trouver. En plus, ils [les soldats du camp adverse] vous cherchent à leur tour», soutient-il. 

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Pour espérer l’emporter, l’envahisseur doit aussi être prêt à déployer énormément d’hommes dans une même ville, puisque, «dans les théories militaires classiques, il faut un ratio de neuf contre un pour être capable de saisir une ville». 

Les Ukrainiens étaient prêts     

En plus des difficultés inhérentes aux conflits urbains, les Russes se butent actuellement à un autre obstacle de taille: le degré de préparation des Ukrainiens.

«Ils avaient prévu le coup. Ils avaient fort probablement des positions fortifiées et des tunnels souterrains qu’ils sont les seuls à connaître pour pouvoir déplacer leurs troupes. En plus, ils connaissent bien leur système d’égouts et ils l’utilisent pour frapper l’ennemi. Il y a des surprises un peu partout pour l’armée russe», avance Éric Ouellet. 

Un Ukrainien patrouillant sur une route de Kyïv.
Un Ukrainien patrouillant sur une route de Kyïv. AFP

Jusqu’à maintenant, par ailleurs, l’armée russe semble éviter de faire trop de victimes civiles, ce qui complexifie sa progression. 

L’Occident craint un bain de sang      

Mais malgré le nombre limité de victimes civiles, l’Occident craint de voir les villes ukrainiennes baignées dans le sang. Le fait est que l’armée de Vladimir Poutine a déjà été impliquée dans des carnages qui donnent froid dans le dos: celui de Grozny, en Tchétchénie (1990-2000), et celui d’Alep-Est, en Syrie (2016). 

La ville de Grozny a été détruite par les Russes. La photo du haut a été prise en 1995 et celle du bas en 2019.
La ville de Grozny a été détruite par les Russes. La photo du haut a été prise en 1995 et celle du bas en 2019. AFP

Dans les deux cas, le dirigeant russe avait ordonné que la ville soit complètement rasée en utilisant des bombardements par avion, malgré la présence de nombreux civils. Cent cinquante mille personnes ont trouvé la mort en Tchétchénie, alors que plusieurs milliers d’autres ont été fauchées en Syrie. Des hôpitaux et des écoles avaient été frappés, selon des rapports détaillés d’Amnistie internationale et de Human Rights Watch. 

Si de tels souvenirs glacent le sang, Éric Ouellet se fait rassurant: le contexte est complètement différent en Ukraine. 

«Leur but, c’est essentiellement d’annexer l’Ukraine ou de la contrôler éventuellement. Ça va être très difficile de convaincre la population d’accepter le gouvernement fantoche qui va être mis en place si la population voit un envahisseur brutal. Ils n’ont rien à gagner à nourrir le sentiment antirusse de cette façon», analyse le professeur. 

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